Clémence Calvin et Hassan Chahdi ont décroché leur deuxième titre national sur cross long au Mans. Très à l’aise dans les labours, même sur un parcours très boueux, ils n’ont laissé aucune chance à la concurrence. Pourtant, leurs dauphins respectifs ont de l’allure, avec l’espoir Jacqueline Gandar et le triathlète Vincent Luis. Sur cross court, les titres nationaux sont revenus à Johanna Geyer Carles et Bryan Cantero, qui ont fait parler leur pointe de vitesse. Retour sur une superbe journée d’athlétisme au cœur de l’hippodrome des Hunaudières, où près de 13 000 personnes avaient fait le déplacement.

Et soudain ce fut le déluge, à quelques minutes de la fin de la dernière course, le cross long masculin. Une pluie bienvenue pour nettoyer des corps couverts de boue de la tête au pied, en passant par des dossards dont le fond blanc immaculé n’était depuis longtemps plus qu’un lointain souvenir. L’eau est la meilleure amie de la course dans les labours. Elle a l’art de transformer un terrain de jeu plat et peu spectaculaire en bourbier géant, sur lequel rejoindre la ligne d’arrivée devient un petit exploit. « On ne courait même pas, on pataugeait », résume Johanna Geyer Carles (Athlé Sud 77), sacrée sur le cross court féminin après avoir pourtant chuté au départ. « C’est la première fois que je disputais un cross aussi boueux, renchérit Clémence Calvin. Il a été à la hauteur de la région et de sa tradition. »

La fondeuse de la SCO Sainte-Marguerite Marseille fait partie de ces athlètes qu’un sol instable et gorgé d’eau n’effraye pas. Au contraire, avec sa foulée puissante et ses jambes charpentées par les heures d’entraînement, elle semble parfois à peine ralentie par la boue. Sur l’hippodrome des Hunaudières, elle s’est donc régalée. Portée par le crédo « Qui m’aime me suive », elle a tout de suite pris les commandes du cross long pour ne plus les lâcher une fois l’écart creusé, avec une victoire en 27’25’’ sur les 7,385 km. Une belle démonstration de force, malgré la superbe prestation de la valeur montante du fond français Jacqueline Gandar (Havre Ac), sacrée chez les espoirs et qui termine dix-huit secondes derrière elle. Le podium est complété par la championne de France 2015 Sophie Duarte (CA Balma) en 28’01’’, alors que le titre revient chez les masters à Christine Bardelle (Alès Cévennes Athlétisme), septième au scratch.

Chahdi, toujours aussi solide
Son homologue masculin, Hassan Chahdi, semble renaître chaque année dans les labours, même s’il a montré l’an dernier qu’il avait aussi les jambes d’un futur grand routard. On avait vu l’athlète de l’EA Centre Isère en retrait il y a une semaine à Aubière, avec une sixième place sur 3000 m lors des France Elite. On l’a retrouvé métamorphosé au Mans, peut-être moins aérien qu’en 2015 aux Mureaux mais l’appui toujours aussi solide. Intelligemment, il n’a pas tenté de suivre les Marocains Othmane El Goumri (Alès Cévennes Athlétisme) et Mohamed El-Aaraby (AS Saint-Junien), au-dessus du lot en 37’58’’ et 38’03’’ sur les 11,645 km. Mais, en 38’36’’, il a été de loin le meilleur Français. Il devance de vingt-quatre secondes l’épatant Vincent Luis (EFS Reims), prétendant au titre olympique en triathlon et auteur d’une magnifique remontée après un départ prudent. La médaille de bronze revient à Morhad Amdouni (Val d'Europe Athlétisme) en 39’07’’, victime d’une violente chute et qui a peut-être payé un départ un peu trop audacieux. Dans la même course, Felix Bour (Athlé 55), enfin épargné par les blessures, décroche le titre espoirs avec une douzième place au scratch.

Palcau impérial
Il fallait bien lacer ses chaussures sur l’hippodrome des Hunaudières, sous peine de finir sa course en chaussettes. De nombreux athlètes en ont fait les frais, à l’image de Jimmy Gressier. Le transfuge du football, licencié à l’Entente Maritime Athlétique 62, a sans doute offert l’image de la journée, en réussissant à rattraper au vol, grâce à un joli saut, une de ses pointes. Finalement médaillé de bronze, il a dû subir, chez les juniors, la loi du vice-champion d’Europe Fabien Palcau (Dijon UC), dont l’aisance sur terrain gras n’est pas sans rappeler celle d’un certain Chahdi. Dans une des courses les plus attendues, avec une densité exceptionnelle de prétendants au podium, la médaille d’argent revient à Anthony Pontier (Clermont Athlétisme Auvergne).
Si Palcau a attendu l’ultime grande boucle pour décrocher Gressier, la triathlète Cassandre Beaugrand (As Monaco) n’a pas fait de détails chez les juniors filles. Au bout de moins d’une minute de course, elle comptait déjà plusieurs mètres d’avance sur la concurrence. Sacrée sans trembler, elle compte déjà quatre titres nationaux dans les labours et reste invaincue aux France de cross.

