Bouquet final d’émotions

La dernière soirée des championnats d’Europe de Berlin a vu Alexandra Tavernier décrocher la médaille d’argent au marteau, en améliorant le record de France, et Renaud Lavillenie prendre la médaille de bronze de la perche, au terme d'un concours dingue. Les deux relais 4x100 m, le perchiste Axel Chapelle et le triple sauteur Jean-Marc Pontvianne ont réussi à se glisser parmi les finalistes de leur épreuve.
 Les Médailles
Tavernier, de l’argent qui vaut de l’or
Elle nous a fait une « Mélina Robert-Michon » ! La multi-médaillée internationale au disque s’est fait une spécialité, lors de chacune de ses finales en grand championnat, de faire mal mentalement à ses adversaires dès le premier essai en frappant un grand coup. Ce qu’a exactement réussi à réaliser ce dimanche soir Alexandra Tavernier, dans un stade olympique de Berlin toujours aussi transporté par les lancers. Cinquième à entrer dans l’aire, la lanceuse de marteau
d’Annecy
Haute Savoie Athlétisme a effectué le plus beau jet de sa carrière au meilleur des moments. Pourtant, à l’échauffement, ça ne tournait pas rond. « Le but était d’assurer le premier jet, raconte-t-elle. Mais je me suis dit, tant qu’à faire, autant y aller. »
Malgré une technique encore perfectible, avec un dernier tour manquant de vitesse, son engin retombait à 74,78 m. Une performance « magistrale », selon le mot de la principale intéressée, qui lui permettait d’effacer enfin le record de France de Manuéla Montebrun (74,66 m en 2005) qu’on lui promettait depuis si longtemps. « Commencer comme ça, c’est du délire », n’en revenait toujours pas, à l’issue du concours, son entraîneur Gilles Dupray, les yeux rougis par l’émotion à l’entrée des tribunes.
La Française de 24 ans a logiquement eu du mal à se remettre de son exploit. « Son premier essai a fait mal à tout le monde mais à elle aussi », résume son coach. Sauf qu’après trois jets aux alentours des 70 mètres, elle a réussi à relancer la machine lors de ses deux derniers essais, avec 73,92 m puis 74,20 m. Mais si Mélina Robert-Michon a sa Sandra Perkovic, Alexandra Tavernier a son Anita Wlodarczyk. C’est-à-dire une championne qui écrase de toute sa classe sa spécialité depuis
de longues années. La
Polonaise n’a donc pas tardé à prendre la tête avec un deuxième essai à 76,50 m, avant de réaliser une somptueuse série avec trois tentatives à plus de 77 mètres, dont une performance de pointe à 78,94 m.
La médaille de la renaissance
La Savoyarde fait une magnifique vice-championne d’Europe, derrière Wlodarczyk mais devant ses compatriotes Joanna Fiodorow, en bronze avec 74,20 m, et Malwina Kopron, au pied du podium avec 72,20 m. « Ça n’est que du bonheur, savoure-t-elle. Ça fait du bien. Cette récompense a la saveur du travail qui a payé. Je suis super heureuse. » Alexandra Tavernier goûte à l’argent, après le bronze aux Mondiaux de Pékin en 2015. Trois ans après la
médaille de l’insouciance, voici celle de
la renaissance. Entre-temps, entre manque de confiance et perte de repères, elle en aura bavé avant de relever la tête. « Ce sont deux années de galère qui sont derrière nous maintenant et il y a encore beaucoup d’axes de progression », avance Gilles Dupray, déjà tourné vers la suite.
Sa protégée va devoir repousser ses vacances pour participer à la coupe intercontinentale, qui se déroulera les 8 et 9 septembre à Ostrava. Mais avant ça, elle va devoir changer plusieurs de ses mots de passe, qui visiblement s’inspiraient beaucoup d’un certain record de France.
Lavillenie, le bronze dans un concours d'anthologie

