Schrub parmi les grands
Yann Schrub a pris une magnifique neuvième place en finale du 10 000 m, en 28’07’’42. La meilleure performance d’un Français dans cette discipline aux Mondiaux depuis Jean-Louis Prianon en 1987, qui avait terminé au même rang. Le fond hexagonal a été à l’honneur ce dimanche soir, avec également la belle qualification d’Azeddine Habz en finale du 1500 m. A l’heptathlon, l’euphorique Auriana Lazraq-Khlass termine douzième et première Française pour sa première sélection en équipe de France A.
La perf’
Une neuvième place qui vaut de l’or
Et soudain, Yann Schrub, qui était en train de répondre aux questions de la presse dans les coursives du stade, s’est écroulé, victime d’un malaise vagal, d’un début d’hyperthermie et de crampes, une bonne quinzaine de minutes après sa course homérique en finale du 10 000 m. On l’avait vu quelques instants plus tôt euphorique, fêtant avec ses cinquante supporters venus du Grand Est sa neuvième place en 28’07’’42, meilleur résultat d’un Français sur la distance depuis 1987 et Jean-Louis Prianon, qui avait terminé au même rang à Rome. Ces derniers étaient pour une bonne partie torse nu et l’avaient encouragé pendant toute la course, improvisant un kop dans le premier virage, un peu après l’arrivée, alors que l’interne en médecine s’était coiffé de son désormais inévitable coq et les haranguait.
Pris en charge par l’équipe médicale, Yann Schrub est allé au bout de lui-même dans la moiteur de Budapest, par une température de plus de 30°C, et s’est « senti pousser des ailes ». Soutenu par son clan, réuni derrière la célèbre banderole « Sarreguemines », mais aussi à distance par plus de 200 personnes rassemblées devant un écran géant à l’initiative de son club, l’Athlé Sport Sarreguemines Arrondissements. Dans le peloton, on l’avait vu tenter de digérer en douceur les changements d’allure des coureurs africains, comblant les petits trous les uns après les autres. Les kilomètres passaient, les Européens et Américains cédaient les uns après les autres. Le sociétaire de l’Athlé Sports Sarreguemines Arrondissements aussi, mais en dernier, à environ un kilomètre de l’arrivée. Mais il s’accrochait, ramassait les ‘’morts’’ et finissait à moins de cinq secondes d’une inespérée place de finaliste, dans une course remportée par le recordman du monde Joshua Cheptegei en 27’51’’42.
« Je visais un top 12 à la base, rappelle l’élève de Dominique Kraemer. Neuvième pour un premier championnat du monde, je pense que c’est pas mal et que c’est mieux que ma troisième place aux Europe. J’ai eu la chance énorme de faire la Diamond League de Monaco (12e du 5000 m en 13’17’’95), qui m’a appris énormément de choses. J’y ai commis des erreurs. J’ai travaillé beaucoup sur moi, notamment sur le plan psychologique pour recoller dès qu’il y avait des écarts. Avant, j’avais très peur. Maintenant, plus trop. Je suis à une place d’être finaliste. Ça aurait été un peu le pompon (sic). » Qualifié grâce au ranking et à ses prestations en cross, Yann Schrub a montré, sur la piste de la capitale hongroise, qu’il était aussi un grand pistard. Dans un an lors des Jeux de Paris, il rêve de grimper encore dans la hiérarchie. Mais avant, il a une neuvième place à fêter avec ses proches, qui donnaient encore de la voix près de deux heures après sa course.
Le temps fort
Habz s’invite en finale
L’ascension d’Azeddine Habz se poursuit. Demi-finaliste aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, finaliste aux Europe de Munich en 2022, médaillé de bronze lors du rendez-vous continental d’Istanbul cet hiver, le miler du Val d’Europe Montevrain Athlétisme est en finale du 1500 m à Budapest. Un nouveau et énorme cap de franchi. « Ca n’a rien à voir avec les Europe, rappelle d’ailleurs l’élève de Philippe Dupont et Serge Olivares. Le niveau mondial est super
relevé. »
Et il y a aujourd’hui toute sa place, comme il l’a démontré en demi-finales. Toujours bien placé dans la première partie du peloton, il ne s’est jamais affolé, même quand il s’est retrouvé un peu enfermé dans le dernier tour. Le fruit de l’expérience acquise en Diamond League, où il a enchaîné cette saison les meetings et les places d’honneur. « C’est aussi ce qui m’a permis de courir régulièrement en 3’31’’ et ça m’a aidé à être à l’aise aujourd’hui et à courir en
3’32’’, vingt-quatre heures après une course en 3’34’’ », analyse le natif d’Iloul au Maroc.
