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NUMÉRO 597 - AUTOMNE 2022 |
Just Kwaou-Mathey : l’étoile montante
Demi-finaliste mondial, médaillé européen, à chaque fois à son meilleur niveau… Il n’est jamais simple, pour un jeune qui déboule en équipe de France, de frapper fort dès ses premiers grands championnats - surtout sur 110 m haies. Mais Just Kwaou-Mathey est fait d’un métal rare, entre insouciance et détermination, plaisir et ambition.
À le voir effleurer les obstacles, fluide et élancé, toujours à son top au meilleur moment, et finalement s’enrouler du drapeau tricolore pour fêter sa médaille de bronze à Munich, on n’a pas pu empêcher une question de remonter : est-ce qu’il regrette encore ? Est-ce que Just Kwaou-Mathey, désormais médaillé européen sur 110 m haies, arrivé aux portes de la finale mondiale à 22 ans, rêve encore de ballon rond ?
Car le gamin d’Évreux ne pensait qu’à ça, jusqu’à 15 ans, ignorant ou presque des choses de l’athlé, dans le club de foot qu’il fréquentait. Le coup n’est pas passé loin : son pote Dayot Upamecano, avec qui il a échangé ses premiers ballons, est aujourd’hui en équipe de France de football. Mais en 2018, alors qu’il était déjà champion de France juniors sur les haies, Just traînait parfois son spleen. « Des regrets ? Oui, un peu. Mais je ne sais pas si j’aurais pu faire comme lui, lâchait-il à l’époque. J’ai une carrière en athlé. On verra bien… » Il rigole, quand on lui rappelle ses hésitations de jeunesse. « Je regarde toujours ses matches, à Dayot, je ne vais pas changer là-dessus ! (rires). Je viens du foot, mais je prends désormais autant de plaisir en athlé. Je ne vais pas reprendre le ballon. » Ouf ! Car on veut bien prendre le pari : Just Kwaou-Mathey atteindra plus facilement l’or avec les pointes qu’avec les crampons aux pieds.
Changement de vie radical
Il n’y songeait pas encore, à l’époque, lui qui avait simplement suivi sa grande sœur au club local, l’Evreux AC, avant de réaliser les minima pour les Europe cadets, qu’il manquera pour un faux départ aux France. Mais le gamin s’accroche, à contre-courant de ses envies. Il décide même de quitter la Normandie pour rejoindre un pôle, à Poitiers, en juniors. Le changement de vie est radical, pour lui comme pour les siens. « Ma mère fut un peu triste : j’étais le dernier enfant de la famille à quitter la maison, après mon frère et mes deux sœurs. Ça a été un peu dur au début, je venais de quitter mes repères, mais maintenant, je connais tout le monde », se réjouit le jeune homme, qui suit un BTS de commerce, aménagé en trois ans au lieu de deux. Le petit jeune qui arrivait de Normandie a même pris une belle assurance. Fabien Lambolez, son coach au Creps de Poitiers, l’a observé. « Il aime cette place qu’il a dans le groupe, dont il est le leader et où il côtoie Jeff Erius, Pablo Matéo ou Raphaël Mohamed. Je construis mon collectif comme une équipe de sport co, et aujourd’hui, je consulte Just quand quelqu’un veut y entrer. » Pas vraiment le Club Med, tout de même. « Je mène une vie de moine, vraiment, assure Just. Je suis au calme avec eux. Ce sont vraiment de bonnes conditions, y compris pour le suivi paramédical. »
Des défis lancés aux sprinters
L’environnement dépasse même le cadre sportif stricto-sensu. « De la femme de ménage à la directrice jusqu’aux agents d’accueil, tout le monde l’apprécie, observe son coach. C’est un peu le gendre idéal, poli et profondément gentil avec chacun. » Sur la piste, même ambiance : le plaisir et la bonne humeur avant tout. « Il aime défier les sprinters, il est sans cesse dans le jeu, à comparer les chronos même quand ils tirent un chariot… », sourit Fabien Lambolez. Mais attention : « C’est quelqu’un qui aime bosser, prolonge l’entraîneur. S’il ne souffre pas, il n’a pas l’impression d’avoir travaillé. Je suis obligé de le freiner, souvent. Il ne rechigne pas, je ne l’ai jamais vu baisser les bras. »
Cinq ans après son arrivée à Poitiers, et au terme d’une saison où sa constance et son aptitude à évoluer à son meilleur niveau dans les grandes occasions, autour de 13’’30, auront frappé les esprits, le voilà médaillé européen, au terme d’une finale où il a longtemps cru pouvoir décrocher l’or. « Cette médaille à Munich, c’est une grande fierté, et l’aboutissement de la saison, alors que je n’étais pas noté comme l’un des favoris. Mais j’ai travaillé pour ça, alors j’ai saisi cette opportunité. Pour ma première, j’avais envie de faire bonne impression… » Fabien Lambolez n’est pas surpris, même si le podium, il l’avoue, n’était pas encore un objectif que le duo s’était fixé. « On est dans la continuité de la saison précédente : Just a gagné en régularité, et être régulier, c’est l’objectif. » Les deux hommes sont sur la même ligne, à la virgule près. « Bien sûr, on a toujours envie de faire 12’’, souffle le hurdler. Le chrono, avant, j’y pensais beaucoup, mais si je suis régulier, il descendra tout seul. »
Les qualités d’un félin
Ses qualités et sa trajectoire peuvent le laisser espérer. Car Just est un savant mélange d’envie et de professionnalisme, combiné à une nécessaire pointe de folie. « Il a l’insouciance d’un gars de 22 ans, d’un jeune loup, mais le bagage d’un athlète de haut niveau, apprécie son entraîneur. Il est insouciant, mais déterminé. N’oublions pas qu’à la sixième haie, à Munich, il est encore devant, puis il tape la suivante. Mais il ne sort pas de la course, alors que beaucoup l’auraient fait, à son âge. » À court ou moyen terme, sa marge de progression semble réelle. « Il a les qualités d’un félin, et une vraie agilité, mais manque forcément encore un peu de puissance et de force », juge Fabien Lambolez. Rien ne presse : la route est bien tracée, bien dégagée. Pour l’heure, d’ailleurs, sa vie n’a pas encore radicalement changé, malgré la breloque décrochée à Munich. « Je sais qu’il y aura plus d’attentes sur moi, et c’est normal, ça vient avec la médaille », anticipe-t-il. « Mais ça ne provoque ni pression, ni peur. L’objectif, c’est surtout de me qualifier pour tous les grands événements, et de trouver la régularité. C’est comme ça que ça vient. Même si ce n’est pas si simple. Cet été, j’ai eu du mal à tenir jusqu’à début septembre et la finale de la Champions League… de la Diamond League, pardon ! » Just rigole, sincèrement, de son lapsus. Plus aucun regret dans sa voix.
Cyril Pocréaux
Crédit photos : Jean-Marie Hervio et Philippe Millereau / KMSP
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