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Mayer, ce héros !

A l’issue d’un décathlon d’anthologie, Kevin Mayer devient vice-champion olympique avec l’incroyable total de 8834 points, record de France explosé. Le désormais sixième meilleur performeur de tous les temps aura menacé jusqu’au bout la légende de la discipline, l’Américain Ashton Eaton (8893 pts, record olympique). A vingt-quatre ans, il devient le deuxième décathlonien tricolore à monter sur un podium olympique, soixante-huit ans après la médaille d’argent d’Ignace Heinrich à Londres. En ajoutant la troisième place de Christophe Lemaitre sur 200 m ce même soir, l’équipe de France d’athlétisme compte déjà six médailles. Du jamais vu depuis 1948.

Kevin Mayer a été en tête du décathlon ! C’était juste après le premier essai au javelot. Le Français venait de lancer à 65,04 m, douze mètres plus loin qu’Ashton Eaton (53,26 m). « A ce moment, j’ai cru à la médaille d’or, raconte Kevin. Je me sentais bien mais j’étais sur élan réduit. En prenant plus d’élan, je pensais pouvoir faire mieux et aller chercher Ashton. Mais je me suis rendu compte que je n’avais plus de jambes. J’ai clairement donné mon corps à la science. C’est ça la beauté du décathlon, on va à la mort jusqu’au bout. » Quelques minutes plus tard, le recordman du monde se chargeait de remettre les pendules à l’heure américaine, avec un troisième jet à 59,77 m. Mais, pour la première fois depuis quatre ans, un concurrent lui chatouillait enfin les pointes.
Depuis sa victoire aux Jeux olympiques de Londres en 2012, Eaton, vingt-huit ans, écrasait tout, façon rouleau compresseur. Lors de ses titres mondiaux en 2013 et 2015, il était seul face à lui-même et aux chiffres, auxquels il donnait le tournis, à l’image de son record du monde à Pékin (9045 pts), l’an dernier. Mais ce jeudi, sur la piste bleue du stade Joao-Havelange de Rio, c’est avec seulement quarante-quatre points d’avance sur Kevin Mayer qu’il s’est présenté au départ du 1500 m. La faute à un jeune Français aux cheveux blonds et en état de grâce.

Le tournant de la perche

Lors de la première journée, le pensionnaire du pôle de Montpellier avait battu ses records personnels sur 100 m et 400 m, tout en réalisant ses meilleures performances de la saison à la longueur (7,60 m), au poids (15,76 m) et à à la hauteur (2,04 m). Pour le deuxième jour de compétition, il allait garder l’excellence comme unique référence. Il bouclait son 110 m haies en 14’’02, à un centième de son record personnel, puis expédiait son disque à 46,78 m, pour se caler solidement en troisième position du classement général. La perche constituait un tournant. En franchissant une barre à 5,40 m, soit cinq centimètres de plus que son record personnel, il dépassait au classement le Canadien Damien Warner et devenait l’adversaire numéro un d’Eaton.
Six heures plus tard, on retrouvait les deux hommes sur la ligne de départ du 1500 m. Pour dépasser Eaton et être sacré champion olympique, Kevin Mayer devait devancer l’Américain de six secondes et demi. Une mission quasi impossible, le Français ayant un record personnel supérieur de près de quatre secondes à celui de l’Américain. Il tentait pourtant crânement sa chance, calé en quatrième position. Intelligemment, Eaton décidait de se placer dans la foulée de son dauphin. Il finissait par porter une attaque imparable à deux cent cinquante mètres de l’arrivée et franchissait la ligne d’arrivée en 4’23’’33, avec un peu plus de deux secondes d’avance sur Kevin (4’25’’49).

Le décathlon parfait

Avec 8893 points, Ashton Eaton conserve son titre et égale le record olympique. Kevin Mayer, lui, en termine avec 8834 points. « Pendant quatre ans, je n’ai pensé qu’à ces J.O. Je me suis préparé pour ça et tout est sorti comme il le fallait, savoure ce dernier. Ce total, je l’avais imaginé dans ma tête. Mais de là à le faire, c’est complètement différent. Honnêtement, par rapport à mon niveau actuel, c’est le décathlon parfait. Je ne pouvais pas espérer mieux. Je n’ai aucun regret. Pour moi, cette médaille d’argent vaut de l’or. »
Quelques mètres après l’arrivée du 1500 m, les deux décathloniens tombent dans les bras l’un de l’autre et échangent quelques mots. « Il m’a dit que ce que j’avais fait était énorme, dévoile Kevin. Je lui ai répondu qu’il était mon exemple et qu’il m’inspirait énormément, mais que je n’hésiterais pas à le battre la prochaine fois (rires) ». Bastien Auzeil, bon treizième avec 8064 points, enlace aussi son camarade. Plusieurs dizaines de minutes plus tard, Asthon Eaton et Kevin Mayer se croisent par hasard dans la zone mixte, l’espace réservé à la presse pour interroger les athlètes. L’Américain débarque au moment où le frenchie s’apprête à répondre à un journaliste, qui lui a demandé s’il pensait pouvoir battre un jour le record du monde. Mis au courant de la question par le vice-champion olympique, Eaton lance : « Say yes* ! » Rire général.

Place à la onzième épreuve

Avec 8834 points, Kevin Mayer s’installe à la table des géants du décathlon. Le record de France de Christian Plaziat établi à Split en 1990, sur lequel s’étaient cassé les dents Alain Blondel, Sébastien Levicq ou encore Romain Barras ? Il est explosé de 260 points ! C’est au milieu des plus grands décathloniens de l’histoire que figure désormais le nom du sociétaire de l’Entente Athlétique Rhône Vercors. Sixième meilleur performeur de tous les temps, il double aux bilans des figures de la discipline, comme les Américains Bryan Clay (8832 pts) et Trey Hardee (8790 pts). Juste devant lui, il peut apercevoir les légendaires Daley Thompson (8847 pts) et Dan O’Brien (8891 pts). Il peut les regarder dans les yeux sans rougir. Il fait partie de la famille. Mais pour l’heure, le Français a d’autres préoccupations. « Vous connaissez un peu les décathloniens. Il y a la onzième épreuve qui va débuter, et qui, je pense, va durer assez longtemps. » La nuit promettait d’être longue à Rio.

A Rio, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr

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