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Running / Interview
23 Octobre 2025 - Par Véronique Bury
Mise à jour : 24 Octobre 2025 (01h14)
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Skipper professionnel, Maxime Sorel a terminé dixième du Vendée Globe en 2020-2021, et sera au départ de la Transat Café L’or, ce dimanche au Havre. Avant cela, le navigateur breton a pratiqué l’athlétisme durant plusieurs années avant de se tourner vers la course au large, et il est resté profondément attaché à la course à pied. L’été dernier, il est même venu à bout de l’UTMB, après 38 heures et 30 minutes d’effort. Par goût pour les défis avant tout.
C’est la passion de la montagne et le goût des défis qui m’ont amené sur ce genre d’aventure. Je fais de la course au large, c’est de l’ultra-endurance dans l’effort et cela fait sens, surtout quand on commence à pratiquer du trail et de l’ultra en course à pied. Car même si cela parait rès éloigné au premier regard, on se rend compte qu’il y a quand même beaucoup de similitudes et de points communs, et c’est comme ça que je me suis retrouvé au départ de cette course à Chamonix.
En général, quand je me lance sur ce type de défi, que ce soit un Vendée Globe, l’Everest (il a été le premier skipper à gravir le plus haut sommet du monde en 2023) ou l’UTMB, je me renseigne toujours sur la manière de le préparer, les aspects de sécurité, mais j’évite au maximum d’aller voir ou d’aller lire ce que les autres ont pu ressentir. J’aime bien me faire ma propre opinion et voir ce qui s’y passe par moi-même. Je n’avais donc pas d’attentes particulières, mais je pense que cela s’est mieux passé physiquement que ce que je m’étais imaginé, notamment au vu des conditions météorologiques qui ont été hyper rudes cette année, avec de la neige, des coulées de boue, de la pluie. Mais mon rythme a aussi été plus faible à cause de ces conditions. J’ai donc été moins fatigué physiquement et je finis en meilleur état que prévu. En revanche, je suis loin du chrono que j’espérais puisque je visais secrètement la barre des 30-32 heures.
J’ai commencé l’athlétisme au collège, en UNSS, après avoir fait beaucoup de foot et de handball, quand j’étais gamin. J’avais un professeur d’EPS passionné qui nous emmenait sur les compétitions. Il nous parlait d’influx nerveux dans le bus et nous expliquait comment garder son calme sur la piste, c’est ce qui m’a donné le goût de l’effort et de la compétition, de la perfection du geste, ainsi que l’envie de performer. J’ai ensuite déménagé à Rennes et j’ai intégré une option sport avec un autre prof’ qui donnait officiait aussi dans un club d’athlé. C’est à ce moment-là que j’ai pris ma première licence. Au début, j’aimais bien la hauteur et la longueur. Les haies aussi, mais comme je ne suis pas très grand, c’est devenu plus compliqué pour moi en passant sur 110 m haies. Je me suis donc tourné vers le saut à la perche car je trouvais cette discipline hyper complète. En revanche, je ne faisais pas trop de demi-fond, cela ne m’attirait pas. Mais j’aimais bien les courses en relais quand on devait se passer le témoin. J’en garde de supers souvenirs. Je me rappelle aussi d’une compétition où j’avais pu voir Jean Galfione. Il était sur sa fin de carrière et cela m’avait beaucoup marqué. Je lui en ai d’ailleurs parlé un jour quand je l’ai retrouvé en Classe 40 comme concurrent.
En fait, elle a toujours rythmé ma vie. Petit, mes parents couraient déjà beaucoup. Je ne sais d’ailleurs pas combien de marathons ils ont fait tous les deux. Ils ont même créé le club Courir à Cancale avec des amis. Le week-end, on filait des coups de mains sur les ravitos avec mon frère et ma sœur, où alors on les suivait sur les courses. Cela s’est donc fait naturellement. Finalement, même si je n’aimais pas trop courir longtemps étant plus jeune, j’ai toujours mis des dossards, 5 à 6 par an en moyenne, le plus souvent sur des petites courses en Bretagne, des sortes de trails bretons entre chemins et routes, avec des copains. Et j’ai continué… J’aime encore bien me faire une petite sortie sur 10 bornes à l’entraînement, pour voir où j’en suis. Je l’ai donc intégré à mon programme d’entrainement de course au large et encore plus depuis ces cinq dernières années avec mes défis en montagne.
Au départ, c’est mon frère qui habite Annecy qui m’a initié. Puis quand j’ai rencontré ma compagne, je lui ai proposé de venir courir avec moi en montagne et elle a trouvé ça sympa, et on a commencé à se booster mutuellement. Aujourd’hui, on réfléchit à nos temps de pause afin de l’intégrer dans notre quotidien. C’est devenu une vraie passion et on adore aller découvrir de nouveaux endroits en se trouvant des trails sympas ou de nouveaux chemins de randonnée.
