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NUMÉRO 598 - HIVER 2023 |
Quand la musique donne des ailes aux perchistes
Ingrédient indispensable à la performance et au spectacle, la musique est depuis longtemps une des marques de fabrique du Perche Elite Tour. Pour rythmer leur course d’élan, les perchistes choisissent généralement bien plus qu’une simple mélodie. Explications dans cet article paru dans le dernier numéro d’Athlétisme Magazine, disponible dès maintenant en kiosques.
Quelques de notes de musique suffisent à savoir qu’il va sauter. Depuis une dizaine d’années, Renaud Lavillenie s’élance sur le même morceau d’Avicii (Levels / Skrillex Remix) à chacune de ses apparitions lors du Perche Elite Tour. « Je lance le son à 2’30 précises, parfois 2’25, pour qu’il ait le temps de bien se préparer, décrit Antoine Dumont, le DJ du circuit français indoor de perche. Renaud est déjà en bout de piste quand il l’entend. Il lève la tête, me regarde, ferme le zip de sa combi sous la claque du public, et il part à 2’44, pile sur le “drop”. »
La recette a fait ses preuves. Sur ces quelques secondes d’électro pop, le champion olympique de Londres en 2012 a signé plusieurs des meilleures performances de sa carrière. « C’est la musique du record du monde, précise Antoine Dumont. Elle a une symbolique forte parce qu’on l’a mise pendant l’hiver 2014, peu avant qu’il batte tous les records, d’abord celui de France (6,04 m à Rouen), et trois semaines plus tard celui de Bubka (6,16 m à Donetsk en Ukraine). Cette musique est restée, toujours le même morceau, le même passage, calé à ce moment bien particulier. »
L’exemple Galfione
L’ex-recordman du monde n’est pas le seul à pouvoir sauter sur sa mélodie porte bonheur. Ce privilège est partagé par tous les participants aux concours élite du Perche Elite Tour et remonte même aux Masters de perche à Grenoble en 1991, avec Jacques Collet aux manettes. Qu’on soit sauteur ou simple spectateur, l’alliance entre la perche et la musique semble faire bon ménage.
« En tant qu’organisateur, on a envie de mettre les athlètes dans les meilleures conditions, que ce soit à la fois sérieux et fun, pour leur permettre de sortir une bonne perf’, déroule Sébastien Homo, responsable national des sauts et coorganisateur de la Perche aux étoiles à Aulnay-sous-Bois, dont la dernière édition remonte à 2019. La musique rend cela possible. Je me souviens du meeting en salle de Dunkerque en 1999, où Jean Galfione était venu pour sa dernière compétition avant les Mondiaux indoor. Il avait sauté sur la musique du Carnaval de Dunkerque, qui avait lieu au même moment. C’est une mélodie très entraînante, qui avait mis beaucoup d’ambiance dans la salle. Ce jour-là, il bat le record de France de Philippe Collet (5,95 m), et une semaine plus tard, il était champion du monde avec 6 m. Avec le recul, on se dit que sans cette compète, cette musique et ce délire-là, il n’y a peut-être pas la même perf’ aux Mondiaux… » Car à en croire les principaux intéressés, rythme et mélodie auraient une réelle influence sur l’humeur et la performance.
Électro pour les Européens, rock ou rap pour les Américains
Finaliste mondial (2015) et DJ amateur, Kevin Menaldo abonde dans ce sens. À l’époque, le Bordelais composait lui-même les morceaux sur lesquels il sautait. Il en trouvait même pour ses concurrents et amis. « Certains athlètes me demandent encore des sons, s’amuse le désormais spécialiste du crossfit. Les musiques qu’ils recherchent doivent être assez représentatives de leur personnalité. La plupart des athlètes du Perche Elite Tour sautent sur de la musique électro parce que ce style se prête bien à un environnement super festif. Ça fait sauter le perchiste et bouger les gens. Quand les spectateurs s’ambiancent pendant que l’athlète se prépare, c’est le jackpot ! »
À l’image du saut à la perche, le choix du bon morceau repose sur un subtil mélange entre technique et sensation. « La musique électro est très codée. Ce qui compte, ce sont les quelques notes de préparation, et après le “drop”, quand le rythme s’accélère, explique Kevin Menaldo. On lance toujours un morceau cinq ou dix secondes avant le drop. Ça laisse le temps à l’athlète d’être appelé, de se préparer en bout de piste, de lancer la claque et de s’élancer sur le drop. Certains sauteurs ont besoin d’un son bien énervé pour puiser de l’énergie supplémentaire, d’autres d’un rythme plus calme parce qu’ils sont davantage dans la maîtrise, comme Renaud. Quand ça pète très fort, le risque est de se dérégler. Ça m’est déjà arrivé de mettre un morceau avec un gros “step” qui me mettait en transe. Je suis parti tellement fort que je suis arrivé trois pieds trop près du butoir… »
Pour que la mayonnaise prenne, les participants des concours élite sont invités avant chaque étape à indiquer à Antoine Dumont le morceau de leur choix et le passage exact. « Certains me l’envoient à l’avance, mais souvent, on se cale à l’échauffement pour que je sois prêt au lancement du concours. » Et contrairement à Renaud Lavillenie ou Stanley Joseph, tous ne conservent pas le même morceau pendant plusieurs années. « Certains ne changent pas de musique de l’hiver, et d’autres comme Kevin en choisissaient une nouvelle à chaque étape, explique Antoine Dumont. Quand j’ai commencé sur le circuit il y a dix ans, c’était souvent moi qui tranchais. On me disait : “mets la musique qui va bien, et on verra !”. Aujourd’hui, les sauteurs y accordent une plus grande importance. Avec la récurrence des sons, on sait à l’avance qui va sauter. Quand ils ne savent pas trop quoi mettre, on essaie de trouver un truc ensemble. Je ne choisis pas pour eux, car c’est leur moment. À chaque étape, il n’y en a pas plus d’un, souvent un étranger, qui me dit de mettre ce que je veux. »
“Born in the USA” pour Kendricks
Et la musique ne colle pas seulement à la personnalité de l’athlète. « En fonction du morceau, on reconnaît la nationalité ou l’origine géographique, note Kevin Menaldo. À l’époque, les Grecs sautaient souvent avec du sirtaki, les Européens de l’Est, Allemands et Français sur de l’électro, et les Américains sur du rock ou du rap US. Quand un athlète demande un son, ce n’est pas juste une chanson qu’il aime bien, mais aussi quelque chose qui le représente. » Grâce à son excellente connaissance des perchistes, Antoine Dumont tente parfois une musique improvisée pour les transcender. « Ça m’est déjà arrivé de mettre “Born in the USA” à l’Américain Sam Kendricks parce que je sais qu’il est très patriote et qu’il n’écoute ni rap ni électro, confie-t-il. Quand c’est le dernier en lice et qu’il est en bout de piste pour tenter son record, un petit changement comme ça peut faire la différence. Mais si ça ne lui convient pas, je change dans la demi-seconde. »
Camille Vandendriessche
Photos : © Jean-Marie Hervio - Philippe Millereau / KMSP
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