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Novembre 2004

 

Le 4x400 m champion du monde….
15 mois après !

On savait la chose probable, c’est désormais officiel : suite au contrôle positif de Calvin Harrison, le 4x400 m américain qui avait terminé premier sur la piste de Saint-Denis, lors des Mondiaux 2003, a été disqualifié par l’IAAF. Du coup, les Français sont propulsés au rang de champions de monde. L’émotion en moins, l’amertume en plus. Mais satisfaits de voir que la lutte antidopage progresse.


C’est une image qui n’aurait donc jamais dû exister. Celle d’une joie voilée par la défaite, d’une ambition grandissante mais inassouvie dans l’euphorie de ces Mondiaux Paris 2003 Saint-Denis à domicile. Marc Raquil jetant le bâton à terre de rage, au terme du dernier relais de la finale du 4x400 m. Malgré un record de France porté à 2’58’’96, malgré une médaille d’argent. Mais ce soir là, Leslie Djhone, Naman Keita, Stéphane Diagana et Marc Raquil voulaient être champions du monde du 4x400 m. Ils auraient dû l’être, ils le sont aujourd’hui. Marc Raquil aurait dû pouvoir franchir la ligne les deux bras levés…

Calvin Harrison, c’est désormais officiel, avait triché. Contrôlé au Modafinil, un stimulant, en juin 2003, le relayeur n’avait été suspendu, pour deux ans, qu’en août 2004. Une suspension toutefois susceptible de le priver de tous les titres remportés entre les deux dates (dont celui de champion du monde à Paris), mais pas avant que l’affaire ne soit close, et donc pas avant qu’il ne fasse éventuellement appel. Un appel qu’Harrison, également exclu de l’équipe américaine pour les Jeux olympiques, n’a pas interjeté. Le délai est passé et, comme l’a annoncé officiellement dimanche l’IAAF, la France récupère officiellement le titre de championne du monde. La Jamaïque, 3e sur la piste, récupère la médaille d’argent, et les Bahamas, restés au pied du podium, sont désormais médaillés de bronze. Une révision du palmarès d’autant plus bienvenue pour l’éthique sportive que Jerome Young, lui aussi membre du 4x400 m américain au Stade de France, vient d’être suspendu à vie pour un deuxième contrôle positif – sans que cette sanction ne le prive toutefois de la médaille d’or individuelle remportée à Paris.

Reste que la joie d’un sacre mondial à domicile, les relayeurs français en auront été privés à jamais. En apprenant leur nouveau statut de champions du monde 2003, les tricolores sont d’ailleurs animés par des sentiments mitigés. « La première réaction est la satisfaction, décrit Stéphane Diagana, troisième relayeur sur la piste du stade de France. On récupère un titre mondial, c’est bien pour le palmarès… Mais c’eut été tellement mieux de la gagner sur le terrain... Je me sens un peu volé, avec l’impression que cette victoire ne me sera jamais rendue. Naman Keita m’avait appelé plusieurs fois au téléphone pour en parler, je m’y attendais un peu. Mais cela ne changera pas ma vie. C’est un titre mondial, mais avec l’amertume de ne pas en avoir vécu l’émotion. » Des termes semblables, où presque, dans la bouche de Leslie Djhone. Au moment de partir s’entraîner, dans la froideur et la pluie de l’automne, celui qui est désormais recordman de France du 400 m, et qui avait transmis le témoin en tête à Naman Keita à Paris, se sent bien loin de l’ambiance de 2003. « Je suis super amer car on m’a retiré le plus grand bonheur qu’on puisse connaître sur une piste. J’aurais voulu monter sur la plus haute marche du podium à Paris, entendre la Marseillaise devant tous ces spectateurs… Aujourd’hui, je suis content, mais pas plus que ça. » Naman Keita, lui, ne veut voir que le bon côté des choses. Question de caractère, sans doute. Il faut dire que le récent médaillé olympique sur 400 m haies n’est pas encore totalement redescendu de son nuage athénien… « Je suis plus satisfait que déçu, c’est vrai. Bien sûr, j’aurais préféré qu’on me remette cette médaille au Stade de France, mais je suis satisfait. Nous sommes quand même champions du monde ! Evidemment, on m’a volé une émotion. Mais que voulez-vous, il y a des tricheurs partout. Cela fait désormais partie du sport. Et ce qu’ils nous ont pris, on ne pourra pas le reprendre. Une chose est sûre : je ne vais pas fêter maintenant ce titre qui arrive. C’est la reprise, je ne pense qu’à la saison prochaine !»

Ce qui n’interdit pas quelques célébrations pour fêter cet or arrivé un peu tard. L’IAAF et la Fédération Française devront en premier lieu décider du lieu et de la date auxquelles la médaille sera remise aux quatre héros tricolores, auxquels il ne faut pas oublier d’associer Ahmed Douhou, qui avait pris part à la demi-finale. Muriel Hurtis, qui avait elle aussi été privée de la médaille à laquelle elle avait droit par la tricherie de Kelly White, sur 200 m, avait eu le plaisir de recevoir sa médaille onze mois après les Mondiaux 2003, sur la même piste de Saint-Denis, à l’occasion du meeting Gaz de France. Des voix ont suggéré que, d’un mondial à l’autre sur le sol français, la cérémonie protocolaire ait lieu en mars, à Saint-Etienne Saint-Galmier, à l’occasion des Mondiaux de cross. Une éventualité qui n’enchante pas forcément les athlètes. « Je préférerais en effet qu’on nous la remette sur la piste, et j’espère que ce sera à Helsinki, pour les Championnats du monde 2005, avance Stéphane Diagana. Il faut qu’on nous la remette dans un stade. » Même son de cloches chez Naman Keita. « Il faudrait faire cela à l’occasion d’un grand événement sur piste, pourquoi pas un meeting, s’interroge-t-il. Mais à l’occasion d’un cross, ce ne serait pas terrible : nous n’avons pas l’habitude d’y figurer, cela n’a rien à voir avec la piste. Il faudrait qu’on se voie tous ensemble pour en parler… »

On termine sur une note optimiste ? Malgré ma déception d’être passés à côté d’une grande émotion, nos relayeurs veulent voir des côtés positifs dans cette sanction. Diagana : « C’est d’abord la preuve que la procédure et la lutte antidopage fonctionnent bien, qu’on n’a pas laissé tomber. Que les choses changent, qu’il y a désormais une réelle lutte contre le dopage, qu’on va au bout des affaires. Cela n’a pas toujours été le cas. » Idem pour Naman Keita : « Cette médaille d’or qui arrive aujourd’hui, je la prends comme la preuve qu’il ne faut pas se décourager, et qu’en athlétisme, il faut avant tout chercher à se faire plaisir. Et que même s’il y a des tricheurs, la récompense vient toujours à un moment ou un autre. » A méditer.

Propos recueillis par Cyril Pocréaux Athle.com

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