Azeddine Habz a fait voler en éclats le chrono de référence national de Mehdi Baala, en s’imposant vendredi soir sur la piste de Charléty en 3’27’’49. Un autre record de France est tombé grâce à Jimmy Gressier sur 5000 m, 4e en 12’51’’59. Côté international, les Américains Grace Stark sur 100 m haies et Rai Benjamin sur 400 m haies se sont emparés des records du meeting, tout comme la Dominicaine Marileidy Paulino sur 400 m.

Il a même cru que la wavelight était tombée en panne. Mais non, c’est juste qu’il allait vite, Azeddine Habz, et même trop vite pour le lièvre lumineux qui donne l’allure aux demi-fondeurs avec ses diodes vertes. Porté par la clameur montante des plus de 19 000 spectateurs d’un stade Charléty incandescent, après avoir été arrosé de soleil jusqu’à l’arrivée bienheureuse de la nuit, le sociétaire du Val d’Europe Montevrain Athlétisme a réalisé un 1500 m aux allures de chef d’œuvre pour, en 3’27’’49’’, mettre une claque au mythique record de France de Mehdi Baala. Un scénario de rêve, avec des passages en 1’51’’4 au 800 m et en 2’19’’5 au 1000 m. Aux commandes après l’arrêt du deuxième lièvre, l’élève de Philippe Dupont et Serge Olivares a assumé le train en patron lors du dernier tour, et a repoussé les assauts du Britannique George Mills, 3e en 3’28’’36, avant de résister au retour du Kényan Phanuel Koech, 2e en 3’27’’72, nouveau record du monde U20.

C’est avec son prédécesseur sur les tablettes nationales qu’il a fêté sa victoire et son chrono de légende, en lui tombant dans les bras puis en posant à ses côtés pour la photo devant le panneau sur lequel s’affichait son temps. « C’est juste incroyable, je n’avais jamais pensé courir en 3’27’’, savourait le Français né au Maroc, qui a lancé au micro du speaker un retentissant ‘’Ici c’est Paris !’’. Ce record était celui d’un athlète que j’admire depuis que je suis petit. Il est venu me voir avant le départ pour m’encourager et me dire : ‘’Ce record, il est à toi.’’ » Double médaillé européen en salle l’hiver dernier sur 1500 m et 3000 m, le miler de 31 ans change de dimension avec cette performance, qui le situe au deuxième rang continental de tous les temps derrière le Norvégien Jakob Ingebrigtsen (3’26’’73) et au sixième au niveau mondial, juste derrière l’Algérien Noureddine Morceli (3’27’’37).

De quoi lui donner des idées pour la suite. « J’ai tous les records de France sur 1500 m en salle et en plein air désormais, ainsi que sur le mile. Maintenant, place aux médailles pour compléter ce palmarès. L’objectif sera un podium à Tokyo », promet Azeddine Habz. Mais avant, il va prendre le temps de savourer. « Je n’arrive pas à réaliser, je pense que je ne vais pas dormir ce soir », souriait-il. La nuit promettait d’être longue.

Gressier, un record en tirant la langue

Ce 1500 m de folie, avec six athlètes sous les 3’30’’ et cinq Français sous les minima pour les Mondiaux de Tokyo (Flavien Szot 7e en 3’30’’74, Pierrik Jocteur-Monrozier 10e en 3’31’’51, Romain Mornet 11e en 3’31’’62, Paul Anselmini 12e en 3’31’’63, sans oublier les 3’32’’25 de Louis Gilavert) a fait basculer le meeting de Paris dans une nouvelle dimension. Avec un deuxième record de France qui a été l’œuvre de l’inévitable Jimmy Gressier sur 5000 m. Le Nordiste du Boulogne-sur-Mer AC a pris des risques, en s’accrochant à un peloton lancé sur les bases du record du monde. Après avoir un peu tamponné à mi-course, le champion d’Europe du semi-marathon a relancé dans le dernier kilomètre, porté par une foule qui encourageait aussi l’Ethiopien Yomif Kejelcha, sur les temps de passage du record du monde avant d’exploser dans les deux derniers tours pour tout de même l’emporter en 12’47’’84. Quatrième en 12’51’’59, donc largement sous les 12’56’’83 demandés pour espérer aller aux championnats du monde, Gressier retranche un peu plus de trois secondes à son ancienne référence hexagonale (12’54’’92). Logiquement exsangue à l’arrivée, il avait du mal à lever les bras pour célébrer son chrono et tirait la langue - une spécialité maison - en brandissant la pancarte indiquant son record national.

