Entre espoir et regrets

A nouveau auteur d’une course pleine de panache, Rénelle Lamote a logiquement eu les jambes très lourdes dans la dernière ligne droite de la finale du 800 m. Huitième en 1’59’’70, un chrono très honorable, elle a pris date pour l’avenir. Grosse déception pour le relais 4x100 m, brillant en séries (2e en 37’’88) mais seulement cinquième de la finale en 38’’23. Les relais 4x400 m hommes et femmes sont, eux, en finale, après d’excellents chronos. Treizième place pour
Bastien Auzeil au décathlon (8093 points), lors d'une compétition marquée par le record du monde d'Ashton Eaton (9045 points).
 Le Temps Fort
Lamote au bout d’elle-même
Que la dernière ligne droite a été longue pour Rénelle Lamote, huitième de la finale du 800 m en 1’59’’70. « C’est dur de finir une course quand on ne peut plus dépasser personne », souffle d’ailleurs la demi-fondeuse, quelques minutes après l’arrivée. Mais comment nourrir des regrets quand, à seulement vingt-et-un ans, on est la deuxième Française à atteindre une finale mondiale sur les deux tours de piste ? Comme en demi-finales, l’élève de Thierry Choffin
au pôle de Fontenaibleau a pris ses responsabilités, en se plaçant résolument aux avant-postes. Il en fallait du cran pour aller se frotter à des athlètes bien plus expérimentées. Rénelle avait pris des coups lors des tours précédents. Elle a appris, elle aussi, à se faire respecter dans le peloton.
Alors bien sûr, après un passage en 58’’93 de la tête de course au 400 m, elle n’a pas tenu jusqu’au bout dans une course remportée par la Biélorusse Marina Arzamasova (1’58’’03), devant la Canadienne Bishop (1’58’’12) et la Kényane Sum (1’58’’18). « J’ai pris des risques et je les ai payés à la fin, juge la Française, qui a beaucoup fait l’extérieur pour éviter de se faire enfermer, sa hantise. J’ai peut-être été un peu trop offensive. » On a le défaut de ses qualités… Et 1’59’’70,
deux jours après être descendue pour la première fois de sa carrière sous les 1’59’’ (1’58’’86), ça n’a rien d’infamant. « Elle court un 700 m comme elle devait le faire, analyse son exigeant coach. Elle peut être satisfaite, elle a fait une bonne course avec une bonne attitude. »
Dans les coursives du Nid d’Oiseau, Rénelle Lamote tente de reprendre son souffle, quelques minutes après sa course. Sur son visage, un sourire et cette question, pour commencer : « J’espère que je ne vous ai pas déçus ? Je pensais qu’une huitième place me ferait plus de mal que ça, poursuit-elle. J’ai beaucoup appris aujourd’hui. Je n’ai pas l’habitude de finir dernière d’une course. Mais avec du recul, je me dirai que ces Mondiaux, c’était quelque chose d’énorme. Ce qui m’a manqué, c’est de
l’expérience et la capacité à enchaîner les courses. » Deux qualités qui viendront avec les années. Ça tombe bien, Rénelle Lamote a l’avenir devant elle.
 Le Coup Dur
Un relais moins saignant

La déception a été à la hauteur des espoirs nés ce matin. Une série avalée en 37’’88 (le troisième meilleur chrono de tous les temps pour un relais tricolore), derrière la Jamaïque mais devant les Etats-Unis, faisait des Bleus des prétendants au podium plus que sérieux. Las, la soirée a été beaucoup difficile pour le quatuor composé d’Emmanuel Biron, Christophe Lemaitre, Guy-Elphège Anouman et Jimmy Vicaut. Au bout d’une course
beaucoup moins saignante, une cinquième place en seulement 38’’28. « Je ne comprends pas, soupire Vicaut. Ce matin, on avait la tête dans le cul. On devait faire mieux ce soir. On est dégoûtés. » Rageant, surtout que le podium était vraiment abordable, derrière une équipe jamaïcaine (37’’36), emmenée par Bolt, largement au-dessus du lot. Comme souvent, les Américains et les Britanniques ont été disqualifiés. C’est finalement la Chine (38’’01) et le Canada (38’’13) qui accompagnent les
jaunes et or sur la boîte. « On perd notre médaille sur rien, pour seulement un dixième, poursuit le recordman d’Europe du 100 m. Notre seule consolation, c’est d’avoir couru ce matin en moins de 38’’. »
 Le Chiffre
6

