Achetez votre revue ou abonnez-vous en ligne en cliquant ici
NUMÉRO 595 - PRINTEMPS 2022 |
Du stade vers l’emploi : Un dispositif pour gommer les barrières
Le dispositif « Du stade vers l’emploi » permet de gommer les barrières habituelles en réunissant demandeurs d’emploi et recruteurs, le temps d’une journée, autour de l’athlétisme. Illustration à Cergy-Pontoise mi-avril, avec ce reportage publié dans le dernier numéro d’Athlétisme Magazine.
Le matin, ils se sont encouragés mutuellement pour emmener leur équipe le plus loin possible dans des exercices de courses, sauts et lancers aménagés de manière à s’exprimer collectivement : ainsi, les sauts s’effectuaient les uns à la suite des autres, chacun prenant le relais de son partenaire là où celui-ci avait laissé le repère… Le tout jusqu’à traverser dans son intégralité la halle couverte toute neuve du stade Les Maradas - Joël Motyl de Cergy-Pontoise. Dans les dix groupes constitués ce jour-là, une dizaine de participants à chaque fois et, parmi eux, un ou deux employeurs, incognitos : les candidats - présents sur la base du volontariat - sont prévenus qu’il y a un recruteur parmi eux, sans savoir qui il est, ni pour laquelle des entreprises présentes il intervient.
« Le temps de tous ces ateliers matinaux, puis du repas pris en commun le midi, les gens se découvrent, se révèlent, explique Lahcen Salhi, membre du comité directeur de la FFA chargé de la performance sociale, et directeur sportif de la ligue d’Île-de-France qui sera le théâtre de plusieurs opérations “Du stade vers l’emploi” liées à l’athlétisme en 2022, dont certaines soutenues par la Région Île-de-France. Cela crée un lien et le recruteur voit les gens autrement qu’à travers un CV : il peut observer l’esprit d’équipe, la réactivité, l’ingéniosité, la résistance à la pression, aussi, quand tout le monde te scrute… Des exigences communes aux mondes du sport et du travail. Et c’est seulement l’après-midi que le recruteur se dévoile, dans un moment de révélation toujours sympa : ‘’Ah, c’était toi, j’avais un doute’’… Le job dating plus classique, mais aussi plus spontané après ce qu’ils ont déjà partagé sans savoir qui était qui, peut alors commencer. »
Ce concept innovant « Du stade vers l’emploi », lancé en 2019 par la ligue des Hauts-de-France et porté par la Fédération Française d’Athlétisme avec le soutien du réseau territorial de Pôle emploi ; de l’Agence nationale du sport ; du Ministère du travail, de l’emploi, et de l’insertion ; et du comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) de Paris 2024, rencontre un succès croissant. La preuve : 200 opérations sont programmées dans toute la France en 2022, ce qui devrait permettre d’accueillir 18 000 demandeurs d’emploi de tous âges et de toutes conditions physiques. Avec de nombreux recrutements à la clé.
L’humain au premier plan
Dans cette optique, Catherine Dupéroux et son équipe ont travaillé en amont à favoriser un taux de conversion de la journée en emplois concrets globalement estimé à 50 %. « Les groupes ne sont pas constitués par hasard, on sélectionne les profils pour favoriser les rencontres adéquates », souligne la directrice territoriale déléguée de Pôle emploi Val d’Oise Ouest. À Cergy-Pontoise ce 14 avril, treize employeurs locaux étaient présents, en quête de profils aussi divers que des gardiens et gestionnaires d’immeubles (1001 Vies Habitat), des employés de restauration (Subway), des techniciens et ingénieurs d’industrialisation dans l’aéronautique (Revima), des auxiliaires de vie (Cle’o)… pour un total d’une centaine de postes à pourvoir, dont une majorité de contrats à durée indéterminée, avec à la clé une formation souvent assurée en interne.
« La démarche est extrêmement intéressante car elle permet de travailler différemment sur le recrutement, poursuit Catherine Dupéroux. Elle met en contact deux mondes qui, souvent, ne parlent pas le même langage : d’un côté, celui de l’entreprise n’en finit pas de lancer des alertes concernant des métiers en tension. De l’autre, on a des jeunes parfois désabusés d’envoyer 50 ou 100 CV auxquels ils ne reçoivent même pas de réponse, ou de se frotter à des processus de recrutement interminables. Ça renvoie une image désastreuse ! Là, on est sur du concret. Au bout d’une journée, ça peut être bouclé, en ayant mis l’humain au premier plan et en laissant tomber les barrières pour permettre à la confiance de s’établir des deux côtés. On sort du petit jeu recruteur-recruté et chacun se dévoile tel qu’il est au fil des ateliers. Ne pas savoir se vendre n’est plus un écueil. »
Et ça marche dans les deux sens tant, pour les recruteurs aussi, l’anonymat des premières heures présente un intérêt certain. Rompu à l’exercice de ces journées « Du stade vers l’emploi », Amaury est ainsi convaincu que son job dating de l’après-midi n’aurait pas rencontré autant de succès s’il n’avait eu « une matinée entière pour (s)’atteler à gommer les préjugés liés à l’image de la police. C’est précieux pour nous aussi, afin de surmonter certains a priori relatifs à la profession et montrer que nous sommes à l’image de la population, ni plus, ni moins. » Parmi les volontaires éventuels pour rejoindre les forces de l’ordre, Boubka confirme en désignant l’assemblée autour du stand tenu par son équipier matinal : « Presque tout notre groupe est présent. Dans mon cas, j’étais déjà intéressé en venant, en tout cas j’avais envie d’en savoir plus. Mais le comportement d’Amaury ce matin, son attitude bienveillante, tout ça me conforte complètement. » Il faut croire que le principe fait école : du rugby au basket, en passant par le tennis de table ou le badminton, d’autres fédérations emboîtent le pas à la FFA dans ce type de partenariats sportifs avec Pôle emploi.
Bilan
4 000 postes pourvus en 2021
Malgré les contraintes liées à la pandémie de Covid-19, avec la mise en place de jauges réduites, pas moins de 4 000 demandeurs d’emploi ont retrouvé un travail grâce au dispositif « Du stade vers l’emploi » l’an dernier. Un nombre amené à exploser cette année, au vu du copieux programme des prochains mois, avec l’objectif de permettre à 12 600 d’entre eux de décrocher un job. Pour permettre au dispositif de s’étendre sur tout le territoire, dans l’Hexagone mais aussi les outre-Mers, la FFA peut compter sur le précieux soutien des clubs, systématiquement investis dans l’organisation grâce à leur vocation sportive mais aussi sociale.
Guillaume Willecoq pour athle.fr
Photographe : Stéphane Kempinaire / KMSP
INFORMATIONS | FORMATION | COMMUNAUTÉ | BASES DE DONNÉES | MÉDICAL | BOUTIQUE |
|