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Et tout commence à l’INSEP

Si les premiers athlètes de l’équipe de France sont arrivés mercredi après-midi en Hongrie, le pré-camp bat toujours son plein dans le temple du sport français. Reportage dans les pas des Bleus.

Il est 10h30 ce mardi 15 août et le bois de Vincennes se réveille à peine. Quelques grands-parents promènent des bébés en poussette, les canards traversent paisiblement le lac des minimes, et il n’y a pas une voiture à l’horizon. De l’autre côté de la route, l’INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) et son site de 28 hectares au sud de Paris est tout aussi paisible. Une quiétude troublée seulement par la présence en nombre des Bleus en partance pour les Mondiaux de Budapest. « C’était le désert quand on est arrivé, résume Mélina Robert-Michon. Ça fait bizarre de voir l’Insep un peu endormi, au ralenti. »

La lanceuse de 44 ans à la longévité exceptionnelle est sur place depuis le 7 août, après avoir déposé, avec son compagnon et entraîneur Loïc Fournet, leurs deux filles en Bretagne chez les grands-parents. « Je ne peux pas me préparer chez moi, avoue Mélina. Je n’arrive pas à être suffisamment disponible. Il y a trop de choses à faire avec la vie de famille. Je sais que j’ai besoin de ce moment de ‘’tranquillité’’, qui est une espèce de sas ente la maison et le championnat. »

Le « pré-camp » tricolore a ouvert officiellement ses portes trois jours plus tard, le 10 aout. Les athlètes peuvent arriver à l’INSEP cinq jours avant de mettre le cap sur la Hongrie, afin de se préparer dans un climat serein et propice à l’entraînement. Une nouveauté dans un tel contexte puisque, jusque-là, ce type de stages terminaux étaient réservés aux grands championnats qui se tenaient dans des pays éloignés de la France, avec l’objectif de permettre aux sélectionnés de s’acclimater au décalage horaire à leur arrivée sur place. « On s’est rendu compte, notamment en 2022 avec le camp de base installé dans l’université de Linfield avant les Mondiaux de Eugene, que les athlètes se sentent bien dans cette configuration, explique Romain Barras, le directeur de la haute performance à la FFA. Cette année, on entre dans le championnat en étant au vert dans un cadre paisible, qui symbolise en même temps la haute performance en France. »

« Une énorme adhésion »

Si la participation au rassemblement n’est pas obligatoire, les Tricolores doivent tous être présents à l’Insep la veille de leur départ pour Budapest, afin de récupérer leur dotation et d’effectuer un dernier check-up médical. Ils ont la possibilité d’être accompagnés par leurs coaches personnels. Le 15 août, ils étaient près d’une soixantaine à participer en début de soirée à la photo puis à la réunion d’équipe, sur un total de 78 sélectionnés. « Il y a une énorme adhésion, se félicite le cadre technique. Et je suis sûr qu’il va y avoir un effet boule de neige pour les prochains camps de ce type, comme ça avait pu être le cas il y a quelques années avec les stages hivernaux à Potchefstroom (Afrique du Sud). »

Il faut dire que les conditions de préparation et d’encadrement sont optimales à l’INSEP. Si le stade extérieur Gilbert Omnes est en cours de réfection, la halle Maigrot est parfaitement fonctionnelle. Et pour ceux souhaitant fouler une piste en plein air, l’anneau de Pershing, refait récemment à neuf et collé au campus, est à disposition. Les perchistes féminines, elles, se rendent à Aulnay-sous-Bois, haut lieu de la discipline, où Sébastien Homo a inversé le sens habituel du tapis pour qu’elles puissent courir et sauter avec vent dans le dos.

L’équipe médicale, avec au minimum trois kinés et un médecin présents, a pris ses quartiers à un jet de pierre de la halle, dans le complexe Christian d’Oriola. La première réaction des athlètes lorsqu’ils arrivent dans la salle, où des cloisons sont installées pour apporter un peu d’intimité ? « C’est pro ! » Tables électriques, ultrasons, tecarthérapie, pressothérapie, appareils avec champs magnétiques, laser… Du matériel de physiothérapie « dernier cri » est utilisé, dixit Antoine Bruneau, médecin des équipes de France. « Il y a aussi une psychologue et un nutritionniste, qui font partie de la cellule de la haute performance, complète ce dernier. On forme une unité de compétences, avec des passerelles entre tous. Et on est en lien avec le service médical de l’Insep. S’il y a besoin d’une imagerie, on est à 400 mètres. » Une unité de lieu appréciable illustrée aussi par la présence à l’étage au-dessus du ‘’médical’’ d’une salle de musculation bientôt équipée d’un système de climatisation, et en-dessous d’espaces d’hydro-récupération.

Contrôle de lactatémie

A quelques jours du début des Mondiaux, on cultive l’art du détail pour grappiller les centièmes et centimètres qui feront la différence le jour J. Comme le médical, le staff de la haute performance est aussi bien représenté, avec en permanence trois à cinq de ses membres sur le terrain. Des tests urinaires sont réalisés chaque matin auprès des athlètes, afin d’évaluer leur hydratation et d’effectuer les bonnes préconisations. Ce matin-là, le steepleur Djilali Bedrani enchaîne les 300 mètres tiré par Sophie Duarte à vélo. Un contrôle de lactatémie est effectué à l’arrivée de chaque course, pour vérifier que l’intensité de la séance est au bon curseur. Les lanceuses Rose Loga et Mélina Robert-Michon, elles, profitent des mesures cinématiques du FlightScope pour ajuster les derniers points techniques. Le fondeur Yann Schrub essaye, dans le stade couvert transformé en étuve, un gilet de refroidissement qu’il trouve rapidement trop encombrant.

