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Résumé du Vendredi 6 Mars |
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Et un, et deux, et trois héros

Les hurdleurs français ont donné une véritable leçon à leurs adversaires sur 60 m haies, pour offrir à la France le tout premier triplé de son histoire en grands championnats. Le miraculé Pascal Martinot-Lagarde (7’’49) a devancé d’un centième Dimitri Bascou, et Wilhem Belocian a battu son record personnel (7’’52) pour prendre la médaille de bronze. Ce final en apothéose a conclu une bonne journée pour l’ensemble des Bleus engagés en qualifications, qui a également
vu Antoinette Nana Djimou prendre la cinquième place du pentathlon.
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Le Temps Fort |
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« On va tous monter sur la première marche et kiffer la Marseillaise ensemble, parce que de toutes façons, le podium nous appartient. » La formule, signée du nouveau champion d’Europe du 60 m haies, Pascal Martinot-Lagarde, résume parfaitement l’ambiance qui régnait en zone d’interviews après la finale, soldée par un triplé français aussi incroyable qu’inédit. La zone mixte, avec les trois hurdleurs, leurs coaches, un Mehdi Baala
en larmes, les membres de l’encadrement et tous les médias français, avait des airs d’ambassade de France un jour de 14 juillet. Certains suiveurs de l’équipe de France en rêvait tout haut, encore plus après les demi-finales, mais personne n’osait vraiment y croire. « J’en avais plus que rêvé, mais ça me paraissait difficilement réalisable », confiait Ghani Yalouz, DTN aux anges. Pourtant, PML (7’’49), Dimitri Bascou (7’’50) et Wilhem
Belocian l’ont fait !
La principale inconnue résidait dans l’ischio-jambiers du nouveau champion d’Europe. « Ce titre est magnifique et inespéré pour moi. Il y a quelques semaines, j’étais pété ! J’ai pris la décision de venir à Prague il y a dix jours. Je n’avais pas eu l’odeur de la compétition depuis un long moment, j’étais en manque. Cette blessure m’a peut-être aidé à être plus concentré. En claquant un chrono à moins de 7’’60 en séries, je savais que j’étais en forme. Je me suis
arraché la gu***, et le centième qui m’avait manqué aux Mondiaux de Sopot l’an passé m’a souri aujourd’hui », racontait PML, radieux de bonheur et partageur dans sa joie. Auteur d’un nouveau record personnel en 7’’46 lors des demi-finales, Dimitri Bascou, meilleur performeur européen de l’hiver, s’est fait coiffer au poteau. Pas de quoi entamer son bonheur de ramener une première breloque à la maison, quelques mois après sa déconvenue de Zurich. « Ce sont des choses qui arrivent,
j’ai fait deux ou trois fautes dans cette course-là. C’est aussi cela notre discipline. Mais ça reste une médaille, je ne crache pas dessus. C’est surtout encore une leçon et de l’expérience pour la suite. J’ai été présent dans cette finale, lors de laquelle je réalise mon troisième chrono de l’hiver. C’est positif ! »

Venu pour « apprendre et gagner en expérience », Wilhem Belocian a, une nouvelle fois, montré qu’il était un élève surdoué. Le champion du monde juniors a battu son record en finale, comme d’habitude, et montré que la maîtrise des haies en France est intergénérationnelle. Avec son parlé tout en mesure, Wilhem a commencé par qualifier sa performance de « plutôt satisfaisante », avant de se mêler à l’euphorie ambiante. « Super content
», il va pouvoir « rentrer avec le sourire » en Guadeloupe. Le voyage était initialement prévu après les championnats de France, avant qu’il ne convainque ses coaches de l’intérêt d’une excursion en République Tchèque. La suite lui a donné raison. Ce triplé est également « un message envoyé au monde, soulignait Pascal Martinot-Lagarde. Maintenant, les autres athlètes savent qu’il va falloir compter avec nous. Je suis un grand rêveur, et je suis sûr que l’on peut
réitérer ce genre d’exploits ! » Grand rêveur, PML nous a confié qu’avec le statut d’outsider qui était le sien en arrivant à Prague, il avait pour la première fois bien dormi avant un grand championnat. Avec la fête qui s’annonce, pas sûr qu’il en fasse de même ce vendredi soir…
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Le Chiffre |
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5000
Le pentathlon féminin, annoncé comme l’une des épreuves les plus passionnantes et les plus ouvertes de ces championnats, a finalement tourné au récital. La tenante du titre, Antoinette Nana Djimou a, comme les autres, assisté impuissante à la démonstration implacable de l’Anglaise Katarina Johnson-Thompson. « KJT » (prononcez KayJiTi) s’est littéralement baladée, remportant quatre épreuves sur cinq, compilant l’excellent total de
5000 points tout ronds, malgré un concours de poids faiblard (12,32 m), devenant la deuxième femme de l’histoire à franchir cette barrière symbolique. Passée à treize points seulement du record du monde de Natalya Dobrinska, la Liverpuldienne confiait devant les micros être à la fois « dévastée de passer si près, et super heureuse ».
