Maraval et Guillemot dans le grand monde
Louise Maraval a pris la huitième place d’une finale du 400 m haies qui a vu l’Américaine Sydney McLaughlin-Levrone améliorer une nouvelle fois son record du monde jeudi soir. Agathe Guillemot s’est ouvert les portes de la grande explication en explosant son record de France du 1500 m, en 3’56’’69.
Le temps fort
Maraval y a mis tout son cœur
Pour sa cinquième course en six jours, Louise Maraval n’avait plus les ressources pour bousculer les meilleures du monde lors de la finale du 400 m haies. Il faut dire aussi que ses adversaires n’ont pas besoin d’être titillées pour enflammer le tartan dionysien. Menacée ces derniers mois par la montée en puissance de Femke Bol, Sydney McLaughlin-Levrone a rétabli l’ordre avec autorité en battant son propre record du monde, pour la sixième fois en
trois ans, en 50’’37. A distance respectable, Louise Maraval a fait avec les jambes du jour, et s’est classée huitième, en 54’’53. « Ce n’est pas facile quand les deux filles des couloirs de devant sont beaucoup plus fortes, ça enlève des repères, reconnaissait la Vendéenne. Ça aurait été une erreur de me calquer sur leur rythme, parce qu’on n’a pas du tout le même niveau. » Un tantinet « déçue à chaud », elle avait quand même pleinement conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attendait.
« Me retrouver dans une course aussi relevée, c’est motivant parce que je vois mieux le travail qu’il me reste à fournir, et j’ai plein d’axes de progression. Notre discipline va très vite en ce moment, c’est tant mieux. A moi de bosser pour me rapprocher du plus haut niveau. » Pour sa deuxième saison pleine sur ‘’4H’’, Maraval a brûlé les étapes, avec une médaille de bronze aux championnats d’Europe, deux chronos sous les 54’’ et une place au soleil dans le top 8 mondial. « Si on m’avait annoncé
une finale olympique au début de l’année, j’aurais signé tout de suite. Je suis très heureuse de l’avoir vécue. » Sa saison à rallonge n’est pas terminée pour autant, puisqu’elle a de bonnes chances de faire partie de l’aventure du 4x400 m dès vendredi. En cas de finale, Bol et McLaughlin-Levrone se dresseront probablement à nouveau sur son chemin, et ça n’est pas pour lui déplaire.
La perf’
Guillemot en éclaireuse
Comme Louise Maraval, Agathe Guillemot a passé son adolescence à tâter des épreuves combinées, avant de bifurquer. Depuis, la Bigoudène s’applique à dépoussiérer les archives du 1500 m féminin. Après s’être emparée du record de France en salle puis en plein air en 2024, elle est devenue ce jeudi la première Bleue à se hisser jusqu’en finale des Jeux olympiques. Des six autres Tricolores qui s’étaient présentées avant elle sur sous les anneaux, seules Marie-Pierre
Duros et Maria Martins avaient atteint les demi-finales sur la distance. Pour ce faire, Guillemot a retranché près d’une seconde et demie à sa marque de référence nationale, pour la porter à 3’56’’69. Sixième de la course, elle a mené sa barque avec doigté et talent pour conclure un « rêve éveillé » de trois tours trois quarts. « J’ai pu faire ce que je voulais, les autres filles se sont gênées entre elles, sans m’embêter. Je cours idéalement placée, mais je ne sais pas trop pourquoi. J’ai l’impression
d’arriver à bien lire la course », exposait-elle.
Forcément, quand on se qualifie pour une finale sans avoir donné l’impression de puiser dans ses réserves outre-mesure, l’appétit grandit. « Aujourd’hui, j’étais juste derrière les filles (Laura Muir, Gudaf Tsegay, entre autres, NDLR) qui visent une médaille, alors pourquoi pas moi aussi ? Je vais tout faire pour avoir une breloque et ne pas avoir de regrets », se projetait-elle. Clairvoyante et « pleinement libérée et épanouie » dans sa vie sportive,
Guillemot a rappelé les étapes nécessaires à son cheminement des derniers mois. « Même si tout va très vite, je ne suis pas arrivée là comme ça, j’ai construit petit à petit. J’ai d’abord été éliminée d’entrée à Budapest il y a un an, et ensuite, j’ai progressé à chaque championnat : Glasgow, Rome, Paris. Il y a eu beaucoup de travail d’analyse de mes réussites et de mes erreurs, parce qu’il ne faut pas se focaliser sur ce qui n’a pas fonctionné », raconte l’étudiante en école d’ingénieurs, qui
s’applique à « faire fonctionner [ses] méninges » pendant ses efforts. Son prochain rendez-vous avec l’histoire (athlétique) de France est prévu samedi soir à 20h15.