Quant au marcheur Aurélien Quinion, il effectue 5x2000 mètres en passant à intervalle régulier sur un OptoJump, un système de détection optique qui calcule son temps de suspension. « Comme tout le monde le sait, je ne suis pas un génie de la technique de marche, sourit le sociétaire de l’Entente Franconville Cesame Val d’Oise. Connaitre la longueur de ma foulée et mon temps de suspension, ce sont des donnés concrètes. Je peux comparer mon ressenti à la réalité. Avoir accès à ce type d’outils permet d’avoir moins d’incertitudes. »

Un discours qui colle aux mots d’Hugo Maciejewski, responsable de la cellule haute performance de la FFA avec Bertrand Valcin : « Le but est de réussir à identifier le maximum de paramètres qui satellisent autour de la performance puis de les optimiser, de manière à gagner des gains marginaux. On profite d’un stage comme celui-là pour sensibiliser les athlètes et l’ensemble du staff, afin de les entraîner dans notre démarche. Si près de la compétition, on est dans la finalisation des ultimes ajustements, dans l’épaisseur du trait pour rassurer sur les choix opérés en amont. »

Des surmatelas supplémentaires

En dehors des entraînements, le staff fédéral peaufine aussi l’accueil des athlètes pour les mettre dans les meilleures conditions possibles. Une sorte de répétition générale à un an des Jeux olympiques de Paris 2024, avant lesquels l’équipe de France d’athlétisme posera aussi ses cartons à l’Insep. « Les sportifs et le staff serons logés dans un bâtiment différent, qui est actuellement en cours de rénovation, relève Philippe Leynier, directeur technique national adjoint et responsable du pré-camp. On a demandé des surmatelas supplémentaires pour les lits. Une salle de loisirs avec un écran géant est à disposition, pour ceux qui seront encore sur place quand le championnat va démarrer. Pour le médical, on va sans doute demander un ou deux bureaux en plus pour les médecins, afin de garantir encore plus de confidentialité. Après Budapest, on va débriefer entre nous puis avec l’INSEP, afin d’apporter quelques améliorations si nécessaire. »

En ayant en tête que la configuration sera tout autre dans un an. En effet, si l’Insep sera uniquement réservé à l’équipe de France olympique, de nombreux sports seront représentés aux côtés de l’athlétisme. « Le lieu sera fermé et préservé de la pression médiatique des Jeux, on sera encore plus dans une bulle, se projette Romain Barras. Mais en même temps, ce sera une sorte de mini village olympique. On pourra partager des repas avec d’autres sportifs. Ca fait aussi partie de ce que j’appelle l’entonnoir de la performance. On arrive dans un collectif France et on se mélange progressivement. » Une ambiance de groupe que recherchent les Tricolores, à un moment de la préparation où l’on a envie de garder l’esprit léger. « Je ne suis clairement pas encore entré dans ma compétition. », confie d’ailleurs Yann Schrub, qui allait régulièrement assister à des sessions d’autres sports l’an dernier lors des Europe de Munich, avant son entrée en lice, pour trouver « une échappatoire à l’athlétisme. Il ne faut pas se mettre de pression tout de suite et griller des cartouches. Elle va monter toute seule. »

Les nouveaux sélectionnés intronisés sur scène

Non sélectionné pour Budapest, après avoir subi une opération d’une hernie discale cet hiver et fait une croix sur la saison estivale, Quentin Bigot est présent pour quelques jours à l’Insep, afin de passer des tests médicaux, servir « un peu de ‘’sparring-partner’’ à Rose Loga en la stimulant » et retrouver ses coéquipiers. « Ça fait plaisir de voir tout le monde, de faire vraiment famille », souligne le Messin. Une famille qui s’agrandit, avec plusieurs nouveaux sélectionnés en grands championnats qui sont montés sur scène dans la bonne humeur à l’issue de la réunion d’équipe, pour être intronisé par l’ambianceur Thomas Jordier et prononcer quelques mots au micro. Parmi eux, l’heptathlète Auriana Lazraq-Khlass, 24 ans. « Je connaissais quasi tout le monde, mais c’est juste qu’on ne faisait pas partie de la même sphère avant, estime la combinarde aux yeux ornés d’ailes aux couleurs bleu, blanc, rouge. Leur parler d’égal à égal, c’est complètement différent. Tout le monde est bien ouvert, ça permet de créer des liens. » Une ambiance conviviale au menu du mardi soir, puisque, après les discours de Romain Barras et d’Anne-Tournier Lasserve, la cheffe de délégation, une plancha avec grillades sous un beau coucher de soleil attendait les Bleus. Le calme avant la tempête.

Florian Gaudin-Winer pour athle.fr
Photos : © Jean-Marie Hervio / KMSP / FFA

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