Il est rare de voir Renaud Lavillenie arriver avec le sourire devant les journalistes, après avoir fini un concours à la troisième place. C’est pourtant ce qu’il s’est passé aujourd’hui, lorsque le perchiste du Clermont Athlétisme Auvergne a débarqué en zone mixte, plus d’une heure après la fin de son concours. Il faut dire que le recordman du monde, qui connaît plutôt bien l’histoire de son sport, avait conscience d’avoir participé à une compétition d’anthologie.
Il a pourtant failli quitter beaucoup plus vite que prévu le concours. Après deux échecs à 5,80 m, il se retrouvait en effet dos au mur. Mais après avoir fait l’impasse à sa dernière tentative à cette hauteur, il montrait qu’il n’avait rien perdu de sa force mentale en effaçant 5,85 m.
Ça n’était que le début d’un final à sensations fortes, qui allait se terminer par l’avènement de l’exceptionnel Suédois de 18 ans Mondo Duplantis, sacré avec 6,05 m devant le Russe sous pavillon neutre Timur Morgunov, auteur d’un saut à 6,00 m. Renaud Lavillenie, enfin laissé tranquille par ses genoux douloureux depuis plusieurs semaines, aura tout tenté et n’a pas grand-chose à se reprocher. Avec 5,95 m, il égale sa meilleure performance de l’année pour s’offrir la médaille de bronze. « A
6,00 m puis 6,05 m, j’étais physiquement déjà entamé, confie l’élève de Philippe d’Encausse. Mentalement, je commençais à être à bout. Je ne suis pas une machine. »
Son tour d’honneur, il l’a ensuite effectué avec enthousiasme aux côtés de Duplantis, « son petit frère », vers lequel il s’est précipité lors de ses tentatives réussies à 6,00 m et 6,05 m. « Je ne peux pas dire que je m’en fous qu’il m’ait battu, reconnaît le Français. Mais c'est important d’avoir contribué à construire ce moment incroyable de notre sport. » Une sensation ressentie aussi par le recordman du monde juniors suédois, comme il l’a confié au micro de France Télévisions : « J’ai vu plein de concours de perche
à la télévision ou dans un stade, mais jamais un comme ça. Le seul point négatif du concours de ce soir, c’est que je n’ai pas pu le regarder ! » Axel Chapelle, huitième avec 5,65 m après une saison compliquée par les pépins physiques, et Alioune Sene, douzième avec 5,30 m, ont aussi apprécié le spectacle.
Peut-on parler, ce dimanche soir, de passation de pouvoir entre Duplantis et Lavillenie ? « En étant réaliste, il prend une partie du pouvoir. Mais pas entièrement », s’empresse d’ajouter le Tricolore de bientôt 32 ans, qui n’a pas dit son dernier mot.
 Le Chiffre
10
Le nombre de médailles récoltées par l’équipe de France à Berlin, avec trois nouvelles récompenses au cours de cette dernière journée de compétition, qui permettent aux Tricolores de terminer à la quatrième place du tableau des médailles derrière la Grande-Bretagne, la Pologne et l’Allemagne. Un total inférieur à celui des championnats d’Europe de Barcelone en 2010 et de Zurich en 2014, mais qui se situe dans la fourchette haute des Bleus au cours
de la longue histoire de ces championnats. « Le bilan est satisfaisant même si l’on n’a pas atteint l’objectif qu’on s’était fixé, estime André Giraud, le président de la FFA. Ce qui est positif, c’est que malgré les coups durs du début de compétition, l’équipe a su rester soudée avec un bon état d’esprit. » Patrice Gergès tient à souligner, lui, le « niveau exceptionnel » de la compétition, symbolisé par une finale de la perche masculine stratosphérique. « Il y a deux ans
à Amsterdam, on avait d’ailleurs terminé huitième au classement par nations avec pourtant le même nombre de médailles », note le DTN. Il met aussi en avant « le second souffle du demi-fond » et le bon comportement de nombreux jeunes, malgré « un bilan mi-figue, mi-raisin ». Autre point positif : « On a une belle génération qui est en construction, relève le directeur technique national. Maintenant, il faut que tout cela se matérialise par quelque chose de positif dans deux ans à Tokyo
et Paris, et surtout en 2024 pour nos Jeux olympiques à domicile. »
 La Promesse
Record personnel pour OCB

En étant départagée au millième avec l’Espagnole Irene Sanchez, Ophélie Claude-Boxberger a vu la huitième place s’envoler in extremis. Mais en explosant son record personnel de près de trois secondes, en 9’31’’84, la spécialiste du 3000 m steeple a plus que rempli son contrat. « J’ai essayé de suivre le plus longtemps possible. Je n’ai pas de regrets. Je vois encore le travail qu’il me reste à faire pour continuer à gravir les échelons
progressivement. » Dans la même course, Emma Oudiou a terminé quatorzième en 9’43’’26. La sociétaire de Pays de Fontainebleau avait les jambes très lourdes après une marque de référence améliorée en séries.
 Et Aussi
Les spécialistes du 4x100 m ont terminé à une frustrante quatrième place, derrière la Grande-Bretagne, la Turquie et les Pays-Bas. Même privée de ses locomotives Christophe Lemaitre et Jimmy Vicaut, blessés, l’équipe de France masculine composée de Meba-Mickaël Zeze, Marvin René, Stuart Dutamby et Mouhamadou Fall a tenu son rang en 38’’51. « C’est au niveau des transmissions qu’on a pêchés. », estime le dernier
nommé. Leurs homologues féminines, avec Orlann Ombissa-Dzangue, Stella Akakpo, Jennifer Galais et Carolle Zahi, ont pris la cinquième place en 43’’10, à distance respectable du podium occupé par la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne.
Au triple saut, Jean-Marc Pontvianne (Entente Nîmes Athlétisme) a connu un début de concours compliqué, avant de sauver les meubles pour décrocher trois essais supplémentaires et un statut de finaliste continental. Septième à l’arrivée, sa meilleure performance du jour, 16,61 m (+0,3m/s), lui laissait toutefois des regrets, alors que les bouquets se négociaient à 16,78 m. Harold Correa (Entente Franconville Cesame Val d’Oise) s’est classé onzième avec 16,33 m (-0,2m/s).
A Berlin, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr Photos : P. Millereau - J. Crosnier / KMSP / FFA
|