Derrière, la bataille pour les médailles a été palpitante. Nadine Broersen y a laissé sa santé, lors du concours de la hauteur.
Antoinette Nana Djimou a, elle, été dans le coup presque jusqu’au bout. A l’aube du 800 m, dernière des cinq épreuves, la Montreuilloise ne comptait que 21 points de retard sur la Tchèque Eliska Klucinova. Portée par la foule, celle-ci n’a pas failli, tandis que « Nana », s’est retrouvée piégée. « Je suis déçue, parce que je pensais faire quelque chose au 800 m, mais les filles m’ont complètement faussée. Je pensais que celles qui étaient devant moi allaient vite, et en fait
non. Elles sont passées en 1’06 et moi en 1’10, cela a plombé ma course. ça se joue aussi dès la première épreuve, le 60 m haies. Au poids, ça n’était pas ce que j’attendais non plus. Peut-être que je n’étais pas assez prête pour la suite ? », s’interrogeait-elle.

Mais Antoinette n’était pas non plus abattue (d’ailleurs, l’avez-vous déjà vu faire la tête plus de dix secondes ?), et prenait sa première défaite en championnats d’Europe depuis 2011 comme un signal encourageant. « Cela doit vouloir dire qu’il faut que je retourne travailler pour retrouver mon meilleur niveau. En fait, je suis presque contente qu’on m’ait giflée. C’est bizarre, non ? » Peut-être, oui. Mais c’est surtout le signe qu’elle répondra présente dès
cet été.
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Les Promesses |
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Des trois engagés français sur 800 m, les trois ont passé le cut des séries. Rénelle Lamote, la première en action, a choisi l’option risquée de prendre le train à son compte. Bien lui en a pris puisqu’elle a tenu jusqu’au bout, passant même tout près de son record personnel (2’01’’97)
en 2’02’’10. « Je savais que j’allais perdre des plumes, mais je voulais assurer le coup, pour que ça passe au moins au temps si ça ne passait pas à la place », glissait l’élève de Thierry Choffin à l’issue de sa course. Son objectif « atteint », elle aura samedi l’opportunité de s’offrir une place en finale. Reste à trouver la bonne stratégie.
Les hommes avaient opté pour une tactique plus prudente. « Philippe Dupont nous avait demandé de rester au contact
des deux qualifiés potentiels par la place, et d’essayer de se glisser dedans », résumait Paul Renaudie. Le Bordelais a parfaitement réalisé son contrat en prenant la deuxième place de sa course en 1’49’’61. Brice Leroy sera également au rendez-vous des demi-finales, samedi. Mais il a dû attendre le verdict des qualifications au temps, après s’être classé troisième de sa série en 1’49’’09. Bousculé à cent mètres de la ligne après avoir produit son effort à l’amorce du dernier
tour, le Martégal accompagnera son camarade au tour suivant.
