Mayer est bien le meilleur
Kevin Mayer a résisté aux montagnes russes de ses émotions pour conquérir une deuxième couronne mondiale ce dimanche à Eugene, en totalisant 8816 points au décathlon. Le Montpelliérain est le troisième Français à cumuler deux victoires aux Mondiaux après Marie-José Pérec et Eunice Barber. Renaud Lavillenie a pris la cinquième place d’une finale de la perche exceptionnelle, avec 5,87 m, tout comme le relais 4x400 m féminin, qui a bouclé son affaire en 3’25’’81.
La Perf'
Mayer a fait du Mayer
Comme en 2017, Kevin Mayer a décroché la médaille d’or des championnats du monde au décathlon ce dimanche. Comme à Londres, le Montpelliérain a jonglé avec la sensibilité de ses proches et supporters en frôlant la bulle à la perche (à 5,00 m). Comme à chaque fois, le recordman du monde est passé par une kyrielle d’émotions pendant ses deux jours d’épreuves. Avec 8816 points, Mayer a réalisé la troisième meilleure performance de sa carrière sur la route le menant vers la gloire. Mais comme
chaque décathlon a sa vérité, Mayer a tout de même connu son lot de nouveautés samedi et dimanche sur le Hayward Field. « Je n’avais pas la maitrise que j’ai pu avoir par le passé. Je n'étais pas aussi confiant que ce que j'avais dit samedi soir », reconnaissait-il sans fard.
Tracassé par ses tendons pendant des mois, Mayer n’avait pas le même feu dans les jambes que les saisons précédentes. Mais il possède des réserves mentales qui ont fait la différence, comme lors de sa médaille d’argent acquise à Tokyo l’été dernier malgré un dos bloqué. « A Londres, après avoir failli faire zéro à la perche, je n’avais passé aucune autre barre. Là, j’ai su faire 5,40 m dans des conditions de vent pas faciles », relevait-il. Mis sous pression
par le Canadien Pierce Lepage et l’Américain Zach Ziemek, le désormais double champion du monde a « fait ce qu’il fallait pour ne pas avoir à tout jouer sur le 1500 m ». Ses 49,44 m au disque et ses 70,31 m ont suffi à le placer à l’abri, et le Français a pu s’offrir le plaisir d’attaquer ses rivaux en fin de 1500 m.
« Je suis vraiment heureux de pouvoir partager tout ce bonheur avec mes proches, que j’ai choisis pour m’entourer au quotidien, savourait le nouveau champion du monde. Je ne fais pas de l’athlé pour dire que j’ai été deux ou trois fois champion du monde, mais parce que je vois chaque compétition comme une condition de mon
bonheur car j'adore m'entraîner, être prêt pour pouvoir m'exprimer en championnat.
Quand je fais des médailles, je suis sur un nuage pendant mille ans. J'essaie
juste de me donner les moyens de revivre ce bonheur. J’avais beaucoup de pression ces derniers jours, mais avec une telle montée émotionnelle à l’arrivée... »
La décla
« J’avais un plan »
Pour sa sixième finale mondiale, Renaud Lavillenie a renoué avec le grand frisson des batailles à haute altitude, après un an à se battre contre les blessures et les douleurs. Entré brillamment dans le concours à 5,70 m, il a ensuite fait l’impasse à 5,80 m pour s’attaquer directement à 5,87 m. « Avec Philippe (d’Encausse, son entraîneur), on s’était dit qu’on allait jouer le podium, sans se soucier de finir quatrième ou onzième, parce que ça revient
au même », remettait-il après coup. Le Clermontois est passé à un cheveu d’une nouvelle médaille planétaire, puisqu’après avoir réussi 5,87 m au deuxième essai, il a échoué d’un rien à son premier essai à 5,94 m, ce qui lui aurait garanti le bronze. Il s’en est également fallu de peu pour que la barre reste sur ses taquets à sa troisième tentative.
Finalement cinquième avec sa meilleure performance de la saison, Lavillenie avait « forcément des sentiments mitigés. Je suis si loin et si proche, enfin surtout si proche. C’est à la fois la magie et la dureté du sport de haut niveau, un petit centimètre peut tout changer. » Pas abattu pour deux sous, le recordman de France notait au passage qu’à « un âge où beaucoup sont déjà sur le canapé (36 ans) », il joue encore des breloques avec les meilleurs
spécialistes du monde, et promet de « continuer à essayer de gratter des centimètres » d’ici les championnats d’Europe de Munich. En Bavière, il retrouvera Mondo Duplantis, qui a encore été grandiose en chipant d’abord le record du stade à Lavillenie (6,06 m), avant de tirer le bouquet final dans le ciel de l'Oregon, en portant le record du monde à 6,21 m.
