Cyrena Samba-Mayela : « C’est incroyable »

A peine sortie de la piste de la Stark Arena de Belgrade, où elle a décroché l’or des championnats du monde en salle sur 60 m haies, Cyrena Samba-Mayela s’est livrée comme rarement sur sa folle journée de samedi, sur ses doutes et ses ambitions, avec un sourire radieux qui ne la quittait plus.
Cyrena, comment décririez-vous les émotions qui vous ont traversée dans la foulée de cette victoire ?
C’est un grand mélange de beaucoup de choses : la joie du résultat, mais aussi toutes les fois où j’ai pleuré à l’entraînement qui remontent. C’est dur de trouver les mots pour décrire ça. J’ai connu beaucoup de moments où j’étais en bas, ou très peu de personnes croyaient en moi. J’ai hâte de voir mon coach et de partager cet instant avec lui, parce qu’on a traversé ces épreuves tous les deux…
On ne vous avait jamais vu aussi démonstrative…
Je n’ai jamais été aussi heureuse, c’est incroyable ! Ce sont toutes mes prières qui se réalisent. En passant la ligne, je savais que j’avais gagné, et je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Dans ces larmes, il y a toutes ces années de pression qui se relâchent, et la fierté de voir que le travail paie. Ça me donne envie de travailler encore plus. Bien sûr, je vais prendre des vacances, mais là, maintenant, ce que je veux, c’est travailler encore pour remettre
ça ! Ce qui se passe est tellement incroyable que j’ai déjà envie de revivre ça, alors que ce n’est pas encore fini !
Comment avez-vous vécu cette journée, avec des séries tôt le matin, puis les deux courses du soir ?
Depuis 6h ce matin (NDLR, samedi), je n’ai pas arrêté de prier, de chanter, pour me mettre dans un « bon mood » et apprécier chaque moment. Après la demi-finale, j’ai pris le temps de redescendre, me reconcentrer, avant de me remettre à chanter. Ce qui est incroyable, c’est que je n’avais pas de stress, en tout cas, pas de stress négatif qui vous paralyse. J’étais joyeuse, je sentais une pleine maitrise de mon corps et de ses qualités. La preuve, c’est
que j’ai pu exploser mon chrono et faire le record de France.
Avez-vous regardé les courses de vos adversaires lors des tours précédents ?
Après mes courses, j’ai regardé un peu ce qui passait sur les écrans. Je n’ai pas vu la Jamaïcaine Danielle Williams se faire éliminer en séries, mais on me l’a dit après coup. Les 7’’82 de la Bahaméenne en demi-finale ? Je n’ai pas vu la course non plus, mais j’ai vu le résultat. Je me suis dit qu’on allait se battre en finale, et que ça allait être une super opportunité pour moi, parce que j’aime la bagarre.

Quels étaient vos objectifs en arrivant en Serbie ?
Avec Teddy, on s’était fixé comme objectif de monter sur le podium aux Mondiaux. Non pas en arrivant ici, mais dès le début de la saison. Après, une fois sur place, on prend les choses les unes après les autres. Mon job était de rester dans un bon ‘’mood’’, et de me donner à fond. En début de saison, je m’étais aussi donné comme mot d’ordre de prendre du plaisir à faire ce que je faisais, et c’est réussi.
Auriez-vous cru, il y a quelques années, arriver un jour à ce niveau ?
J’ai toujours pensé à gagner des titres, j’ai toujours envie de tout prendre. J’ai toujours été ambitieuse, et toutes les personnes autour de moi également. Quand elles ont voulu bosser avec moi, c’était forcément pour de grandes aspirations. Me mettre des objectifs élevés est ce qui me motive au quotidien à travailler dur.
Vous évoquiez tout à l’heure des périodes de doute…
Il y a eu de grosses remises en question. Quand on débute et que beaucoup de gens vous poussent comme le grand espoir français, puis qu’on rencontre des difficultés, qu’on tombe et qu’on tombe encore, qu’on ne parle plus de nous, c’est dur. Connaître des défaites, ce n’est pas facile. Il a fallu carrément me reconstruire, mentalement et physiquement. Il faut accepter ses failles, se regarder dans le miroir et voir ses faiblesses pour pouvoir les renforcer.
Quels types de failles étaient-ce ?
C’étaient des failles physiques, puisque j’ai été blessée assez souvent, mais aussi psychologiques, pour assumer mes ambitions. Vous avez bien vu à Torun l’an passé, quand je me suis fait sortir en séries des championnats d’Europe en salle. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est la première fois que je fais tout ce parcours-là : séries, demi-finale, finale, et championne du monde au bout, en plus !
Avez-vous douté de vos capacités ?
Oui, forcément. Mais ce sont des moments temporaires : quand on se remet au travail, on passe à autre chose. Même si les blessures restent là, je suis quelqu’un d’optimiste, je pense beaucoup plus au futur qu’au passé.
Que retiendrez-vous de cette saison ?
Qu’il faut que je continue à kiffer ma vie, à kiffer le moment, pour me surpasser tous les jours afin de travailler encore plus dur.
Etienne Nappey pour athle.fr Photos : © Stéphane Kempinaire / KMSP / FFA
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