Le fait d’être sur des sentiers où il n’y a pas grand monde, d’être sur un type d’effort un peu saccadé avec des montées et des descentes, d’alterner marche et course, de porter son matos. C’est très différent de la course sur route. C’est un mix entre la rando découverte et un effort physique assez intense.
Pas mal de place ! Et ce, même si ce n’est pas le mieux pour se préparer pour de la course au large. Car quand on prépare une Transat ou un Vendée Globe, on cherche avant tout à prendre de la masse afin de palier à la perte de masse musculaire et de masse grasse que l’on subit pendant les courses. Or, la course à pied rend beaucoup plus sec ! Sans compter qu’elle fait prendre aussi du volume sur le bas du corps alors que nos besoins au large sont situés sur le haut du corps. Ce n’est donc pas simple de préparer de gros défis comme ça tout en s’entraînant pour de la course au large, mais j’ai tout de même demandé à mon centre d’entraînement (3,2,1 Perform) de l’intégrer à ma prépa ces deux dernières années. Il a fallu faire pas mal de volume et pas mal de courses pour se qualifier. Après, je trouve que la prépa d’un ultra demande beaucoup plus de concessions en termes de préparation qu’une transatlantique. C’est beaucoup plus exigeant en amont. Le moindre petit excès, tu le ressens quand tu vas courir. Ce n’est pas forcément le cas avec la voile, où tu peux plus facilement faire une pause dans ton calendrier.
Avant la grosse préparation pour l’UTMB, je courais au minimum deux fois par semaine. Mais je suis monté à quatre séances hebdomadaires tout en gardant mes séances en salle. Depuis l’UTMB, je cours moins, mais je suis toujours entre deux et trois séances par semaine, dont une sur la piste le mardi soir. Je crois que c’est devenu un besoin. Quand tu te mets à courir beaucoup et régulièrement, il y a comme un manque quand tu arrêtes, vraiment. Même les fois où je n’ai pas envie d’y aller, je sens qu’il me manque un truc. C’est comme une drogue. Ce n’est pas un truc que l’on éprouve en voile, il n’y a pas de manque de la navigation. En revanche, au retour d’une course au large, quand ça a été pas mal éprouvant ou compliqué, il y a toujours une phase où on se demande si on en serait encore capable. C’est très différent.
Le gros point commun, c’est la notion de durée dans l’effort, même si on peut difficilement comparer un Vendée Globe à un UTMB. Il y a aussi la gestion de son corps à la fois dans la nutrition, le sommeil, mais aussi les fringues. Car on passe finalement aussi pas mal de temps à se changer en trail, tout comme en bateau. On doit aussi prendre soin de son corps, mentalement et physiquement, en choisissant le bon moment pour le faire. Car tu peux faire de grosses conneries en changeant tes vêtements ou en ne les changeant pas au bon moment.
Beaucoup de choses. Mentalement, tu vas puiser loin et cela te permet de connaitre encore mieux ton corps, mais c’est aussi vrai avec tous les autres défis que je me lance, comme l’Everest. C’est un gros plus pour travailler sur ta capacité à tenir ton sommeil, sur ta nutrition et sur tous les curseurs que tu déplaces dans la connaissance de ton corps. Cela m’est donc très utile en course au large. Mais c’est aussi intéressant rien que de changer d’univers. Personnellement, j’ai remarqué que je suis toujours meilleur quand je reviens à mon activité principale après m’être fait plaisir ailleurs. Cela me booste sur mon sport de prédilection. Et à l’inverse, la rigueur que j’ai toujours mise dans mes entraînements pour la course au large, la connaissance que j’ai acquise de mon corps par tout ce que j’ai pu faire avant sur le sommeil et la nutrition, m’ont aussi beaucoup aidé dans l’ultra.
Le planning n’est pas encore tout à fait prêt. Je sais que je referai l’UTMB un jour, dans d’autres conditions et pour faire un chrono, mais j’ai envie d’en faire d’autres avant ça. J’aimerais bien aller voir ce qui se passe sur la Diagonale des fous à la Réunion, et m’essayer aussi sur un format encore plus long, comme un 300 km ou un 400 km. J’ai vraiment envie d’explorer encore plus loin les réactions de mon corps. Avec l’UTMB, j’ai fait une course où je n’ai pas dormi pendant 38 heures, mais j’ai envie d’essayer d’avoir cette notion de sommeil pour jouer avec et voir ce qui se passe. Et puis, j’aimerais aussi courir un marathon sur route avec comme objectif de faire moins de 3 heures. Mais je ne sais pas encore quand, ni où.