Ashton Eaton est un géant. Sur la piste du Nid d’Oiseau, l’Américain s’est arraché au bout d’un 1500 m magnifique de courage, pour battre de six points son record du monde. Son nouveau total : 9045 points. Lors de cette dernière épreuve, couverte en 4’17’’52 avec un dernier tour en 1’04’’, il a prouvé que son mental était au moins à la hauteur de ses capacités physiques prodigieuses. Parmi sa cascade de belles performances, on retiendra en particulier
celles en sprint, son point fort, avec un 100 m en 10’’23, un stratosphérique 400 m en 45’’00 et un 110 m haies en 13’’69. « C’est un extraterrestre, admire Bastien Auzeil, treizième de ce décathlon avec 8093 points, le deuxième meilleur total de sa carrière. Il faudrait lui créer un championnat à part. Il est vraiment impressionnant. »
 La Décla
Bastien Auzeil, 13e du décathlon avec 8093 points : « J’ai beaucoup appris et j’étais venu pour ça. J’ai pu me rendre compte que des décathlons de championnats et de meetings, c’est vraiment différent au niveau du rythme. Aujourd’hui, je n’avais pas totalement récupéré de la première journée. Ça m’a coûté beaucoup de points. Sur le 110 m haies, je manquais d’énergie. Et au javelot, je n’avais plus rien. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tenté ! J’avais à
cœur d’être bon sous le maillot français. J’ai plus ou moins réussi. »
 Les Promesses
Les 4x400 m en finale

Au cours de séries d’un niveau incroyablement relevé, les deux 4x400 m français ont décroché avec mention leur billet pour la finale. Chez les hommes, pour la première fois de l’histoire, un chrono sous les trois minutes ne suffisait pas pour intégrer le top 8 d’un grand championnat. Dans ce contexte, la qualification des Bleus est un petit exploit. Mame-Ibra Anne, Teddy Atine-Venel, Mamoudou-Elimane Hanne et Thomas Jordier ont pris la troisième
place de leur série en 2’59’’42,
derrière la Grande-Bretagne (2’59’’05) et la Belgique (2’59’’28). 2’59’’42, c’est le deuxième meilleur chrono de tous les temps pour un relais bleu, derrière le record de France réalisé aux Mondiaux de Paris 2003, en 2’58’’96.
Les relayeuses du 4x400 m tricolores se sont, elles aussi, employées. Estelle Perrossier, Marie Gayot, Agnès Raharolahy et Floria Gueï ont terminé troisièmes de leur série en 3’24’’86, devancées par les Etats-Unis (3’23’’05) et la Grande-Bretagne (3’23’’90). Sacrées championnes d’Europe à Zurich l’an dernier, les Bleues ont les moyens d’élever encore leur niveau pour monter sur la boîte. Derrière les Etats-Unis et la Jamaïque,
tout semble ouvert.
 Et Aussi
Pas de miracle pour les sprinteuses bleues
Le 4x100 m féminin tricolore, qui était arrivé à Pékin avec le seizième chrono des équipes engagées, a quitté la compétition dès les séries. Lenora Guion-Firmin, Stella Akakpo, Maroussia Paré et Céline Distel-Bonnet ont pris la septième place de leur course en 43’’58. « On est forcément déçues car on était venues ici pour accéder à la finale, a confié Stella Akakpo. Mais on a pris tous les risques aujourd’hui et on n’a rien à se
reprocher. »
 Les Champions du jour
Farah, l'habitué des doublés

Il est imbattable. Comme chaque année depuis les Jeux olympiques de Londres en 2012, Mo Farah a réalisé le doublé 5000 m-10 000 m en grand championnat. Le Kényan Caleb Ndiku (2e en 13’51’’75) a bien tenté crânement sa chance, en plaçant une attaque foudroyante à deux tours de l’arrivée. Mais avec un dernier 800 m en 1’48’’7 et un ultime tour en 52’’4, le Britannique, vainqueur en 13’50’’38, était comme toujours le plus fort. Médaille de bronze pour l’Ethiopien
Hagos Gebrhiwet (13’51’’86).
La Pologne poursuit sa moisson d’or en lancers. Après les titres au marteau masculin et féminin, c’est à nouveau un athlète au maillot rouge et blanc qui est monté sur la plus haute marche du podium au disque hommes. Piotr Malachowski a fait honneur à son statut de favori avec un deuxième essai à 67,40 m. Il devance la révélation belge de l’année, Philip Milanov (66,90 m, record national), et un autre Polonais, Robert Urbanek (65,18 m).
Si la Pologne a les lancers, la hauteur a la Russie. Pour la troisième fois consécutive, mais à chaque reprise avec une athlète différente, le pays des Tsars a décroché l’or dans cette épreuve chez les femmes. Cette fois, c’est Maria Kuchina qui s’y est collé, avec un record personnel égalé à 2,01 m. Elle devance aux essais la Croate Blanka Vlasic, qui se rapproche de son meilleur niveau, et sa compatriote Anna Chicherova.
Hégémonie, encore et toujours, avec les 4x100 m. Avant Bolt et sa bande (voir « le coup dur »), le quatuor des Jamaïcaines, emmené par Fraser-Pryce avec Campbell-Brown, Morrison et Thompson, avait survolé le tour de piste en 41’’07. Les Américaines d’Allyson Felix n’ont pas existé, reléguées à plus de six dixièmes (41’’68). Troisième place pour Trinidad et Tobago en 42’’03.
Le dernier podium du jour est le plus matinal, celui du 50 km marche. Largement en tête des bilans, le Slovaque Matej Toth a tenu son rang en l’emportant en 3h40’32’’, sous une chaleur cuisante. Deuxième place pour l’expérimenté Australien Jared Tallent (3h42’17’’) et troisième place pour le Japonais Takayuki Tanii (3h42’55’’).
A Pékin, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr
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