De l’argent qui vaut de l’or

Le relais 4x400 m masculin tricolore est vice-champion du monde ! Ludvy Vaillant, Gilles Biron, David Sombé et Téo Andant ont réalisé une course d’anthologie et terminé à une somptueuse deuxième place lors de cette dernière journée des Mondiaux. En 2’58’’45, ils font tomber un record de France vieux de 20 ans. Une autre marque nationale a été battue, lors de cette soirée incroyable pour les Bleus. Grâce à Alice Finot, superbe cinquième du 3000 m steeple
en 9’06’’15 au terme d’une folle remontée lors du dernier tour.
La médaille
Un chef d’œuvre collectif
Il aura fallu patienter jusqu’à l’avant-dernière épreuve de ces Mondiaux pour que l’équipe de France s’offre sa première médaille. Mais le scénario, le symbole et le sens historique qu’elle représente valaient, à eux seuls, l’attente. Ils n’étaient que quatre relayeurs en piste, ce dimanche soir à Budapest. Mais leur deuxième place en 2’58’’45, Ludvy Vaillant, Gilles Biron, David Sombé et Téo Andant sont allés la chercher pour beaucoup de
monde. « Cette médaille, elle est pour toute l’équipe de France, on la mérite tous », résume le dernier nommé. Les athlètes, le staff, les coaches, les proches, avec « une pensée » toute particulière pour les remplaçants, comme le glissait Vaillant : « Thomas Jordier, notre capitaine, qui nous a donné le lead, Loïc Prévot qui avait contribué à qualifier le relais en finale hier, ainsi que Simon Boypa et Wilfried Happio. »
Pour tous ceux-là et pour tous les autres, les Bleus ont déroulé une partition au presque parfait. Ludvy Vaillant a lancé le relais en transmettant le témoin dans le bon paquet. Gilles Biron a retrouvé ses jambes du mois de juillet au meilleur moment et a produit un énorme effort pour se rabattre en deuxième position. Peut-être le tournant de la course, puisque cette manœuvre lui a permis de considérablement perturber le Jamaïcain et le Botswanais dans
la dernière ligne droite, seul le Britannique ayant réussi à passer.

La suite, c’est le volubile David Sombé qui la raconte. « Quand je vois que Gilles arrive en trois, je me dis : oh l’escroc, dans quelles conditions il me met ! Il ne faut pas que je rate ça. Je me colle à l’Anglais et dans la dernière ligne droite, on fait ce qu’on sait faire : je passe et je donne à Téo ». Andant, justement prend aussi le relais par la parole : « Les mecs m’ont choqué. Ils ont fait un boulot incroyable. Je vois David qui me
donne en deux. Je me dis : oh put…, car je ne voulais pas que tout le monde me coure après. Dans ma tête, c’était : ‘’faut pas qu’ils me rattrapent, faut pas qu’ils me rattrapent’’. J’en ai gardé sous le pied pour pouvoir contrôler dans la dernière ligne droite. »

Les Bleus sont vice-champions du monde, derrière des Américains (2’57’’31) au-dessus du lot. Reste à connaitre leur chrono, qui finit par s’afficher sur le panneau électrique : 2’58’’45. Le mythique record de France (2’58’’96) de Leslie Djhone, qui avait envoyé un message plus tôt dans la journée pour « donner de la force » à ses héritiers, Naman Keita, Stéphane Diagana et Marc Raquil, réalisé en finale des Mondiaux de Paris 2003 avec à la clé déjà une deuxième place (qui deviendra
de l’or après la disqualification de l’équipe américaine à cause d’un cas de dopage), vient d’être explosé. « On était tous en accord avec nous-mêmes sur l’objectif, c’est ce qui a donné ce résultat incroyable », soufflait le discret Gilles Biron, rappelant ainsi que ce collectif ambitieux savait très bien où il voulait aller. la nuit hongroise promettait d’être longue et belle, après la deuxième médaille mondiale de l’histoire pour un 4x400 m français masculin. « C’est monstrueux, on profite du moment, on n’a
pas encore atterri, s’exclamait David Sombé. On va carrément faire la fête. On n’a déjà plus de tête, mais on n’aura plus de voix demain. »
La perf'
Finot « des étoiles plein les yeux »

Elle a poussé un cri, poings serrés, en passant la ligne d’arrivée puis en découvrant son chrono, a piqué un sprint pour rejoindre son clan, installé dans les tribunes au niveau du départ du 100 m, et s’est enfin emparée d’un drapeau bleu, blanc, rouge. Alice Finot n’a pas fait de tour d’honneur. Mais elle a fêté sa cinquième place en 9’06’’15, synonyme de record de France du 3000 m steeple explosé (ancien record : 9’10’’04), comme une médaille. Et c’est « des
étoiles plein les yeux » qu’elle s’est présentée devant la presse. « Mes rêves se sont transformés en objectif, soufflait-elle, très émue. Je les ai écrits sur un papier et ils sont maintenant réalisés. C’est un moment vraiment précieux. »
Pour réaliser cette performance exceptionnelle, la steepleuse du CA Montreuil 93 a pris des risques. Non pas en s’accrochant aux favorites, parties sur des bases inférieures à neuf minutes (2’58’’90 au passage au 1er km, 5’57’’75 au 2e), mais au contraire en les laissant s’envoler pour courir avec son intelligence et sa régularité habituelle. « Si je courais avec la tête, c’était le schéma que je devais être capable de suivre, en allant du moins vers le plus,
expliquait-elle. Ca a été un travail autant physique que mental. Car forcément, c’est dur de lâcher et de faire le pari de laisser partir le wagon. Je me disais : ‘’tu es dans le contrôle’’. J’ai eu confiance et j’ai vu que, petit à petit, je me rapprochais d’elles. »

