Solide comme Maraval
La hurdleuse tricolore a dominé sa demi-finale du 400 m haies en abaissant son record à 54’’36, s’ouvrant de jolies perspectives pour la finale. Azeddine Habz et Romain Mornet sur 1500 m, ainsi que les trois perchistes Thibaut Collet, Robin Emig et Baptiste Thiery ont fait le boulot pour se qualifier également en finale, alors que Makenson Gletty occupe la tête du décathlon après trois épreuves.
Les qualifiés
Maraval sait ce qu’elle veut
Elle voulait « gagner sa série pour ne pas se prendre la tête » avec une qualif au chrono, elle l’a fait. A la bagarre avec l’Italienne Ayomide Folorunso, portée par son public à la sortie du dernier virage du 400 m haies, Louise Maraval n’a pas fait de cadeau et a poussé son effort jusqu’au bout, pour « ne pas prendre le risque de se faire sortir bêtement ». Le deuxième meilleure performeuse française de tous les temps a été récompensée par
un nouveau record, en 54’’36, agrémenté d’une bonne dose de confiance et de l’assurance d’un bon couloir en finale - le 6. Une échéance qu’elle abordera avec l’envie « d’un podium, même s’il faut être réaliste, il y en a une qui est un peu au-dessus du lot. » La Hollandaise Femke Bol a, quelques minutes plus tard, fait un jogging en 54’’16 dans sa demie, mais aucune autre concurrente n’a semblé démesurément plus forte que Maraval.
Les trois perchistes sont tous arrivés à bon port, mais la navigation n’avait rien d’un long fleuve tranquille lors du concours de qualification ce lundi matin au stade olympique. Le vent a perturbé les choix de matériel, et Thibaut Collet s’est retrouvé à ramer contre une barre à 5,45 m, finalement effacée à sa troisième tentative. « Ca a été une des pires sensations de ma carrière, mais je m’en suis sorti sur un saut au raccroc », soufflait-il devant
la presse. La suite s’est avérée beaucoup plus paisible jusqu’à 5,60 m. C’est justement à cette altitude que Baptiste Thiery, sérieux et appliqué jusque-là, a pris une méchante vague. Avec en main une perche qu’il n’avait « plus touchée depuis longtemps », le Martiniquais a dû s’y reprendre à trois fois pour sortir la tête de l’eau. Finalement, il n’y a guère que pour Robin Emig que le trajet s’est fait sur une mer d’huile. Le Gapençais a juste dû remettre un petit coup de barre à 5,45 m
pour ne pas perdre le cap, ce qu’il a fait avec brio.
Une matinée au presque parfait pour les demi-fondeurs
Les spécialistes du 1500 m et du 800 m ont frôlé le carton plein en séries. Azeddine Habz, prétendant affiché au podium sur la première distance, est allé chercher la troisième place de sa course en 3’38’’37, après un « dernier 700 mètres méga rapide ». Derrière le Norvégien Jakob Ingebrigtsen (3’37’’65) revenu de l’arrière et l’Italien Federico Riva (3’37’’75), il a tranquillement contrôlé dans la dernière ligne droite pour éviter de « laisser
des plumes ».
Le médaillé de bronze européen indoor sera accompagné par un autre Français en finale, mercredi soir. Romain Mornet s’est arraché pour prendre la cinquième et avant-dernière place qualificative de sa série, en 3’44’’28. « J’ai fait en sorte de me replacer au 300 mètres puis, à l’entrée de la dernière ligne droite, j’ai donné tout ce que j’avais. C’était chaud sur la fin car je ne pouvais plus passer et que ça revenait sur ma droite. J’ai cassé et ça passe pour
deux centièmes. » Plutôt en retrait depuis le début de saison, le sociétaire de l’AC Roche-sur-Yon a déjà réussi son pari. « Je pense qu’il n’y avait pas beaucoup de monde qui m’attendait là », a-t-il d’ailleurs reconnu.
