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Lavillenie, comme un champion

Renaud Lavillenie, au bord du gouffre, est allé chercher avec ses tripes sa place en finale de la perche, en effaçant 5,75 m au premier essai. Gabriel Tual et Pierre-Ambroise Bosse ont décroché leur billet pour les demi-finales sur 800 m, lors d’une matinée qui a notamment été fatale à Mélina Robert-Michon au disque.

Les qualifiés

Plus fort que la douleur

« C’est Renaud, il n’y a pas grand-chose à dire de plus. » Valentin Lavillenie, son petit frère, résume bien l’admiration générale suscitée par le double médaillé olympique. Il n’était pourtant pas question de nouveau titre, ni même de médaille, en ce deuxième jour de compétition sur la piste du stade olympique de Tokyo. Juste de qualifications de bon matin, comme le Clermontois en a enquillées à la pelle depuis des années. Sauf que le défi paraissait quasi impossible à relever depuis cette blessure à la cheville survenue le 11 juillet lors du meeting de Sotteville, qui l’empêchait encore de courir en début de semaine. Une rechute, sous la forme d’une réaction inflammatoire, alors qu’il avait réussi à resauter les jours précédents. Alors, après deux premiers échecs à 5,50 m pour son entrée dans le concours, le perchiste de 34 ans n’en menait pas large. « Ça a été la catastrophe, reconnaît-il. Je savais que je me tirais une balle dans le pied. J’ai eu peur. Je me voyais clairement dans l’avion ce soir. A un moment donné, il fallait faire parler mon expérience. » D’abord à sa troisième tentative, avec une barre franchie au mental, puis au deuxième essai à 5,65 m, réussi mais insuffisant pour intégrer le top 12, et enfin à 5,75 m, effacé au premier essai avec la manière, « la barre déterminante ».
Le plus beau palmarès masculin de l’histoire de l’athlétisme français revient de très loin. « C’est un monstre, un technicien hors normes », admire son camarade d’entraînement Ethan Cormont. Un athlète aux ressources mentales exceptionnelles aussi, capable de repousser la douleur en refusant l’échec. Et de s’adapter aux circonstances en sautant sur seize foulées avec une perche de 4,90 m, soit vingt centimètres de moins qu’il y a un mois. « J’ai réussi à ne jamais lâcher, à ne jamais abandonner, constate Renaud Lavillenie. Je n’ai plus rien à perdre. Je vais donner le maximum pour rêver d’une troisième médaille olympique. Au fond de moi, je sais que je peux aller chercher un gros truc. » Si le recordman du monde suédois Armand Duplantis semble au-dessus du lot, il y a de la place pour monter sur le podium, surtout en l’absence malheureuse de l’Américain Sam Kendricks, positif au Covid-19. L’histoire serait incroyable, presque inconcevable. A son image.

Tual en vieux briscard, Bosse en miraculé

En regardant le premier double tour de piste du jour sur la télé de la chambre d’appel, Gabriel Tual et les participants à la deuxième série du 800 m ont vite compris ce qui les attendait. Ils ont vu le Kényan Ferguson Cheruiyot s’imposer en 1’43’’75, quatre autres athlètes descendant par ailleurs sous les 1’45’’10. Le ton était donné, et avec 21 athlètes sous les 1’46’’ ce samedi matin, par 33°C mais avec un peu moins d’humidité que la veille, ces séries ont été de très loin les plus rapides de l’histoire aux Jeux olympiques.
Dans ce contexte très relevé, le prometteur Gabriel Tual, 23 ans, a fait preuve d’une assurance réjouissante. Toujours bien placé, le demi-fondeur de l’US Talence a bien été un peu enfermé dans le dernier virage et la ligne droite finale. Mais il a su trouver l’ouverture pour prendre la troisième place de sa course en 1’45’’63. « J’ai très bien géré, j’avais encore du jus mais je me suis fait gêner, analyse l’élève de Bernard Mossant. Il fallait être à 200 % aujourd’hui. Mentalement, j’était prêt à la guerre. Rien n’est fini, j’irai jusqu’au bout ! Je ne me mets pas de limites. »

Un discours qui promet pour les demi-finales de dimanche, auxquelles prendra également part Pierre-Ambroise Bosse (Lille Métropole Athlétisme). Le champion du monde 2017 a assumé le train en tête de sa course dès le rabattage, avant de coincer dans la dernière ligne droite. Une stratégie décidée en cours de route, qu’il regrettait après-coup : « C’était un aveu de faiblesse. Je l’ai fait car j’avais des jambes, mais ça n’était pas prévu. Je suis un peu écœuré par mon manque de lucidité, ça a failli me coûter très cher. » Failli, car si sa sixième place en 1’45’’97 ne lui a pas permis de passer directement en demies, elle lui a tout de même offert le sixième et dernier billet qualificatif au temps. Au centième près, l’Espagnol Saul Ordonez passant à la trappe avec ses 1’45’’98. « Je peux vous dire que quand on a trouvé un trèfle à quatre feuilles dans un champs de trois hectares, on le garde précieusement et on le prend comme un signe du destin, rigole PAB, qui n’a rien perdu de son sens de la formule. Je vais aller saisir ma chance. » Avant de conclure sur un proverbe japonais : « Demain soufflera le vent de demain. »