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Le Coup Dur |
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Médaillé en plein air à Zurich, Kevin Menaldo ne récidivera pas cet hiver. Grippé depuis jeudi, le perchiste de l’EFCVO n’avait pas assez récupéré pour passer les qualifications de la perche. « J’ai compris dès l’échauffement que je n’avais pas les jambes, et on en peut pas lutter contre son corps », analysait-il. Dans l’incapacité de franchir 5,45 m, il a regardé de loin les frères Lavillenie se faire quelques frayeurs eux
aussi. Renaud, le recordman du monde, a eu recours à un troisième essai pour passer 5,70 m, sa barre d’entrée dans le concours. « J’étais sans doute trop en forme, et j’ai utilisé une perche trop souple. C’est pourtant celle avec laquelle j’avais déjà passé six mètres à Rouen. Même sur le troisième essai, j’ai
dû beaucoup travailler pour ne pas faire tomber la barre. » La catastrophe a donc été évitée de justesse, mais l’essentiel est fait. Le Clermontois sera accompagné en finale par son frère Valentin, huitième ex-aequo du concours de qualif’ grâce à un sans-faute jusqu’à 5,60 m.
A son arrivée en zone mixte, Floria Gueï avait le sourire, et la certitude d’avoir fait le boulot. S’en est suivi l’un des moments les plus gênants dans la carrière d’un journaliste : devoir
annoncer à une athlète que la réalité est tout autre. Incrédule, Floria s’est alors faufilée entre les reporters de tous les pays jusqu’au moniteur où était affichés les résultats officiels. Elle l’a longuement regardé, avant de réaliser, hébétée, qu’elle n’avait pris que la quatrième place de sa série, et qu’elle en serait donc pas en finale du 400 m samedi. « J’étais pourtant sûre d’être devant l’Anglaise. Je tombe des nues, c’est horrible. » Excentrée au couloir trois pour dépasser ses concurrentes,
la Lyonnaise n’a pas vu le cassé rageur d’Iveta Putalova et de Seren Bundy-Davies à sa gauche, qui la privent d’une place en finale. Elle y aurait rejoint sa compatriote Marie Gayot. La Rémoise a parfaitement géré sa demie, ne quittant pas la foulée de la lièvre de luxe qu’était l’Ukrainienne Natalya Pyhyda, pour prendre la deuxième place en 52’’53.
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Et Aussi |
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Le scénario du concours de perche féminin a été similaire à celui des hommes pour Marion Fiack, qui a elle aussi échappé de peu à la sortie de piste prématurée. Parfaite jusqu’alors, la Thionvilloise n’a franchi 4,55 m à son dernier essai. Neuvième à ce moment-là, ce sursaut lui a permis de retrouver de l’allant pour franchir la hauteur suivante, qualificative pour la finale, du premier coup. « J’ai eu un peu de mal à régler tous les paramètres,
mais tout est rentré dans l’ordre et je vais disputer ma première finale internationale. Je suis au niveau des meilleures, et je vais pouvoir utiliser mes nouvelles perches, longues de 4,40 m. J’ai hâte ! », souriait-elle.
Les qualifications, ce n'est jamais vraiment la tasse de thé d’Eloyse Lesueur. En quête d’un premier titre européen en indoor, la double tenante du titre en extérieur a eu la bonne idée de se simplifier la tâche ce vendredi. « A mon premier essai, j'ai mis beaucoup
d'engagement sur mes premières foulées, et ma consigne est d'éviter les premiers essais mordus, alors quand je me suis rendue compte que j'étais vraiment trop près, je me suis débrouillée pour mettre le pied où il faut. » Retombée à 6,59 m, Lesueur n’a pas eu besoin de puiser plus avant dans ses réserves pour rallier la finale, où les six essais garantis devraient lui permettre d’exprimer au mieux le potentiel de sa nouvelle technique en double ciseau.
Enfin, Florian Carvalho a complété
le bon bilan d’ensemble des Bleus pour cette première journée, en se qualifiant au temps pour la finale du 3000 m. Bien que s’étant élancé sans savoir à quel niveau chronométrique il devait courir pour décrocher son ticket, il a tenu la foulée de ses adversaires, ne craquant qu’au finish. Comptant sur sa grosse caisse pour enchaîner un deuxième 3000 m à 24 h d’intervalle, il compte bien « faire mieux qu’une cinquième place en séries ». La journée de vendredi l’a prouvé : les Bleus peuvent rêver.
A Prague, Etienne Nappey pour athle.fr
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