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Le feu d’artifice bleu-blanc-rouge

Dans la foulée de Kevin Mayer, qui a conservé son titre européen à l’heptathlon, l'équipe de France a récolté cinq médailles supplémentaires ce dimanche avec Benjamin Robert (argent) et Agnès Raharolahy (bronze) sur 800 m, le relais 4x400 m masculin (argent) et Just Kwaou-Mathey (bronze) sur 60 m haies.

Le temps fort

Mayer reste au sommet

Kevin Mayer a fait du Kevin Mayer ce dimanche à Istanbul. Du stress, intense, avant le grand frisson et la délivrance sur la piste. Poussé dans ses retranchements par le Norvégien Sander Skotheim, parti comme un avion dans le 1000 m terminal, le Montpelliérain a trouvé les ressources pour tenir la barre, comme il l’a si souvent fait depuis dix ans. « J’ai réussi à repartir à 400 m de l’arrivée, avec Makenson (Gletty) derrière moi, qui me criait tous les 50 mètres de relancer. C’était vraiment incroyable, cela faisait longtemps que je n’avais pas connu un 1000 m comme ça, où je peux autant m’exprimer. » Sans même avoir besoin de recourir aux calculettes, Mayer a pu lever les bras quelques mètres avant la ligne. Après des heures à se faire des nœuds au cerveau et à l’estomac, il se disait « vraiment fier » de son 1000 m en 2’44’’20 (soit un total de 6348 points), alors même qu’il n’avait fait « aucune séance spécifique depuis deux ans ».

Sa médaille d’or, la cinquantième de l’équipe de France dans l’histoire des Europe en salle, complète un peu plus son palmarès XXL. « Cela faisait longtemps que je n’avais pas accéléré autant sur un dernier 400 m. Je me disais que pour rien au monde que je ne voulais d’une médaille d’argent. Je voyais le Norvégien partir, et j'ai pensé « c’est mort, tu vas faire deuxième ». Quand tu prends l’habitude d’être champion d’Europe, tu n’as plus envie de perdre », souriait-il devant les micros des journalistes. Venu pour le plaisir et pour la confrontation en vue des championnats du monde de Budapest, où il aura un autre titre à défendre cet été, Mayer a (re)trouvé tout ce qu’il cherchait. Et voyait même un peu plus loin. « C’est de l’expérience pour la plus grosse échéance de ma vie. Bien sûr, tout le monde m’en parle en permanence, et je préfère vivre le moment présent. Mais je l’ai quand même dans un coin de ma tête, on la construit petit à petit. Cet heptathlon, c’est une petite brique posée à l’édifice. » Sans avoir besoin de prononcer le mot, tout le monde a compris de quoi il parlait.

Le chiffre

3

C’est le nombre de millièmes qui a privé Benjamin Robert du titre européen sur 800 m. Au terme d’une dernière ligne droite acharnée, le Toulousain a dû s’incliner d’extrême justesse face au retour de l’Espagnol Adrian Ben, chronométré comme lui en 1’47’’34. Dans une course sauvage, où la totalité des concurrents a frôlé la chute à un moment ou un autre, Robert a encore fait preuve de panache et de maitrise en courant aux avant-postes tout du long. « C’est une sensation bizarre, parce que je suis content, mais pas trop non plus, imageait-il. Je suis fier de mon parcours depuis l’été dernier. Beaucoup de travail a été fait, et ça s’est vu tout le week-end. Une finale à huit en salle, c’est quelque chose ! C’est ma première médaille internationale, c’est une étape importante, et c’est gratifiant. Ça récompense aussi le travail de toute une équipe. »

Les médaillés

Les relayeurs bon bagarreurs

Le 400 m est toujours un effort brutal. Le 4x400 m en salle y rajoute une bonne dose de frottements, de bousculades et souvent de rebondissements. La finale masculine a produit tout ça, dimanche soir, pour le plus grand plaisir de l’Atakoy Arena. A ce jeu-là, les Français ont montré qu’ils avaient, en plus d’une belle densité de coureurs de 400 m, des arguments pour se faire respecter. Téo Andant, le deuxième relayeur, a même terminé son effort projeté contre le panneau de chronométrage, qui n’en demandait pas tant. Toujours bien placé dans le trio de tête, les Français ont vu les Hollandais leur passer sous le nez au tout début du dernier segment, mais Muhammad Abdallah Kounta a parfaitement géré sa fin de course, se glissant à la corde de la l’ultime ligne droite pour coiffer Espagnols et Bataves au poteau. Avec Gilles Biron au départ et Victor Coroller en troisième position, les Bleus ont décroché l’argent en 3’06’’52, la couronne revenant à la Belgique en 3’05’’83.

« Il y a eu beaucoup de grabuge mais on a tous su rester lucides pour jouer notre rôle, appréciait Téo Andant. C’est dans la continuité de notre médaille de bronze de Munich l’été passé, et une récompense pour tout une équipe, avec un staff, Benoît (Moudio Priso), le remplaçant, et ceux qui n’étaient pas là mais qui auraient pu y être. » « L’équipe change, mais les médailles restent, cela entretient une belle dynamique pour qu’on progresse tous ensemble », ajoutait Victor Coroller.

