Des médailles en pagaille
Dernière journée faste pour l’équipe de France, avec quatre nouvelles médailles à Glasgow. Fidèles à la tradition d’excellence tricolore dans leur épreuve, Pascal Martinot-Lagarde et Aurel Manga ont pris les deuxième et troisième places du 60 m haies. Rénelle Lamote poursuit sa moisson d’argent sur 800 m, en montant pour la troisième fois de sa carrière sur la deuxième marche d’un podium européen. Enfin, superbe prestation du 4x400 m masculin, qui, après
de longues années de disette, s’offre une médaille couleur bronze. Les Bleus terminent ces championnats avec cinq podiums au compteur. Un bilan satisfaisant, auquel il ne manque que de l’or.
LE TEMPS FORT
Jamais sans les haies
« Le cassé du renard n’a pas suffi, puisque je perds d’un centième. Ladji, tu ne m’as passé toutes les instructions, je t’en veux. » Pascal Martinot-Lagarde reste un blagueur, mais c’est en restant « un peu sur (s)a faim » qu’il quitte ces championnats d’Europe, une médaille d’argent autour du cou. A Berlin l’été dernier, lors du rendez-vous continental, il s’était jeté sur la ligne pour devancer sur le fil le grand favori, le Russe Sergey Shubenkov.
Cette fois, son spectaculaire cassé n’a pas suffi pour dépasser le Chypriote Milan Trajkovic, vainqueur en 7’’60 un centième devant lui. Pour seulement la deuxième fois depuis 1986, le titre continental ne se gagne pas sous cette barrière symbolique.
« J’ai fait la course qu’il ne fallait pas faire avec des erreurs au milieu, alors que j’ai réalisé une très bonne mise en action », regrette le hurdler de l’ES Montgeron. Avant de rapidement relativiser, conscient que décrocher une quatrième médaille consécutive en quatre championnats d’Europe indoor - la deuxième en argent - est tout sauf anodin. « Je suis quand même content de ramener une médaille à la maison, je ne banalise pas. L’objectif numéro
1, c’est maintenant Doha. Je ferai un bon 60 dans le 110, et ça fera un truc de fou ! »
Sur le podium, l’athlète entraîné par Benjamin Crouzet affichait d’ailleurs un grand sourire, tout comme Aurel Manga de l’autre côté de la boîte. Comme à Portland l’an dernier lors des Mondiaux indoor, le hurdler du CA Montreuil 93 au bandeau rouge monte sur la troisième marche du podium, avec un chrono de 7’’63. « J’étais venu pour gagner, je repars avec une médaille, c’est bien, savoure le Tricolore. Je continue à alimenter le compteur que j’ai lancé il y a un an. Il faut prendre le positif.
Je ne rentre pas les mains vides et j’ai fait le plein d’informations pour cet été. » Avec également la septième place de Wilhem Belocian en 7’’68, pénalisé par une grosse faute sur le premier obstacle, les hurdlers tricolores perpétuent la tradition d’excellence dans cette discipline. Depuis 2005, en huit Europe indoor, les Bleus ont décroché dix médailles sur la ligne droite avec obstacles. Vertigineux.
LA DÉCLA
« Psychologiquement, je suis arrivée un peu fatiguée à Glasgow car la saison ne s’était pas déroulée comme je l’espérais. J’étais vraiment sur les nerfs. Cette deuxième place a donc beaucoup de saveur pour moi. »
Rénelle Lamote est une athlète qui a du goût. La demi-fondeuse de Pays de Fontainebleau Athlétisme aurait donc aimé se couvrir d’or, elle qui est abonnée à l’argent continental depuis 2016. Un métal dont elle s’est parée à nouveau ce dimanche, après avoir pris en 2’03’’00 la deuxième place de la finale du 800 m derrière la Britannique Shelayna Oskan-Clarke (2’02’’58), impériale devant son public. Mais l’élève de Thierry Choffin ne boudait pas son plaisir,
après une première partie d’hiver gâchée par une intoxication alimentaire. Sensible, elle avait douté malgré des entraînements rassurants. Il est vrai qu’elle n’avait pas l’habitude d’arriver à des championnats d’Europe en étant seulement la dixième meilleure performeuse de l’année. Mais elle aura montré, une nouvelle fois, qu’elle est une athlète de grand rendez-vous. Reste une marche à monter, la plus difficile. « Je ne sais pas encore courir correctement lors des courses à enjeu, reconnaît avec lucidité
celle qui a beaucoup fait l’extérieur pour tenter de doubler la locale, sans succès. J’ai du mal à me placer. Mais j’ai quand même été offensive et actrice. » Les prochains grands championnats l’emmèneront vers des rivages mondiaux. L’occasion d’ouvrir son palmarès au-delà des frontières du Vieux Continent.
