Le gala de Jimmy Gressier
Jimmy Gressier, treizième du 10 000 m, a amélioré le record de France de la distance en devenant le premier Français à courir en moins de 27’ sur vingt-cinq tours. Le relais 4x400 m mixte a également dépoussiéré les tablettes nationales dès les séries, pour intégrer le top 8 planétaire. Mélina Robert-Michon a, elle aussi, fait lever le Stade de France en obtenant son ticket pour sa quatrième finale olympique.
Le temps fort
Gressier en costaud
L’euphorie olympique a gagné le Stade de France. A l’issue d’un 10 000 m de haute volée, Jimmy Gressier a fait chavirer l’enceinte dionysienne, qui ne demandait qu’une étincelle pour s’embraser, dans une folie douce. Drapeau sur les épaules, le Boulonnais célébrait son nouveau record de France, en 26’58’’67, qui fait de lui le premier Français en moins de 27’, et le quatrième performeur européen de l’histoire. La densité folle de la course l’a probablement privé
d’une place de finaliste, mais sa treizième place n’était qu’anecdotique pour Gressier, ivre de bonheur.
Courageux, il s’est accroché comme un damné à un groupe de tête lancé sur des allures folles (26’43’’14 pour l’Ougandais Joshua Cheptegei à l’arrivée) pendant plus de sept kilomètres. « J’avais des jambes de folie. Ces derniers temps, je réfléchissais trop à vouloir économiser de l’énergie, mais ma force à moi, c’est le combat. J’ai vu au passage à la mi-course qu’on était largement sous les 27’, et quand je me suis retrouvé esseulé dans les trois derniers
kilomètres, je savais que je courais contre le record de France. » Après un passage à la table de ravitaillement pour trinquer avec les bénévoles, le fondeur du Nord a même gratifié ses fans d’une roue. « Vivre des émotions pour soi, c’est super, mais le faire en communiant avec les autres, c’est encore mieux. Je vis pour le partage, j’aime vivre des trucs de folie, et ce soir, ça l’était », savourait-il. Plus ambitieux que jamais, Gressier reviendra sur le tartan violet mercredi pour les séries
du 5000 m. « Je n’ai jamais renoncé à l’idée de faire une médaille, même si je sais bien que les gars de devant sont encore un cran au-dessus. Peut-être que j’y arriverai un jour, même si ce n’est pas tout de suite… »
Dans le tourbillon qui a suivi le 10 000 m, Jimmy Gressier et son coéquipier Yann Schrub ont défilé ensemble pour remercier leurs nombreux proches, et ont échangé leurs maillots. Victime d’un coup de bambou après quatre kilomètres à un rythme plus que soutenu, le Lorrain avait repris ses esprits après avoir perdu pied pendant la course. Visiblement touché après quinze minutes d’effort à très haute intensité, il a dû abandonner, soutenu par deux secouristes
pour quitter la piste. « Au départ, j’étais très impressionné par le stade et le décor. J’ai connu une déconnexion entre mes jambes et ma tête, et mon corps s’est mis ‘’en mode protection’’ », expliquait-il aux journalistes.
Le chiffre
1’’65
Le relais 4x400 m mixte a collé plus d’une seconde et demie au record de France de la spécialité, dès les séries ce vendredi soir. Idéalement lancés par Muhammad Abdallah Kounta, chronométré en 44’’79 lors du premier segment, les Bleus ont déroulé leur plan sans accroc pour conclure leurs quatre tours de piste en 3’10’’60, à la deuxième place. Les 3’12’’25 de Budapest, avec Gilles Biron au départ à la place de Kounta, et déjà Louise Maraval, Téo
Andant et Amandine Brossier, ont vécu et bien vécu. « Le record de France, c’est secondaire, parce que notre priorité était d’être en finale. On savait qu’il fallait le faire tomber pour atteindre notre but car le niveau mondial est excellent », relativisaient-ils devant la presse. Il faudra probablement aller encore plus vite lors de la finale samedi soir, au vu des prestations de leurs adversaires : les Etats-Unis ont porté le record du monde à 3’07’’41, et plusieurs équipes comme la
Belgique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas pourraient enregistrer des renforts dans leur composition d’équipe. Mais les Bleus auront toujours leur botte secrète, nichée tout autour de la piste.
