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24 Août 2008
Bernard Amsalem, le Président de la Fédération Française d’Athlétisme (FFA), a tenu une conférence de presse ce matin à Pékin. L’occasion d’effectuer un premier bilan de Jeux olympiques décevants. Mais également de proposer des pistes de réflexion pour remédier aux difficultés de l’athlétisme français lors des rendez-vous olympiques. Interview.
Bernard Amsalem, commençons par les belles réussites de ces Jeux olympiques…
La première grande satisfaction, c’est la médaille d’argent de Mahiedine Mekhissi-Benabbad sur 3000 m steeple. C’est une très belle médaille. Mahiedine a fait preuve d’initiative et de combativité pendant la finale. Je déplore la manière dont cela a été traité par une certaine presse. Je trouve dramatique que dès qu’un jeune lève la tête, il puisse être traité ainsi. Cela s’apparente à un délit de faciès.
Mais une médaille ne correspond pas aux ambitions de départ…
Une médaille, c’est moins que ce qu’on espérait puisque, avant les Jeux olympiques, on avait comme objectif de remporter entre deux et quatre médailles. Mais pour paraphraser un célèbre auteur, je dirai qu’un centième vous manque et tout est dépeuplé. Mais Ladji Doucouré et Leslie Djhone sont également deux satisfactions. Ladji Doucouré termine 4e. Il y a un mois et demi, on ne savait même pas s’il serait aux Jeux olympiques. Il était dans le trou. Quant à Leslie Djhone, il termine cinquième donc à la même place qu’à Osaka malgré une blessure.

D’autres satisfactions ?
Manuéla Montebrun, cinquième dans un contexte très relevé, Romain Barras, également cinquième et auteur d’une très belle deuxième journée, Bouabdellah Tahri, Jérôme Clavier et Mélina Robert-Michon. Intrinsèquement, la 4e place de Mehdi Baala, c’est bien. Mais c’est bien sûr insuffisant pour Mehdi. Il y a un vrai problème. Je me demande s’il arrive en pleine possession de ses moyens lors des grands championnats et je me pose aussi des questions sur son encadrement. Pas au niveau technique mais sur son conditionnement. Je me demande si celui-ci n’est pas plus perturbateur que serein. Nous avons eu neuf finalistes à Pékin. C’est quand même notre meilleur résultat depuis vingt ans et la chute du Mur de Berlin.
Il y a aussi des jeunes qui montent…
Martial Mbandjock sur 100 m est un jeune d’avenir. Il était venu pour apprendre et ses Jeux olympiques sont un bon apprentissage. Samuel Coco-Viloin a seulement 21 ans et est en demi-finales, c’est très bien pour lui. On peut entrevoir un bel avenir. Muriel Hurtis et Reina-Flor Okori se sont également bien comportées, comme Vanessa Boslak. Enfin, Christelle Daunay a été à son niveau.
Comment qualifieriez-vous tout de même les résultats de l’équipe de France ?
Je suis déçu par nos résultats. Certes il y a quarante-trois pays qui ont obtenu des podiums dans notre discipline, ce qui prouve qu'il est difficile d'aller chercher des médailles. Et il y a eu aussi, au sein de la délégation française, une transition au niveau des générations. Mais je ne peux en aucun cas me satisfaire de ce bilan.. Il y a eu des blessés : Yohann Diniz qu’on attendait sur un podium, Elodie Guégan qui, sans sa blessure, aurait eu les moyens de se battre pour être la plus proche possible de la finale et Christine Arron qui a connu des problèmes de santé tout au long de la saison. Il y a aussi de grandes insatisfactions comme les 4 x 100 m. Il y a deux choses à ressortir de ce véritable fiasco : la dimension de l’encadrement et celle des athlètes. Au niveau de l’encadrement, nous allons prendre les mesures qui s’imposent. Quand on encadre un relais, on ne doit pas être en même temps l’entraîneur d’un ou plusieurs athlètes qui composent ce relais-là. Nous avons commis une faute. Concernant les athlètes, ils ne participeront à leurs épreuves individuelles que s'ils acceptent de concourir en relais. S'ils ne jouent pas le jeu, ils ne seront pas retenus, même s'ils ont effectué les minima. Je sais que ça va faire grincer des dents mais je pense que c’est une mesure salutaire.