LA PERF'
Un relais enfin récompensé
Le contraste était saisissant. Pendant des années, les relayeurs du 4x400 m ont quitté les grandes finales la tête basse et le regard noir, déçus d’avoir laissé encore échapper une occasion de monter sur la boîte. Ce dimanche, Mame-Ibra Anne, Thomas Jordier, Nicolas Courbière et Fabrisio Saidy ont mis un joyeux bordel, à base de chants suraigus du second nommé, de chambrage et de grands éclats de rire. Leur médaille de bronze en 3’07’’71,
derrière la Belgique (3’06’’27) et l’Espagne (3’06’’32), méritaient bien ça. En cinquième position après les deux premiers relais de Mame-Ibra Anne et Thomas Jordier, les Bleus ne se sont jamais affolés et ont su se faufiler dans le trafic. Nicolas Courbière a grappillé une place, puis l’espoir Fabrisio Saidy, épatant de maturité, a sagement attendu la dernière ligne droite pour déborder deux concurrents.
« On en avait marre de finir quatrièmes, on a souffert toutes ces années, souffle Mame-Ibra Anne, qui fait figure d’ancien du collectif. On est contents mais ça n’est pas une fin en soi, on espère que c’est un beau début. » « Je pense que ça va nous libérer », abonde Thomas Jordier, alors que Nicolas Courbière parle d’une « bande de copains » et que Fabrisio Saidy loue un mélange « d’expérience et de jeunesse ». Vivement la suite.
LE CHIFFRE
5
Le nombre de médailles de l’équipe de France lors de ces championnats d’Europe de Glasgow, soit deux de plus qu’il y a deux ans à Belgrade. En plus des quatre podiums du jour, il faut bien sûr ajouter celui de Solène Ndama, superbe médaillée de bronze au pentathlon vendredi. « C’est un bilan globalement satisfaisant, estime Patrice Gergès, le directeur technique national. On retrouve une dynamique assez positive chez les filles, avec deux
médailles et beaucoup de finalistes. L’équipe est en pleine construction avant de basculer vers 2020 et 2024. »
Un point de vue partagé par André Giraud, le président de la FFA, qui met en avant « des jeunes qui ont donné le maximum, à l’image de relais qui ont montré de la cohésion et de la volonté. On est au début d’une belle aventure et ce que nous avons vu est encourageant pour la suite », conclut-t-il.
ET AUSSI
Guillon-Romarin pas si loin
Ninon Guillon-Romarin a attaqué sa finale de la perche « cramée ». Embêtant quand on vise une première médaille internationale. La plieuse de gaule de l’EA Cergy Pontoise a eu le mérite de ne rien lâcher, en passant 4,45 m au troisième essai et 4,55 m au deuxième malgré des choix de perche compliqués à faire. Une barre à 4,65 m franchie à sa première tentative l’aurait propulser sur la boîte. Las, malgré « un bon saut », ça n’est pas passé. Elle
a finalement effacé cette hauteur à sa troisième tentative mais, à 4,75 m, les jambes ne répondaient plus. « Même si je suis forcément frustrée, je suis contente parce que je me suis battue jusqu’au bout », explique Ninon, septième au classement. La voilà finaliste pour la troisième fois consécutive en grands championnats, lors d’un concours remporté par la Russe sous pavillon neutre Anzhelika Sidorova avec 4,85 m.
Au triple saut, les Français Yoann Rapinier (Entente Franconville Cesame Val d’Oise) et Kevin Luron (JA Montfort-Gesnois) n’ont pas réussi à se mêler à la bagarre pour le podium, lors d’une compétition où le niveau continental s’est soudainement élevé. Avant ce dimanche, aucun Européen n’avait dépassé les 17 mètres cette saison. Trois sont allés au-delà aujourd’hui, à savoir l’Azerbaïdjanais Nazim Babayev (17,29 m), le Portugais Nelson Evora (17,11 m) et l’Allemand Max Hess
(17,10 m). Les Tricolores terminent, eux, aux places d’honneur. Yoann Rapinier se classe quatrième avec 16,72 m, alors que Kevin Luron finit au cinquième rang avec 16,63 m.
Soit la même place que Simon Denissel, auteur d’un excellent 1500 m sur le plan tactique mais qui a manqué de jambes dans les ultimes tours. En 3’45’’50, le demi-fondeur du Lille Métropole Athlétisme prend tout de même date, lors d’une course tactique marquée par la deuxième place surprise du junior norvégien Jakob Ingebrigtsen (3’43’’23) derrière le Polonais Marcin Lewandowski (3’42’’85). Enfin, quatrième rang pour le 4x400 m féminin (Déborah
Sananes, Amandine Brossier, Kalyl Amaro, Agnès Raharolahy) en 3’32’’12, qui échoue à un souffle de l’Italie, médaillée de bronze en 3’31’’90.
A Glasgow, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr Photos : S. Kempinaire / KMSP / FFA
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