Beretta et Campion superbes sixièmes
Tous les deux finalistes sur 20 km marche, Clémence Beretta et Kevin Campion ont brillé ce samedi matin sous la pluie munichoise. La Vosgienne s’est même emparée du record de France, en 1h30’37’’, alors que le Normand d’adoption a bouclé son effort en 1h20’47’’.
De l’eau a coulé sur les joues de Clémence Beretta, à l’arrivée du 20 km marche. Et ça n’était pas que la pluie, qui s’abattait avec force sur les marcheuses depuis la mi-parcours. La sociétaire de l’Athletic Vosges Entente Clubs a réalisé une course magnifique, conclue par une sixième place en 1h30’37’’. Avec en bonus le record de France, qui appartenait depuis 2000 à Nora Leksir en 1h31’15’’. « C’est incroyable, génial, je suis vraiment émue, soufflait-elle,
en larmes et la voix brisée par l’émotion. J’avais depuis longtemps le record de France en tête, mais je n’avais jamais converti mon potentiel sur cette distance. Aujourd’hui, je l’ai fait, en plus aux championnats d’Europe. »
L’athlète de 24 ans a eu le mérite de s’accrocher au groupe de tête jusqu’au neuvième kilomètre. Le moment qu’a choisi l’Espagnole Maria Perez pour attaquer, avant d’être rattrapée par les cartons puis disqualifiée, la victoire revenant à la Grecque Antigoni Ntrismpioti (1h29’03’’). « J’ai pris beaucoup de risques en partant sur un rythme très élevé, retraçait l’élève de Gérard Lelièvre. Mais je ne regrette rien, je voulais être avec les toutes
meilleures
européennes. Forcément, ça été dur musculairement assez vite. J’avais moins d’aisance que les premières, ce qui est normal. Mais je me suis dit qu’il fallait que je finisse au mental. » Rapidement seule en chasse-patates, elle n’a rien lâché et a gratté des places, au fil des coups de moins bien et disqualifications de certaines de ses adversaires. Avec sa sixième place, elle écrit une nouvelle page de l’histoire de sa discipline, en devenant la première marcheuse française finaliste aux championnats d’Europe.
Des changements validés
Une réussite qui valide les choix forts effectués lors de cette saison, avec « des changements à tous les niveaux ». Membre pendant six ans du pôle de Nancy, elle a décidé de retourner dans sa « structure club », pour suivre à distance les conseils de Gérard Lelièvre, le coach de Gabriel Bordier. Après avoir perdu son contrat d’insertion professionnelle, elle s’est lancée comme community manager à son compte. « Ça aurait pu complètement casser, mais finalement,
ces choix de cœur en
me recentrant sur moi ont payé », savourait-elle, en ayant déjà en tête le grand rendez-vous de 2024. « C’était important de faire ce chrono à deux ans de Paris, c’est assez symbolique. J’ai bien montré le maillot de l’équipe de France aujourd’hui, et que j’étais dans l’abnégation et le dépassement de soi. Je pense que ça va débloquer des choses pour moi. »
Moutard et Terrec placées
Les autres Bleues en lice, Camille Moutard et Eloïse Terrec, ont évolué pas loin de leur meilleur niveau, en terminant respectivement dixième en 1h33’16’’ et onzième en 1h34’04’’. « Je suis contente, pour un premier championnat, c’est super », appréciait la première nommée, partie prudemment. Perfectionniste, la seconde jugeait sa course moyenne, avant de positiver en parlant d’une expérience incroyable, qui va (lui) servir beaucoup pour les compétitions
suivantes.
Campion enfin finaliste
Dixième en 2014, neuvième en 2018, sixième à Munich. La marche est une épreuve au long cours, qui demande de la patience et du temps avant de se laisser apprivoiser. Kevin Campion en est une belle illustration. L’athlète du Stade Dieppois devient finaliste en grand championnat pour la première fois, après une belle course bouclée en 1h20’47’’ sous une pluie fine et intermittente, disputée sur la longue artère partant d’Odeonsplatz. « J’ai 34 ans mais je ne
suis pas vieux, je suis encore là », savourait-il quelques minutes après la fin de son effort, dans la zone d’interviews située derrière la ligne d’arrivée. La « grosse frustration » exprimée dans ses premiers mots avait déjà laissé place à la satisfaction : « Je suis content, je termine dans un bon état physique. Je ne vais pas cracher sur cette place. »
L’écrémage s’est fait progressivement lors d’un 20 km effectué en negative split pour les meilleurs, avec un passage en 40’16’’ au dixième kilomètre et une victoire de l’Espagnol Alvaro Martin, qui conserve son titre en 1h19’11. Dans le groupe de tête, réduit à huit unités après la mi-course, l’élève de Gilles Garcia a tenté de suivre lorsque le rythme a commencé à s’accélérer, mais a vite pris deux cartons rouges. « Je n’ai pas respecté les consignes car je
ne devais pas essayer de suivre à ces allures-là avant le 15e kilomètre. Je n’ai pas insisté, je suis ensuite resté assez sage, j’ai montré aux juges que j’avais compris. Le podium devenait difficile, mais il restait quelque chose à jouer si des mecs devant étaient disqualifiés ou avaient un souci. Finalement, j’ai pu remonter deux gars. »
« Sixième, c’est une très belle performance, c’est formidable, il revient de loin », savourait son coach, en référence à l’inflammation à l’insertion des ischio et des fessiers qui avait perturbé une bonne partie de la préparation de son protégé. Kevin Campion a encore de belles saisons devant lui et se projette déjà sur la suite avec gourmandise. « Je suis finaliste européen, j’aimerais aussi l’être aux Mondiaux ou aux J.O. »
Bordier pénalisé par les cartons
Parti aussi avec les meilleurs, Gabriel Bordier a vu ses espoirs de top 8 s’envoler en même temps que les cartons rouges tombés. Déjà sanctionné trois fois au bout de sept kilomètres, il a été contraint à deux minutes d’arrêt en zone de pénalité. Une rareté pour le marcheur de l’US Saint-Berthevin. « La dernière fois que j’avais pris trois rouges, c’était lors d’un meeting en cadets, rappelait-il. Les coaches ne m’ont pas forcément alerté en début de
course, c’est pour ça que j’étais assez surpris. Il n’y avait pas non plus d’alerte sur la technique à l’entraînement. » Il a ensuite considérablement ralenti l’allure pour éviter une disqualification et « terminer avec le maillot de l’équipe de France ». Dix-neuvième en 1h28’11’’, il prévenait : « Il va y avoir beaucoup de trucs à débriefer avec le coach et il va falloir se remettre en question ».
Florian Gaudin-Winer pour athle.fr Photos : JM Hervio - P. Millereau / KMSP / FFA
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