Les éliminés

La tuile pour Robert-Michon

Les qualifications dans les lancers proposent parfois de curieux scénarios. Comme ce matin au disque à Tokyo, avec un groupe A lors duquel les athlètes se sont enlisées. Il est 9h, elles sont mal réveillées, des jets dans le filet à foison, dont le premier de Mélina Robert-Michon. Le cri de la Croate Sandra Perkovic tout de même, autrice d’un jet à 63,75 m, le meilleur de la bande, mais en deçà des 64 m demandés pour passer directement en finale. La lanceuse du Lyon Athlétisme n’a pas réussi à s’extirper de cette torpeur générale. Avec un deuxième essai à 60,88 m, puis un troisième à 59,81 m, elle ne prenait que la cinquième place de son groupe. « Le concours a vraiment été particulier pour tout le monde, analysait-elle à chaud. Beaucoup de filles se sont plaintes du plateau qui était rapide, mais je n’ai pas l’impression d'avoir été dérangée. Je n’ai jamais réussi à vraiment m’exprimer. J’étais en dedans. » 
Une longue attente débutait pour celle qui disputait ses sixièmes Jeux. Plutôt que de rester dans les tribunes pour assister au groupe B, programmé à 10h55, Mélina Robert-Michon prenait le chemin du village olympique. Elle apprenait son élimination à la descente du bus, dix lanceuses ayant lancé plus loin lors de ce deuxième concours bien plus dense, mené par l’Américaine Valerie Allman (66,42 m). La Hollandaise Jorinde van Klinken et la Cubaine Denia Caballero font aussi partie des clientes éliminées. Ce qui ne consolera pas l’élève de Serge Debié, forcément très déçue, comme elle l'a confié quelques heures plus tard lors d'une visio-conférence : « Ce concours a un peu été à l'image de cette année difficile, lors de laquelle on a essayé de s'adapter. Je manque de certitudes techniques pour que ce soit en place. Je n'ai pas réussi à dérouler ce que je savais faire. J'étais encore un peu trop appliquée, bonne élève, je ne me suis pas lâchée complètement. Cela ne pardonne pas à ce niveau-là. C'est vraiment frustrant d'avoir l'impression de ne pas avoir pu tout donner. » 
L'athlète la plus titrée aux championnats de France donne déjà rendez-vous à Paris dans trois ans, pour ce qui pourrait être ses septièmes Jeux. « Penser que je puisse arrêter sur une mauvaise note comme celle-là, ce serait mal me connaître. C'est plus une motivation supplémentaire pour Paris 2024. Cette fois-là, je ne me ferai pas piéger », promet-elle.

Valentin Lavillenie et Ethan Cormont trop justes

Renaud Lavillenie sera le seul représentant du groupe de Philippe d’Encausse présent en finale dans la capitale japonaise. Son frère Valentin, touché au mollet lors d’une séance de côtes avant de rejoindre le Japon, n’a pas démérité avec une barre à 5,65 m (17e) franchie au troisième essai. Une performance malheureusement insuffisante lors de qualifications d’une grande densité, avec onze athlètes à 5,75 m. « Il ne me manque pas grand-chose au final, constate-t-il. Je tombe souvent, mais je me suis toujours relevé. » Ethan Cormont a, lui, coincé à 5,65 m (22e), après avoir passé 5,50 m à sa deuxième tentative. En difficulté au niveau des réglages, il a connu un échauffement compliqué et a du mal à faire les bons choix de perche.
Sur 800 m, Benjamin Robert (SA Toulouse UC) n’a pas réussi à imiter Gabriel Tual et Pierre-Ambroise Bosse. Cinquième de sa série en 1’47’’12, il n’a pas réussi à suivre le bon wagon lorsque le rythme s’est brusquement accéléré à 200 m de l’arrivée. Enfin, les hurdleuses n’ont pas pu véritablement défendre leurs chances. Laura Valette (Nantes Métropole Athlétisme), handicapée par une blessure au genou survenue lors du stage de préparation à Kobe, a tout de même tenu à prendre le départ du 100 m haies. Elle s’est classée huitième de sa série en 14’’52. Quant à Cyréna Samba-Mayela, elle a ressenti une vive douleur à l’ischio gauche lors de l’échauffement et a été contrainte de déclarer forfait.

A Tokyo, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr
Photos : © JM Hervio / KMSP / FFA

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