La décla
« Je voulais montrer que mon objectif de l’année n’était pas que d’être porte-drapeau, mais aussi d’être performante »
Mélina Robert-Michon a pleinement profité de son rôle prestigieux et privilégié depuis une semaine, mais la Lyonnaise n’a pas oublié pour autant les bases de sa pratique sportive. Avec 63,77 m, la Lyonnaise a signé la meilleure performance de sa saison au meilleur moment, dès son premier jet. A un cheveu de la qualification directe, mais le suspense était déjà éteint et, après le passage du groupe B, la vice-championne olympique 2016 s'est classée septième sur l'ensemble des deux concours de qualifications. « C’est beaucoup de satisfaction, parce que je disais depuis le début de la saison qu’il n’y
a qu’une seule compétition qui comptait. Ça fait du bien quand ça se concrétise au bon moment. » Après quelques larmes quand ses deux filles l’ont étreinte au bas de la tribune, Mélina a répété qu’elle avait « toujours l’ambition de battre son record lors de la finale des Jeux olympiques ». Ses interlocuteurs réguliers savent qu’elle tient souvent parole.
Et aussi
Guillaume s’est fait peur
Saint-Denis n’a plus de secret pour Ilionis Guillaume, puisqu’elle s’entraîne dans la ville depuis deux ans, mais cela n’a pas empêché la triple sauteuse française se « faire peur » lors des qualifications. Ses deux premiers essais culminaient à 13,82 m, et il en fallait plus pour se faire une place dans les douze. « J’ai juste avancé mes marques d’un demi-pied, et le reste est venu du fond de mon cœur et de mon âme », expliquait-elle après-coup. La sauteuse du Stade Bordelais Athlé est retombée à 14,05 m et a assuré l’essentiel avec la douzième place au classement combiné. Comme aux championnats d’Europe de Rome, elle a préféré garder pour elle son ambition lors du prochain tour, tout en qualifiant le record de France de Teresa Nzola Meso (14,69 m) d’ « objectif minimum ».
Lamote en demies, record personnel pour Bourgoin
Les spécialistes du 800 m étaient très pressées ce vendredi soir. Elles ont été vingt-deux à descendre sous les 2’00’’00 et douze sous les 1’59’’00, des chiffres impressionnants. Deux Bleues appartiennent à la seconde catégorie : Rénelle Lamote et Anaïs Bourgoin. L’expérimentée double médaillée européenne en plein air, qui avait hérité du couloir 2 au départ, n’a pas hésité à prendre les devants pour éviter de se faire enfermer. Si la très solide Ethiopienne
Worknesh Mesele (1’58’’07) n'a pas hésité à s'employer dans la dernière ligne droite, la Montpelliéraine coachée par Bruno Gajer n’a pas forcé dans la dernière ligne droite et a bouclé son effort en 1’58’’59 et en deuxième position, un résultat synonyme de qualification pour les demi-finales. « Je suis contente, même si ça n’a pas été une course facile, a-t-elle confié quelques minutes après l’arrivée. Ce n’est pas du tout ce que j’avais imaginé, on est passées très vite à la cloche. J’étais surprise, mais j’étais prête à tout.
J’ai fait le taf. »
Anaïs Bourgoin a aussi réalisé une excellente prestation. Parti plus prudemment, la sociétaire de l’Entente Franconville Cesame Val d’Oise a placé une accélération impressionnante à 250 mètres de l’arrivée pour se replacer. En coupant la ligne en 1’58’’47, elle est devenue la troisième meilleure performeuse française de tous les temps. Paradoxalement, elle devra dès samedi matin en passer par les repêchages pour espérer rejoindre les demies, puisqu’elle a dû se
contenter de la quatrième place dans sa série, remportée par une autre Ethiopienne, Tsige Duguma (1’57’’90), alors que seul le top 3 avançait directement au prochain tour. « Je bats mon record perso, donc je ne peux pas être déçue, a-t-elle réagi. Je me dis juste que je suis tombée dans une grosse série et que les filles étaient plus fortes que moi. Il faut l’accepter ». Léna Kandissounon, 6e de sa série en 2’00’’97, aura, elle aussi, droit à une deuxième chance.
Gletty bien relancé
Au décathlon, Makenson Gletty a fini la journée avec le sourire. En retrait lors des deux premières épreuves, le Niçois avait déjà retrouvé de belles sensations au poids en fin de matinée. Il a poursuivi sur sa lancée dans la soirée, avec un meilleur saut à 1,99 m à la hauteur et surtout un 400 m bouclé en 47’’48, record personnel amélioré de douze centièmes. Dixième à mi-parcours avec 4381 points d’un classement général provisoire dominé par l’Allemand Leo
Neugebauer (4650 pts), il est toujours dans la course pour une place de finaliste.
Enfin, Sarah Madeleine n’a pas pu se mêler à la lutte pour la qualification en finale, lors de l’emballage final. Elle s’est classée 17e en 15’18’’62 et aura beaucoup appris, pour son deuxième grand championnat sur piste.
A Paris, Etienne Nappey pour athle.fr Photos : KMSP / FFA
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