Une simple étape pour le fondeur de l’Insep entraîné par Adrien Taouji, qui s’estimait encore loin de sa meilleure forme : « Pour être honnête, je ne pensais pas du tout au record de France en venant courir ce meeting, confiait-il. Les choses ont été compliquées à l’entraînement dernièrement. Mais je me suis mis un coup de pied aux fesses ce soir. J’ai fait preuve de courage. » Comme sur 1500 m, la densité tricolore fait plaisir à voir sur les douze tours et demie, avec les 12’56’’57 (8e) de Yann Schrub (A. Sarreguemines Sarrebourg A.), minima pour Tokyo, et les 12’57’’49 (9e) d’Etienne Daguinos (US Talence), qui descendent pour la première fois sous la barrière des treize minutes.

Des minima à la pelle pour les Français

D’autres Bleus ont profité de la soirée pour s’affranchir des minima demandés pour le Japon. Ce fut le cas de Just Kwaou-Mathey (13’’15, +1.4) et Wilhem Belocian (13’’20, +1.1) en séries d’un 110 m haies de très haut niveau, le second nommé n’intégrant pas le top 8 avec ce temps. Une finale dominée par l’Américain Trey Cunningham en 13’’00, record personnel égalé (13’’24 pour Kwaou-Mathey, un peu émoussé). Contrat rempli également pour Agathe Guillemot sur 1500 m, qui continue de grapiller les secondes cet été avec une huitième place en 3’58’’44, soit un peu moins d’une seconde sous des minima (3’59’’47) dont une épatante Sarah Madeleine s’est aussi affranchie, en 3’59’’06 (9e). Venue avec des intentions offensives, Alice Finot a essayé de suivre le rythme de la tête de la course, mais a perdu de précieuses secondes après un passage de la rivière avorté. Dans le dur, elle n’a cependant rien lâché pour aller chercher les minima pour sa rentrée sur la distance, en 9’15’’33 (8e), pendant que la Kényane Faith Cherotich s’emparait de la meilleure performance mondiale en 8’53’’37.

A l’image de la championne d’Europe du 3000 m steeple, Gabriel Tual n’a pas connu un Meeting de Paris aussi fort en émotions que l’an dernier. Sixième en 1’43’’84 d’un 800 m particulièrement « sauvage », avec un premier tour très nerveux pour un peloton composé de treize coureurs, le recordman de France a manqué de jus dans la dernière ligne droite pour se mêler à la lutte pour la victoire, à la différence de l’Espagnol Mohamed Attaoui qui a trouvé l’ouverture à la corde pour l’emporter en 1’42’’73.

Gogois et Seremes prometteurs au triple

A retenir également : les très encourageants 17,11 m (+1.3) de Thomas Gogois (Amiens UC) et 17,08 m (+0.9) de Jonathan Seremes (Stade Bordelais), record personnel, au triple saut, alors que le Jamaïcain Jordan Scott a arraché la première place à son ultime tentative avec 17,27 m (+0.5). Au disque, à distance de l’Américaine Valarie Allman (67,56 m), Amanda Ngandu-Ntumba (CA du Roannais) avec 62,77 m (6e) et Mélina Robert-Michon (Lyon Athlétisme) avec 61,16 m (7e) n’ont pas démérité. Enfin, toujours côté concours, Marie-Julie Bonnin (Stade Bordelais) a dû se contenter de 4,53 m (7e) à la perche, à vingt centimètres de la vainqueure, l’Américaine Katie Moon (4,73 m), malgré le soutien de ses nombreux supporters. La championne du monde indoor a été ovationné au moment de la présentation des athlètes, tout comme Cyréna Samba-Mayela, autrice d’un selfie avec les près de quatre mille enfants ayant pris part à la fête des clubs, avant d’être présentée au public.

Côté international, les temps forts de la soirée sont venus des hurdlers américains, avec les records du meeting de Grace Stark sur 100 m haies, en 12’’21, et le champion olympique Rai Benjamin sur 400 m haies, en 46’’93. Le 400 m féminin n’avait, lui non plus, jamais été aussi rapide, avec les 48’’81 de la Dominicaine Marileidy Paulino.

La rédaction

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