Même réussite pour Léna Kandissounon et Anaïs Bourgoin sur 800 m. La première a couru avec une assurance qu’on ne lui connaissait pas. Toujours bien placée aux avant-postes, elle s’est détachée dans la dernière ligne droite pour s’imposer en 2’00’’76, sa meilleure performance de la saison. « Je pense que je n’avais jamais fait une aussi bonne course sur le plan tactique, savourait la Bretonne. C’est la première fois que je gagne un 800 m aussi
facilement, Les jambes ont bien répondu, c’était génial ! » Pas mal après seulement un peu plus de trois heures de sommeil la nuit dernière, à cause de l’excitation causée par la médaille de bronze sur 1500 m de sa camarade d’entraînement et amie Agathe Guillemot.
Pour son premier grand championnat sur piste, Anaïs Bourgoin a couru avec beaucoup de métier elle aussi. Encore en queue de peloton au 600 mètres, elle n’a pas hésité à courir au couloir 3 pour se replacer dans la ligne droite opposée. Bien calée aux côtés de la grande favorite pour le titre, Kelly Hodgkinson, elle s’est classée deuxième en 2’02’’55, neuf centièmes derrière la Britannique. « Au 150 mètres, je me suis dit : ‘Personne ne doit me passer’’
et ça a tenu. C’est parfait », s’exclamait-elle.
Enfin, Hélène Parisot a sorti le grand jeu dès le début de matinée pour s’extraire des séries du 200 m. En 22’’86, elle a remporté sa course avec aplomb, et pouvait savourer « un nouveau record, sous les 23’’, et avec du vent régulier », qu’elle attendait depuis longtemps.
Les éliminés
Happio mal loti
En héritant d’une demi-finale « plus dense et plus relevée » que les autres, Wilfried Happio savait que sa marge de manœuvre était réduite. Le vice-champion sortant a beau avoir sorti son meilleur chrono de la saison, 48’’55, malgré des « sensations en dents de scie et une préparation prévue pour être optimale dans huit semaines », il est le premier non-qualifié pour la finale du 400 m haies. Déçu mais ni abattu ni inquiet, le jeune papa garde
« confiance dans les choix et les paris faits cette année », qui devraient payer aux Jeux olympiques.
Idéalement placé au moment de l’emballage final de sa série du 1500 m, Maël Gouyette a payé dans les cinquante derniers mètres les efforts fournis auparavant pour se maintenir aux avant-postes. Onzième à l’arrivée, en 3’45’’22, il regrettait de s’être « crispé du haut du corps » lorsque ses adversaires ont commencé à le dépasser, sans qu’il puisse réagir.
Et aussi
Gletty leader, Mayer dans le bon tempo
« Le Mak nous fait une Auriana ! » La comparaison entre Makenson Gletty et la toute fraiche vice-championne d’Europe de l’heptathlon Auriana Lazraq Khlass, signée Kevin Mayer, résume plutôt bien le début de compétition du combinard du Nice Côte d’Azur Athlétisme, qui a explosé ses records sur 100 m en 10’’55 (ancien RP : 10’’64) et à la longueur avec 7,59 m (ancien RP : 7,41 m). Un peu moins saignant au poids, avec un jet à 16,27 m qui lui
laissait « un petit goût amer
», l’élève de Rudy Bourguignon est tout de même en tête du décathlon avec 2788 points.
Kevin Mayer occupe pour l’instant le sixième rang avec 2636 unités, après être resté fidèle à son plan de départ : réaliser les minima olympiques sans trop s’employer. Il a couvert sa ligne droite en 10’’72, décollé à 7,37 m dès le premier essai de la longueur et, en manque de sensations, a « frisé la correctionnelle au poids » mais s’en est tout de même bien sorti avec 15,31 m. « Je sens que j’ai les jambes, de l’envie, mais qu’il y a aussi de la retenue,
constatait-il,
conscient de l’exercice d’équilibriste en cours. Je fais le taff et je suis largement dans les clous pour faire les minima. » Troisième Français en lice dans ce ‘’déca’’, Téo Bastien est treizième provisoire avec 2498 points.
A Rome, F. Gaudin-Winer et E. Nappey pour athle.fr Photos : P. Millereau - JM Hervio / KMSP / FFA
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