Les meilleurs entraîneurs de France se sont donné rendez-vous pour alimenter cette rubrique, qui reviendra tous les soirs sur une épreuve de la journée. On y parlera technique, gestion et émotion. L'entraîneur historique de l'avant-dernier champion olympique français, Maurice Houvion, vous livre ses impressions sur le sacre du nouveau champion olympique français, Renaud Lavillenie.

Comment avez-vous vécu ce concours ?
C'était un superbe concours, on ne pouvait pas avoir une histoire plus prenante ! C'était presque de la fiction. On est passé de la confiance maximum du début de concours, quand Renaud franchit toutes ses barres au premier essai, à l'angoisse. Lorsque Renaud a sauté 5,85 m à son premier essai, j'ai dit à mon épouse que l'affaire était pliée. Que les deux Allemands réussissent 5,91 m dès leur premier essai était stupéfiant. Enfin, ce dénouement extraordinaire. C'est un moment fabuleux et privilégié d'une vie.

Croyiez-vous le perchiste tricolore capable de passer 5,97 m à son dernier essai ?
Renaud est le meilleur perchiste du monde actuellement. Il a remporté tous ses concours cette année à part les deux derniers, mais c'étaient des 'concours à la con' (sic). Cela donne une grande confiance, et le sentiment que tu es invincible. Mais malgré tout, quand tu es placé face à une alternative comme celle-là, tu ne peux pas t'empêcher de douter. Ça a été un moment terrible. C'est d'ailleurs ce que j'avais dit à Damien Inocencio, que j'ai eu au téléphone avant la finale : 'prépare toi à vivre un moment d'angoisse formidable !'

Cela nous a évidemment rappelé des souvenirs d'il y a seize ans...
Ah oui, Trandenkov aussi avait essayé 6,02 m à Atlanta, mais il n'y avait pas mis les pieds ! On se souvient tous de Jean Galfione, caché sous sa serviette pour ne pas voir le Russe sauter. Ce sont des moments fabuleux et privilégiés d'une vie. Je pourrais vous en réciter chaque seconde... Ce soir, je suis très content, je suis heureux. Je ne peux pas m'empêcher, avec ma fibre de perchiste, de penser que les deux derniers champions olympiques français sont des perchistes. C'est une famille très unie, où toutes les générations se tiennent par la main.

Comment avez-vous trouvé le saut de Renaud à 5,97 m ?
Il passe, et de belle manière ! Techniquement c'était un meilleur saut qu'à Helsinki, où il avait touché la barre à 5,92 puis 5,97. Là il ne touche pas du tout. Et c'est tout de même la quatrième meilleure performance dans sa carrière. La troisième en plein air aussi, alors qu'il semblait y avoir un peu de vent en début de concours.

Avez-vous été surpris de l'élimination précoce de Steve Hooker et Brad Walker ?
J'étais étonné de voir Hooker à Londres, après ses deux ans de galère psychologique, à se battre contre la peur. Quand il a passé 5,60 m en qualifications, j'ai pensé qu'il s'était retrouvé. Finalement, il a été repris par ses vieux démons, et n'a engagé qu'un seul saut. Quant à Walker, je pense qu'il aurait pu être extrêmement dangereux, au même titre que les Allemands, car il met des valises à chaque saut à 5,65 m mais retombe sur la latte par manque de déplacement vers l'avant. Cela signifie que sa technique en bas manque de fluidité, que son enchaînement était un peu coincé. Cela peut être dû à peu de vent de face, ou à une erreur technique. 

Etienne Nappey pour athle.fr

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