Le chiffre
8
Avec une équipe largement renouvelée, le relais 4x400 m féminin a réalisé le huitième chrono de l’histoire de France sur la distance, en 3’25’’81. Et ce avec trois des quatre filles qui découvraient les championnats du monde à cette occasion. La course a vu la victoire des Etats-Unis, intouchables en 3’17’’79, devant la Jamaïque et la Grande-Bretagne, troisième en 3’22’’64. En gagnant trois secondes sur leur chrono de la série, Sokhna Lacoste, Shana Grebo,
Sounkamba Sylla et Amandine Brossier ont atteint le cinquième rang mondial. Une sacrée performance, dont elles pouvaient être « soulagées » d’après les mots d’Amandine Brossier. L’Angevine, leader de ce relais, sait que malgré « une pointe de frustration de rester à deux places du podium », la confiance et l’expérience engrangée aux Etats-Unis seront le terreau des réussites futures du collectif. « Ce n’est que le début d’une énorme histoire qu’on va écrire ensemble, à partir
de ces championnats », clamait Shana Grebo, très à l’aise sur ses terres d’entraînement.
Leurs homologues masculins ont terminé leur tâche en septième position, dans le bon chrono de 3’01’’35 ; avec là encore une amélioration notoire par rapport aux résultats des séries de la veille (3’03’’13). Thomas Jordier, Loïc Prévot, Simon Boypa et Téo Andant ont « montré [qu’ils] avaient leur place parmi les meilleures nations » en faisant preuve d’aplomb et de combativité. « Quatre finales de suite aux Mondiaux, c’est bien, mais il nous manque une breloque
pour être reconnus », soufflait Thomas Jordier. Le taulier des Bleus, et ses ouailles à l’unisson, se sont empressés de donner « rendez-vous à Munich », où ils tenteront de croquer les Belges, médaillés de bronze en 2’58’’72, alors que les Américains ont triomphé en 2’56’’17.
Quinion en bon gestionnaire
Pour son premier grand championnat, Aurélien Quinion a joué la prudence quand la grande majorité de ses adversaires s’est élancé sur des bases folles sur le nouveau format du 35 km marche. Bien lui en a pris, puisque le Francilien a non seulement amélioré son record de France en 2h28’46’’, malgré le stress ressenti avant le départ, mais il a aussi remonté de nombreuses places dans la dernière demi-heure de son effort, pour venir se classer quatorzième de l’épreuve,
remportée par le champion olympique en titre du 20 km, l'Italien Massimo Stano (2h23’14’’). « J’attendais derrière que ça explose, mais ça a mis beaucoup de temps à venir. J’avais du mal à me repérer sur les positions, mais aussi à gérer ma course, et j’ai fait le yoyo alors que d’habitude, je trouve assez facilement un groupe avec qui marcher. Finalement, 14e, c’est cool, et je me suis fait plaisir », souriait-il peu de temps après avoir passé la ligne d’arrivée devant le Autzen Stadium de Eugene.
Enfin, Laeticia Bapté a achevé ses championnats du monde sur une sixième place en demi-finales du 100 m haies, et le sentiment du devoir accompli grâce à son temps de 12’’93 (+0,3). Dans une course mieux maitrisée que celle de la veille, la Martiniquaise a tout de même commis une petite erreur sur le huitième obstacle, qui lui a peut-être coûté un nouveau record personnel. Qu’importe, elle pouvait être « fière » d’elle, après avoir connu le doute les semaines
précédentes. « Avant ces championnats, je n’arrivais plus à descendre sous les 13’’, je suis donc contente de l’avoir fait à nouveau », avouait-elle. Quelques minutes auparavant, la Nigériane Tobi Amusan, vainqueure du meeting de Paris au mois de juin, a fait voler en éclats le record du monde de Kendra Harrison en remportant sa demi-finale en 12’’12, avant de gagner la finale en 12’’06 avec un peu trop de vent (+2,5) pour que ce nouvel exploit puisse entrer dans le livre des records.
Le bilan de Romain Barras
« Dans un contexte international très relevé, le bilan est très positif. On a retrouvé du caractère au sein de l’équipe de France. J’avais demandé des gens qui répondent présent sur la piste et se rapprochent du podium, c’est ce qu’on a vu. Le sport a une part d’aléatoire inévitable, et des athlètes comme Quentin Bigot, Wilfried Happio, Gabriel Tual, sont restés au pied du podium, avec un petit manque de réussite. Il y a un mélange de générations avec des piliers
qui aident les jeunes à grandir et s’affirmer. C’est une bonne expérience pour construire un noyau performant en vue des prochaines échéances, à l’image de nos relais. L’équipe de France élargie qui se présentera à Munich dans trois semaines pour les championnats d’Europe aura besoin de cet élan créé à Eugene. On est tous assez spécialistes pour savoir que derrière le bilan des médailles se cache une génération Paris 2024 qui est en train d’émerger, et on peut imaginer que ces athlètes seront en mesure de jouer
des médailles dans deux ans. C’est le début d’une aventure. »
Photos : S. Kempinaire - JM Hervio / KMSP / FFA
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