Ce week-end, quelque 10 000 spectateurs sont attendus dans le paisible bois de Thouars, à Talence, près de Bordeaux. Pour sa 37e édition, le Decastar, sommet de la saison d’épreuves combinées, table sur un plateau somptueux, en particulier côté féminin. et sur quelques surprises que les organisateurs réservent au public.

Les saisons passent, les championnats du Monde comme les Jeux olympiques s’égrènent, mais la tradition demeure. Chaque fin de saison, le landernau des épreuves combinées migre des quatre coins du monde vers la cuvette du stade de Thouars, niché au cœur du bois du même nom. A Talence, près de Bordeaux, le Decastar signe depuis 1976 la fin de la saison d’athlétisme, en même temps que la grande fête des combinées. Plaziat, Thompson, O’Brien, Dvorak, Sebrle, Barber, Colonvillé, Lewis, Dobrynska, Chernova y ont fait parler la poudre, établi des performances immortelles voire des records du monde dans une ambiance unique. L’édition 2012, ces 15 et 16 septembre, ne devrait pas détonner. « Oui, tout se présente bien, même si c’est toujours très difficile après des Jeux olympiques, regrette en réglant les ultimes préparatifs Jean-Paul Durand, président de l’ADEM, l’association qui porte l’événement. Physiquement et mentalement, les athlètes sont fatigués. Les médaillés olympiques sont euphoriques, les autres sont catastrophés… » Il n’empêche : le plateau a de quoi attirer une fois de plus la grande foule autour de la piste de Talence.

Illustration chez les femmes, où la compétition réunira quasiment l’intégralité des finalistes olympiques - la médaillée d’or Jessica Ennis mise à part. Mais de Lilly Schwarzkopf (médaille d’argent) à Tatyana Chernova (3e à Londres), via Antoinette Nana-Djimou (5e), ses dauphines ont répondu présentes. Chernova, double tenante du titre à Talence, vise d’ailleurs le record de victoires dans l’épreuve. « Nous avons quatre athlètes, dont Antoinette qui est très motivée, qui viennent pour la gagne et qui visent d’ailleurs la première place du challenge mondial des épreuves combinées, se réjouit Jean-Paul Durand. Soit une grosse densité entre 6400 et 6750 points. » Chez les hommes, le plateau présente lui aussi quelques cadors. Le Belge Hans Van Alphen, invité de dernière minute en 2011, avait remporté l’épreuve à la surprise générale avant d’échouer d’un souffle au pied du podium à Londres. Oleksey Kasyanov (7e aux Jeux) ou Eelco Sintnicolaas, vice-champion d’Europe 2010, devraient pointer comme ses principaux rivaux - du moins côté étrangers. Car la délégation française sera emmenée par un certain Kevin Mayer, dont la progression cette saison l’a porté au 8e rang des performeurs mondiaux 2012 avec 8415 points. Cinquième français de tous les temps, il peut lui aussi viser la victoire, et entraîner dans son sillage Rudy Bourguignon, et les jeunes Bastien Auzeil (23 ans) ou Jérémy Lelièvre (21 ans), à la lisière des 8000 points cette année.

Reste quelques centres d’intérêt qui ne devraient pas manquer de focaliser l’attention. Parmi eux, la présence sur la ligne de départ d’un certain… Benjamin Compaoré. Sixième des Jeux de Londres et récent auteur de 17,17 m à Riéti, le triple-sauteur a décidé de s’offrir un peu de rab’ avant les vacances. S’il s’est bien essayé aux haies dans sa jeunesse, le champion du monde juniors 2006 du triple-saut n’a pourtant jamais été un combinard… « Mais c’est tout à fait dans la ligne de Talence, rappelle Jean-Paul Durand. En 1976, pour la première édition, Guy Drut était venu concourir après son titre olympique. Plus tard, ce fut Galfione (ndlr : en 1996, après son titre olympique, avec à la clé 5,75 m, la meilleure performance à la perche réalisée au cours d’un décathlon). Là, il y a trois jours, Benjamin m’a dit ‘‘Je voudrais venir’’. Je lui au répondu ‘‘Viens !!’’ ». Et le président de l’ADEM de confier que le plateau a bien failli offrir d’autres surprises. « Ladji Doucouré et Renaud Lavillenie m’avait fait part voilà quelques mois de leur projet de venir concourir cette année, sérieusement, pour se tirer la bourre. Mais Ladji m’a dit voilà une semaine qu’il était trop juste, et Renaud s’est fait aspirer par les suites de sa médaille d’or. Mais ils ont un réel désir de revenir. » Le public pourra se consoler avec la présence de Barbora Spotakova, recordwoman du monde et double championne olympique en titre du… javelot. Ancienne heptathlète junior émérite (elle avait finit 4e des Mondiaux juniors de Santiago en 2000), elle vise une marque proche des 6000 points. Le record du stade, propriété de Nathalie Teppe en 1994 (59,26 m), risque fort de passer à la trappe…

De quoi animer un week-end qui ne souffre de toute façon jamais du moindre temps mort. « A Talence, il n’y a jamais de trou entre les épreuves des grands, lance Jean-Paul Durand. Cette année encore, nous proposerons au public les épreuves de quelque 300 jeunes venus participer à un triathlon, des courses handisport en fauteuil… » Les 8 à 10 000 spectateurs attendus sur place en deux jours auront même droit à une course à l’américaine, série de sprints éliminatoires où le dernier demi-fondeur du lot est invité à quitter la piste. Un format extrêmement spectaculaire dans lequel des pointures telles que Yoann Kowal ou Yohan Durand devraient assurer le show. Et pour ne rien gâcher de la fête, on soulignera que le Decastar a obtenu cette année le label « Developpement durable, le sport s’engage » du CNOSF. Au-delà des efforts fournis sur les matières recyclables ou les transports utilisés par les organisateurs, plusieurs arbres aux noms des athlètes seront plantés à l’automne pour mieux équilibrer le bilan carbone de la manifestation. Mais les spécialistes des épreuves combinées devraient atteindre des sommets bien avant eux, et ce dès ce week-end, sur la piste talençaise.

Cyril Pocréaux pour athle.fr