Chaque jour, retrouvez ici une présentation d’un ou une athlète ayant marqué une édition des Jeux olympiques de son empreinte. Records du monde, collections de médailles et exploits de légende seront au menu cette rubrique. En ce jour où les sprinteurs vont s'expliquer lors de la grande finale du 100 m, revenons un instant sur la première grand star du sprint mondial. A une période où la géo-politique commence à prendre une importance croissante dans l'environnement des Jeux olympiques, l'Américain Jesse Owens devient malgré lui le symbole d'une lutte contre l'autoritarisme xénophobe qui sera magnifiée quelques années plus tard. Lorsqu'il se présente aux Jeux de Berlin en 1936, Jesse Owens est auréolé de ses six records du monde battus ou égalés dans une même journée (100 yards, 220 yards, 200 m, 220 yards haies, 200 m haies et saut en longueur), le 25 mai de l'année précédente. Il avait d'ailleurs été le premier homme au monde à sauter à plus de 8 m à cette occasion. Dans la capitale allemande, Owens remporte tout d'abord le 100 m dont il est le grand favori, puisqu'il a battu son propre record du monde dès les quarts de finale, mais avec un peu trop de vent (+2,2 m par seconde). La deuxième épreuve, la longueur, est tout sauf une partie de plaisir. Alors que la ligne de qualification pour la finale est placée à 7,15 m « seulement », Owens mord ses deux premiers essais. Sur les conseils de son concurrent allemand Luz long, il rallonge sa course d'élan et se qualifie de justesse pour la finale. Lors du concours décisif, Owens mène la danse de bout en bout, mais Long revient à sa hauteur au cinquième essai à 7,87 m. Poussé dans ses retranchements, l'Américain claque 8,06 m à son dernier essai pour s'assurer de son deuxième titre. Le 200 m est le chef d'oeuvre de James Cleveland Owens, surnommé Jesse par son institutrice qui avait du mal de comprendre l'accent sudiste du natif de l'Alabama. Sur la cendrée berlinoise, Owens explose le record du monde, en 20''7, reléguant son plus proche poursuivant à quatre dixièmes de seconde. Il s'agit là de l'écart le plus important de l'histoire entre un roi et son dauphin sur la distance, avant qu' Usain Bolt ne batte ce record à Pékin en 2008. A l'origine, Jesse Owens ne devait pas courir le relais 4x100 m, mais il y est adjoint à la dernière minute, après que deux relayeurs américains de confession juive ont été écartés de l'équipe américaine, pour des raisons incertaines. Initialement opposé à cette décision, Owens prend le départ de la course, et lance parfaitement le relais US, qui égale le record du monde en séries avant de le descendre pour la première fois sous les 40 secondes (39''8) en finale. Quadruple médaillé d'or lors d'une même olympiade, Jesse Owens n'est que le deuxième a réussir cet exploit, puisque son compatriote Alvin Kraenzlein avait remporté le 60 m haies, le 110 m haies, le 200 m haies et la longueur à Paris en 1900. Mais Owens devient le premier à marquer l'imaginaire populaire par ses exploits olympiques. Nul doute que la position dans laquelle se trouve l'Américain à ce moment-là n'y est pas étrangère. Hitler voulait faire de ces Jeux une démonstration de ses thèses sur la domination de la race aryenne, et voilà que le public berlinois se retrouve à applaudir en héros un athlète noir. Une polémique courut disant qu'Hitler refusa de serrer la main d'Owens après sa victoire sur la ligne droite du fait de sa couleur de peau, ce que le sprinteur lui-même a toujours réfuté. Il souligna même après-coup la chaleur de l'accueil que lui avait réservé le public de Berlin, alors qu'une fois rentré dans son pays après les Jeux, il n'avait toujours pas le droit de s'asseoir à l'avant des bus qu'il empruntait tous les jours. Même célébré en héros national, Owens n'en restait pas moins un Afro-Américain privé de droits civiques dans une Amérique qui n'avait toujours pas aboli les lois ségrégationnistes. Etienne Nappey pour athle.fr -------------------- 04/08 - C'était il y a... : Carl Lewis au firmament 03/08 - C'était il y a... : Raymond Ewry voit triple |