Quatrième de sa très dense demi-finale en 3’32’’79, dans une course dominée par l’Américain Yared Nuguse (3’32’’69) avec les six premiers en 28 centièmes, Azeddine Habz n’a jamais rien lâché. « Je suis allé chercher cette finale mondiale avec les tripes. Ca n’était pas facile avec la densité et la chaleur étouffante, mais je suis allé jusqu’au bout. Maintenant, place à deux jours de récup’. »
Avant une dernière course lors de laquelle il ne s’interdit rien, alors que les demies ont vu passer à la trappe plusieurs favoris, comme l’Espagnol Mohamed Katir, troisième à Eugene l’an dernier, et l’Espagnol Timothy Cheruiyot, champion du monde en 2019. « (Jakob) Ingebrigtsen, c’est sûr qu’il va courir en 3’27’’-3’28’’ pour tuer tout le monde et ne pas se retrouver avec un coureur de 800 m qui va le coiffer à la fin, se projette le Français. Je
suis prêt à tous les scénarios et à aller chercher une médaille. » Car derrière le Norvégien, qui paraît un bon cran au-dessus de tout le monde mais qui avait été surpris par le Britannique Jake Wightman aux Mondiaux l’an dernier, les prétendants sont nombreux. Avec, parmi eux, un certain Azeddine Habz.
La promesse
La révélation Lazraq
Quand son nom est apparu sur l’écran géant à la huitième place, à l’arrivée du 800 m, la septième et dernière épreuve de l’heptathlon, Auriana Lazraq-Khlass a commencé à sauter de joie. Mais le tableau n’était pas à jour. « Les filles m’ont calmée, en me disant d’attendre deux secondes », raconte la combinarde de l’Athlétisme Metz Métropole, qui aura illuminé les deux jours de compétition avec son énergie et sa joie de vivre. « J’ai adoré mon hepta, lançait-elle euphorique, après le traditionnel tour d’honneur. Mes deux jours ont été incroyables. Je fais de l’athlé car j’adore ça. Kiffer mon moment, c’était la chose la plus importante pour moi, m’exprimer sur la piste et être moi-même. »
Au-delà de son tempérament de feu, l’élève de Julien Choffart, qui a bouclé ses deux tours de piste en 2’14’’25, a d’abord et surtout montré un sacré talent. Car battre son record personnel dès sa première sélection en équipe de France A, qui plus est lors d’un grand championnat, c’est loin d’être anodin. C’est ce qu’elle a réussi avec un total de 6179 points (ancien record : 6153 pts), un résultat synonyme de douzième place. « Il y a eu beaucoup d’émotions, je compte bien revenir et être encore meilleure. Avoir la confirmation que j’étais à ma place, que je pouvais me battre avec les meilleures mondiales, ça me donne envie de continuer à bosser. »
Quinzième avec 5939 points, Léonie Cambours a souffert lors de son 800 m, terminé en 2’19’’34. « C’était compliqué physiologiquement, comme sur 200 m, mais je m’en doutais, confiait la Normande du Stade Sottevillais 76. Ca va revenir et j’y crois. » Elle aura montré du tempérament ce dimanche, avec notamment une meilleure marque en carrière au javelot. De quoi la relancer, après des mois difficiles. « Je sors d’une période hyper compliquée psychologiquement. On ne voit que le résultat sur la piste, alors qu’il y a parfois des phases difficiles en dehors. A chacun ses victoires, aujourd’hui c’est la mienne. »
Enfin, Esther Condé-Turpin a tenu à aller au bout de son heptathlon, malgré un zéro à la longueur. L’athlète installé aux Etats-Unis a fini par un record sur 800 m, en 2’11’’23. Elle se classe 18e avec 5256 unités, après avoir réussi à trouver les ressources pour se relancer. « Ca n’était pas possible d’abandonner. Je me suis entraînée pour ça. Maintenant, il faut charbonner pour l’année prochaine. »
Florian Gaudin-Winer pour athle.fr Photos : S. Kempinaire - JM Hervio / KMSP / FFA
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