A l’occasion des cent ans de la FFA, Athlétisme Magazine consacre un grand dossier aux cent athlètes ayant marqué l’histoire de l’athlétisme français. Gros plan sur six d’entre eux, à travers le regard de proches, adversaires ou amis les ayant côtoyés de près. Troisième volet avec la triple championne olympique Marie-José Pérec, vue par Elsa Devassoigne, spécialiste elle aussi du tour de piste.
« Marie-Jo, c’est une amie de cœur qui m’est très chère, une tendre relation. L’une des plus belles rencontres de ma vie. On s’est immédiatement comprises. Je ne sais pas comment l’expliquer, ce sont des choses qui se font comme ça et qui ne changent jamais. Je me souviens encore de notre première rencontre en Martinique. On devait avoir 15 ou 16 ans, et on avait échangé nos shorts avant de courir un 200 m. Elle m’avait mis trois mètres et avait fini sa course morte de rire, parce que son short blanc m’était rentré dans les fesses. Je crois que notre amitié est partie de là. Dès cette première course, dans ma tête, il y avait Marie-Jo et les autres. C’était comme si on n’appartenait pas au même monde. Certes, on pratiquait la même discipline et on était toutes les deux Antillaises. Mais je ne l’ai jamais considérée comme une adversaire. De toute façon, c’était rare que l’on s’affronte. C’est sans doute pour ça que l’on a pu être amies avec autant de force. Elle n’était pas un modèle pour moi. C’était Marie-Jo. Personne ne pouvait dire du mal d’elle ou la critiquer en ma présence. Elle était comme ma grande sœur, parce qu’elle avait un an de plus que moi. J’ai toujours admiré sa capacité à encaisser la pression sans qu’il n’y paraisse. Elle avait comme une sorte de détachement physique. Quand on la regardait, on avait l’impression qu’elle allait poster une lettre. Elle ne montrait rien. Elle avait aussi une sorte d’assurance, comme si elle savait ce qu’elle valait et donc qu’il n’y avait pas de raison que ça ne fonctionne pas. On ne parlait pratiquement pas de la compétition avant nos courses, sauf peut-être la veille, et encore. C’est aussi pour ça qu’on formait un bon binôme. Elle savait qu’elle était tranquille avec moi, que je n’allais pas être sur son dos à lui demander sans arrêt comment elle se sentait. On parlait maquillage, parfums, vêtements, un peu comme des adolescentes insouciantes. On allait se balader dans le village olympique. C’était notre façon de décompresser. Je pense qu’elle appréciait cette insouciance que je lui apportais. Car Marie-Jo, c’est quelqu’un qui aime rigoler. Elle n’hésite d’ailleurs pas à faire parfois des petites blagues aux gens qu’elle apprécie. Un jour, alors que je n’arrêtais pas de lui parler de Roger Black (NDLR : vice-champion du monde et double champion d’Europe du 400 m, sous les couleurs de la Grande-Bretagne, qui fut le mari d’Elsa Devassoigne) que je trouvais super beau, elle m’a littéralement poussée dans ses pieds dans une salle d’informatique. Elle était timide mais elle pouvait parfois jouer comme ça des petits tours pendables, l’air de rien, en lâchant ensuite un clin d’œil. Mais ce n’était jamais méchant. Marie-Jo est très sensible, presque en retrait. Elle a été forcée à s’habituer aux feux des projecteurs, mais comme tout artiste timide qui doit se produire sur scène, c’est sur la piste qu’elle excellait le mieux. »
Propos recueillis par Véronique Bury
Marie-José Pérec
Née le 9 mai 1968
25 sélections en équipe de France A
Recordwoman de France du 200 m en 21’’99 et du 400 m en 48’’25. Autre record personnel : 10’’96 sur 100 m
Championne olympique du 400 m (1992 et 1996) et du 200 m (1996)
Championne du monde du 400 m (1991 et 1995)
Championne d’Europe du 400 m (1990 et 1994) et avec le 4x400 m (1994)
Championne d’Europe en salle du 200 m (1989)
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