Raharolahy ravie

Il n’y a pas d’âge pour trouver sa voie. A 29 ans, Agnès Raharolahy a fait le choix de bifurquer du 400 m vers le 800 m. Dix-huit mois plus tard, la Nantaise a pris la médaille de bronze des Europe en salle, en 2’00’’85. « J’ai trouvé ma discipline, à chaque course il y a des émotions différentes, j’apprends à chaque fois et je m’éclate ! J’ai eu trente ans en novembre dernier, mais j’ai l’impression que ma carrière ne fait que commencer. »

La relayeuse discrète mais incontournable dans le collectif français a pris la lumière toute seule, et avec ça un plaisir fou. « Je suis toujours aussi peu à l’aise pour célébrer et me mettre en avant devant tout le monde, précisait-elle, toujours aussi humble. Mais c’est bien d’avoir une récompense pour mon travail. J’ai adoré le relais, mais parfois, on se dit qu’on est le maillon faible de l’équipe, et qu’avec une autre fille à sa place, la médaille aurait été la même. » Avant de monter sur le podium en solo, huit ans après le titre européen sur 4x400 m, elle a tenu à associer son coach de toujours, Emmanuel Huruguen, avec qui elle a opéré ce rebond fructueux. Agnès ne marche jamais seule.

Kwaou-Mathey, bis repetita

La tradition a tremblé, mais elle tient toujours. Comme à chaque fois depuis 2009, un Français est monté sur le podium du 60 m haies. « J’y ai pensé pendant la journée, remet Just Kwaou-Mathey, le seul Bleu au départ de la finale. Ça ne m’a pas du tout mis la pression, au contraire, ça m’a motivé. Je me suis dit que moi aussi j’en étais capable. » L’affaire était pourtant loin d’être conclue au passage au niveau du premier obstacle. Le champion de France avait, certes, bien mieux jailli des blocs que lors des tours précédents, mais il a trébuché juste après. Vaillant et déterminé, l’Ebroïcien a tenu sur ses longues jambes et s’est lancé dans une course poursuite haletante. « Comme à Munich l’an dernier, l’attente des résultats a été très longue, mais encore une fois, il y a la médaille au bout, je suis content », pétillait-il. Troisième en 7’’59 d’une course survolée par le Suisse Jason Joseph en 7’’41, Kwaou-Mathey s’affirme encore un peu plus comme un membre sérieux du club de ceux sur qui compter à chaque grand rendez-vous. A 23 ans, cela laisse encore du temps pour faire vivre encore la coutume.

Les finalistes

Bapté et Cormont cinquièmes

Laeticia Bapté a achevé sa première finale européenne à la cinquième place, avec un chrono de 7’’97. Parfaitement placée dans le sillage de la Finlandaise Reeta Hurske (future lauréate en 7’’79), la Martiniquaise a senti le vent tourner à l’amorce de l’avant-dernier obstacle. « Je n’étais plus dans le rythme, sans savoir pourquoi. Je vais devoir revoir la course pour comprendre », songeait-elle, naviguant entre la « déception de ne pas avoir ramené de médaille » et la fierté de s’être montrée « régulière, avec trois chronos sous les 8’’ en trois courses. » La différence qui la sépare encore des meilleures du Continent, deux ans après ses débuts à ce niveau à Torun, a fondu en l’espace de deux jours.

Classé au même rang à l’issue de la finale de la perche, Ethan Cormont a vécu une mésaventure regrettable, qu’il n’est pas près d’oublier. « Je fais tout ce qu’il faut jusqu’à 5,70 m (en franchissant toutes les barres au premier essai, NDLR). Au premier essai à 5,80 m, un cameraman a shooté ma marque, donc je l’ai replacée, mais un mètre trop loin. C’était impossible de sauter. Au deuxième essai, les poteaux n’étaient pas au bon endroit. Les juges m’ont redonné un essai, j’ai pris mes trois minutes pour souffler, et je passe pas loin. Mais en cinq minutes chrono, mon concours était foutu », lâchait-il, les dents serrées.

Et aussi

Augusto n'a pas à rougir

Bastien Augusto a appliqué le plan de marche qu’il s’était fixé lors de la finale du 3000 m. A l’abri pendant le premier kilomètre, il a profité des sorties de virage pour grappiller des places lorsque le Norvégien Jakob Ingebrigtsen a progressivement haussé le rythme. Jusqu’à figurer en troisième position d’une longue file indienne, à moins d’un kilomètre du but. A la bagarre avec le Serbe Erzan Bibic, le Berrichon a subitement senti les forces l’abandonner à deux tours du but, et a chuté une centaine de mètres plus loin. Il a tout de même tenu à finir, dans le chrono anecdotique de 8’20’’60, en quatorzième position.

Le bilan de Romain Barras

« Je suis très satisfait, parce qu’au-delà des résultats, la dynamique d’équipe était très bonne. Certains ont battu leur record, obtenu des médailles, c’est top. Sur cette dernière journée, on a vu une spirale vertueuse se mettre en place, ça tire tout le monde vers le haut. C’est ça qu’on recherche pour l’équipe de France. D’autres ont été un peu déçus, mais en voyant leur regard revanchard, je me dis que l’envie est là. Tous ont pris conscience de ce qu’ils doivent faire pour être au plus haut niveau international, de ce qu’ils ont déjà réalisé et de ce qu’il leur reste à accomplir. Ils sortent tous d’ici avec les crocs, qu’il faut garder à l'entraînement sur le long terme, jusqu’aux Mondiaux de Budapest et aux Jeux de Paris. »

Etienne Nappey pour athle.fr
Photos : S. Kempinaire / KMSP / FFA

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