Et aussi
Kpatcha onzième et diminuée
Son entame de concours avait été correcte, avec un premier bond à 6,56 m (-0,1). Un camp de base qui devait l’emmener bien plus loin, pour aller dans un premier temps chercher une place dans le top 8. Mais la suite de la finale d’Hilary Kpatcha ne s’est pas passée comme prévu, avec des deuxième et troisième tentatives mesurées à 5,54 m et 5,78 m, des performances très éloignées de ses standards habituels. Onzième à dix centimètres de la huitième, la Jamaïcaine Ackelia
Smith, alors que la victoire revenait à l’Américaine Tara Davis-Woodhall avec 7,10 m, la Toulousaine voyait sa compétition s’arrêter prématurément.
L’explication venait quelques minutes plus tard, devant les journalistes : « Je m’étais bloqué le dos il y a quinze jours en muscu et ça a un peu ‘’spasmé’’ (sic) en qualifications, révélait l’élève de Pierrick Chamayou. On a essayé de calmer un petit peu, mais c’est revenu au premier essai de la finale. J’ai ressenti une vive douleur. J’en ai marre des pépins physiques. Je ne veux pas cracher sur une finale olympique, mais je suis très triste, car je
pouvais carrément entrer dans les huit, et j’avais les armes pour plus. » L’athlète de 26 ans réussissait tout de même à positiver : « Si on m’avait dit il y a deux ou trois ans que je serais en finale olympique aujourd’hui, je ne l’aurais pas cru. Je suis quand même contente du ‘’mindset’’ que j’ai gardé, et de ne pas avoir abandonné. C’était inenvisageable pour moi. »
Lazraq Khlass va se lâcher
Un état d’esprit qui va aussi animer Auriana Lazraq Khlass lors de la deuxième journée de l’heptathlon. La vice-championne d’Europe a connu des débuts compliqués, bien différents de son état de grâce romain. La machine s’est grippée dès le septième obstacle du 100 m haies, première épreuve du jour, sur lequel elle n’est pas passée loin de chuter. « Je voulais trop manger Anna Hall, avouait la Messine à l’issue ses quatre premiers travaux, en fin de soirée.
Sauf que les haies, ça ne marche pas comme ça. J’ai quand même eu la lucidité de terminer ma course, et le chrono (13’’54, NDLR) n’est pas si mauvais. Mais ma volonté de gagner a eu raison de moi. » La suite ? « A la hauteur, je n’y étais pas, je me regardais faire. J’ai retrouvé un peu le sourire au poids, et je finis par un bon 200 m. » Avec 1,67 m dans la deuxième épreuve, 13,69 m dans la troisième et 23’’87 dans la quatrième, l’élève de Julien Choffart occupe la dix-huitième place du
classement avec 3640 points.
Si le podium, occupé actuellement par la Britannique Katarina Johnson-Thompson (4055 pts), la Belge Nafissatou Thiam (4007 pts) et l’Américaine Anna Hall (3956 pts), est désormais inaccessible, elle peut espérer se rapprocher du top 10 à la faveur d’une belle deuxième journée. « Je suis très déçue, très triste, confiait-elle. Je suis passée par tous les états, même la rage. Je m’en voulais, parce que je suis capable de beaucoup mieux.
» Moins pétillante et démonstrative que lors de son épopée romaine, la combinarde aux ailes bleues et roses dans les cheveux promet de se lâcher ce vendredi. « On m’avait beaucoup prévenue de l’engouement incroyable, et je m’en suis protégée. Je n’ai pas vécu la chose comme j’aurais voulu le faire, parce que j’adore donner à tout le monde. J’étais crispée, et ça n’est pas moi, ça. Je compte bien partager avec tout le monde demain. Je suis une combinarde, j’ai deux jours, et après une bonne nuit de sommeil, c’est
reparti. »
A Paris, Etienne Nappey pour athle.fr Photos : KMSP / FFA
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