Et les 4 x 400 m ?
Le 4 x 400 m femmes est à sa place. Il réalise sa meilleure performance de la saison. C’est un relais d’avenir avec des filles qui ont joué le jeu. L’absence de Leslie Djhone a amoindri le niveau du relais masculin. Dans le futur, l’encadrement sera, comme pour le 4 x 100 m, entièrement dédié au 4 x 400 m.
Sur le plan individuel, quelles sont les déceptions ?
Il y a des athlètes qui n’ont pas pris conscience de la dimension olympique. Je veux citer Sophie Duarte, Térésa Nzola Meso Ba, Colomba Fofana, Mélanie Skotink et Amélie Perrin. Peut-être qu’ils manquent d’humilité ou qu’ils n’ont pas su gérer une compétition de cette ampleur. Ces athlètes forment souvent un couple avec leur entraîneur. Ils sont trop isolés. Là aussi des mesures seront prises.
Quels ont été les moyens investis par la FFA dans la préparation des athlètes ?
Nous avons emmené à Pékin vingt-huit entraîneurs personnels. Tout a été fait pour que les athlètes soient dans les meilleures conditions possibles. Malgré tous ces efforts, les résultats des athlètes n’ont pas été à la hauteur. Je regrette également beaucoup le manque de cohésion de certains cadres qui ont fait état de leurs états d’âme par voie de presse. Au passage, je rappelle que les cadres d’Etat ont un devoir de réserve à respecter. Certains l’ont transgressé.
Que proposez-vous pour que l’athlétisme français reparte du bon pied ?
Après avoir vécu trois Jeux olympiques, un en tant que vice-président et deux en tant que Président, je crois que la préparation et l’organisation fédérale de ces trois JO a été à peu près similaire. Ce type de préparation n’est plus productif. Il va sans doute falloir créer une rupture, aussi bien en amont que pendant l’événement. Quelques pistes de réflexion me sont venues à l’esprit. Tout d’abord, les Jeux olympiques sont un rendez-vous différent de n’importe quelle compétition avec des enjeux également tout autres. Il me semble qu’une équipe technique resserrée est nécessaire. Elle ne doit être constituée que de ceux qui ont l’expérience du haut niveau et ont déjà fait leurs preuves. Il nous faut une équipe resserrée, compétente et d’expérience.
Et au niveau des athlètes ?
Il faut là aussi restreindre encore plus la sélection pour les Jeux olympiques. Je pense qu’il faut venir avec une équipe commando, composée d’athlètes qui visent au minimum la finale. Il faut oublier l’idée de tradition donc avoir le courage de ne pas prendre par exemple un relais s’il n’est pas assez rapide. Les minima seront forcément durcis. L’expérience, le comportement et la manière dont se prépare l’athlète seront également pris en compte.
Quid des Championnats de France ?
Les Championnats de France doivent devenir le couperet, le passage obligatoire pour se qualifier. Je regrette que des dérogations aient été toujours faites. Il faut absolument l’éviter. A l’avenir, les athlètes devront démontrer leur niveau le jour J, afin d’avoir dans la sélection des athlètes capables de se transcender lors des grands rendez-vous.
Beaucoup reprochent à l’équipe de France de n’être composée que d’une somme d’individualités…
Sans se comparer à d’autres sports, l’esprit collectif est quelque chose qui nous manque. Ce n’est pas dans la culture de l’athlétisme et ce n’est donc pas du jour au lendemain qu’on va changer les choses. Mais il y a un travail de prise de conscience à faire dès le niveau des clubs.
Ne faut-il pas également revoir l’organisation du haut niveau ?
Il faut aussi s’interroger sur la manière dont les athlètes accèdent au haut niveau. Il va y avoir une réorganisation totale de cette filière autour de pôles athlètes d’excellence. Trop d’athlètes sont isolés. Il ne faut pas hésiter à être beaucoup plus coercitif par rapport à ceux qui brillent dans les catégories jeunes, par exemple concernant leur lieu d’entraînement, pour qu’ils ne soient pas perdus dans la nature à 20-25 ans. J’espère que le ministère sera à notre écoute sur cette volonté de rupture et de rénovation. Il est temps de revoir complètement notre organisation technique.
Propos recueillis par Florian Gaudin-Winer pour athle.com