Encore douzième à 1000 mètres de l’arrivée, elle a fini très fort en bouclant le dernier kilomètre en un peu moins de 2’59’’ pour doubler sept concurrentes. Encore plus impressionnant : son ultime tour avalé en 1’08’’. Un chrono similaire à celui de la vainqueure, la Bahreïni Winfred Mutile Yavi, sacrée en 8’54’’29, meilleure performance de l’année, devant les Kényanes Beatrice Chepkoech (8’58’’98) et Faith Cherotich (9’00’’69). Première Européenne
de la course, juste devant la Slovène Marusa Mismas Zrimsek (9’06’’37), Alice Finot a encore une rivière de steeple à franchir pour se rapprocher du top 3. Mais elle n’en est plus si loin, avec son finish dévastateur.
La décla
« C'est bien d'être fougueux et ambitieux, mais il faut être réaliste aussi : je sais que jouer la gagne, c'est encore trop prématuré. J'espère que l'année prochaine, je ne serai pas avec eux jusqu'au dernier tour, ni jusqu'aux 200 mètres, mais bel et bien dans la dernière ligne droite, avec un public révolté qui va me donner un peu plus la force de me rapprocher de la médaille. »

Jimmy Gressier était lucide, quelques minutes après avoir terminé la finale du 5000 m à la neuvième place, en 13’17’’20. Le polyvalent fondeur du Boulogne-sur-Mer AC n’avait, il est vrai, rien à se rapprocher. Il s’était promis d’être avec les meilleurs à la cloche. Il l’a été en étant acteur de la course, longtemps placé à l’avant du peloton. Mais quand la bagarre entre les favoris a débuté, il n’a pas pu suivre le rythme infernal que ces derniers ont imprimé,
malgré sa grinta habituelle.
« Je suis un garçon qui travaille beaucoup mais qui a les pieds sur terre, qui analyse ses acquis mais aussi ses lacunes, détaillait l’élève d’Adrien Taouji et Arnaud Dinielle. Et je pense qu'aujourd'hui, on a ciblé ce qu'il fallait encore travailler, c'est la marge de progression sur 1500 m. » Une distance sur laquelle brillent d’ailleurs le Norvégien Jakob Ingebrigtsen (1er en 13’11’’30) et l’Espagnol Mohamed Katir (2e en 13’11’’44), qui
se sont disputés la victoire lors d’une dernière ligne droite spectaculaire. Le recordman de France du 5000 m estime qu’il devra sans doute descendre sous les 3’30’’ pour pouvoir jouer les premiers rôles en grands championnats sur sa distance de prédilection. Un défi qu’il est prêt à relever dès l’an prochain.
Et aussi
Les relayeuses neuvièmes
Les relayeuses du 4x400 m ont assisté à la médaille de leurs homologues masculins depuis la chambre d’appel. « Ca nous a boostées de voir que c’était possible », racontait Amandine Brossier. Une motivation supplémentaire qui n’a cependant pas suffi pour aller chercher une place de finaliste, l’objectif de l’Angevine et de ses coéquipières Louise Maraval, Marjorie Veyssière et Camille Seri. Le quatuor s’est classé neuvième en 3’28’’35
d’une course remportée en 3’20’’72
par les Hollandaises, avec en conclusion une incroyable remontée de Femke Bol. « Quand on voit ce qu’on fait les gars, on ressent de la jalousie, rigolait Amandine Brossier. On va les jalouser pendant un an et, en 2024, on fera le tour d’honneur ensemble. »
Les sauteuses en hauteur prennent date

Enfin, Nawal Meniker et Solène Gicquel se sont respectivement classées 12e et 15e de la finale de la hauteur. La première a effacé une barre à 1,90 m, avant de s’attaquer sans succès à 1,94 m, soit un centimètre de plus que son record. « Je me suis donnée à 2000 % donc je n’ai aucun regret, confiait-elle. Je savais que j’avais 1,94 m dans les jambes je suis juste déçue par rapport à ça. J’ai énormément appris lors de ces Mondiaux. Sauter avec
des filles qui ont un tel ‘’level’’, c’est incroyable. Ce ne sont que des bonnes choses pour la suite. » Solène Gicquel, qui a passé 1,85 m avant de coincer à 1,90 m, aura aussi plein d’enseignements à tirer de cette première expérience à ce niveau. Après avoir notamment côtoyé l’Ukrainienne Yaroslava Mahuchikh, titrée avec 2,01.
Florian Gaudin-Winer pour athle.fr Photos : S. Kempinaire - JM Hervio / KMSP / FFA
|