Une Carrère au sprint
Parmi les moments forts de cette édition 2016, le sprint final entre Claire Carrère (Athlé Sud 77) et la triathlète Bérénice Fulchiron (ASPTT Valence) chez les cadettes restera dans les mémoires. Après avoir résisté aux nombreux coups de butoir de Bérénice, c’est finalement Claire qui a franchi en tête la ligne d’arrivée. Le pôle de Fontainebleau compte un nouveau fleuron à surveiller de près. Côté cadets, le scenario très tactique a logiquement favorisé le pistard Pierre Proust (Serve Bocage AC), auteur d’une attaque tranchante dans les derniers hectomètres de la course. Sur le cross court masculin, le spécialiste du 1500 m Bryan Cantero (AS Aix-les-Bains) a aussi fait parler sa pointe de vitesse. Enfin, chez les masters hommes, Thierry Guibault (Entente Oise Athlétisme) a conservé son titre national en réalisant une course de patron, malgré la résistance de l’inusable Driss El Himer (Strasbourg Agglomération Athlétisme). A voir les visages marqués et les corps en souffrance des coureurs les plus expérimentés à l’arrivée de leur course, ces France de cross 2016 vont laisser des traces. Et pas seulement de boue.

Ils ont dit :

Clémence Calvin (Sco Sainte-Marguerite Marseille), championne de France de cross long : « J’ai voulu partir à mon rythme. L’idée, c’était qui m’aime me suive ! Mon but était de rester relâchée au maximum. Ça a quand même été long vu le parcours. Je n’avais jamais fait un cross aussi boueux. Il a été à la hauteur de la région et de sa tradition. Je pensais que gagner ne me ferait rien car je m’étais déjà imposée sur le « long ». Mais là, ça me fait super plaisir. Une victoire en cross n’est jamais facile. Il ne faut jamais croire qu’on l’a emporté avant d’avoir passé la ligne d’arrivée. »

Hassan Chahdi (Ea Centre Isère), champion de France de cross long : « Je n’ai pas essayé d’aller chercher les deux étrangers, même si ça m’a motivé de les avoir en point de mire. Avec la boue, c’était difficile. Il fallait faire l’effort dès le début et, une fois l’écart creusé, prendre le moins de risques possibles car ça coûtait beaucoup d’énergie. Un titre national en cross a toujours la même saveur. Ce n’est pas le cas pour tout le monde mais, pour moi, c’est quelque chose d’important. Il ne suffit pas de claquer des doigts pour gagner. »

Johanna Geyer Carles (Athlé Sud 77), championne de France de cross court : « Je suis tombée au départ ! Je me suis dit que c’était fini mais j’ai voulu continuer pour l’équipe et j’ai commencé à remonter. J’ai dû brusquement accélérer pour rattraper le peloton. Ça m’a un peu cramée donc j’ai temporisé. Dans le dernier tour, je n’y croyais plus trop. A 200 m de l’arrivée, je me suis dit que c’était le moment ou jamais d’y aller. C’est peut-être le plus beau jour de ma vie. Je ne m’attendais pas à gagner et je reviens de loin. »

Bryan Cantero (As Aix-les-Bains), champion de France de cross court : « Avoir une bonne pointe de vitesse peut servir, surtout sur un parcours comme ça. Je pensais que les appuis étaient meilleurs que ça dans les 200 derniers mètres. Heureusement, j’avais encore de l’énergie. Mon but était de rester scotché au groupe de tête et d’attaquer dans les 500 derniers mètres. Ça s’est passé comme prévu. J’étais un peu dans l’inconnu car je n’avais pas de compétition dans les jambes. En revanche, j’avais du jus. Cette compétition valide le travail hivernal. L’objectif pour la saison estivale, ce sera la qualification pour les Jeux olympiques. J’ai une seconde à gagner par rapport à mon record personnel. »

Claire Carrère (Athlé Sud 77), championne de France cadettes : « J’ai été vachement surprise par mes adversaires. Il a fallu que je m’accroche à la tête pendantles premiers kilomètres pour garder une chance pour le titre. La deuxième, Bérénice, a relancé le rythme à plusieurs reprises. C’était difficile de tenir mais je me suis dit qu’il fallait que je déconnecte et que je donne tout ce que j’avais. Le sprint était dur mais je suis allée jusqu’au bout de moi-même. On a un super coach et une super équipe à Athlé Sud 77, avec des filles que j’admire. Je m’entraîne avec des championnes ! »

Pierre Proust (Sèvre Bocage Ac), champion de France cadets : « La course a été très tactique. C’était le scenario idéal pour moi. Les jambes étaient là et, quand j’ai attaqué, c’est allé tout seul. J’avais confiance en mon finish, surtout avec mes 1’53’’ sur 800 m indoor. Les parties boueuses étaient difficiles, surtout dans le long virage de la grande boucle. Mais les passages avec un sol plus dur permettaient de récupérer un peu. »

Cassandre Beaugrand (As Monaco), championne de France juniors : « J’ai fait la course comme je le sentais et j’ai eu d’assez bonnes sensations aujourd’hui, même si ça n’était pas un parcours qui me correspondait avec ma longue foulée. Mais j’ai su m’adapter. Je ne me suis concentrée que sur moi-même et j’ai kiffé ce moment. Je prends tellement de plaisir en cross. Plus je gagne, plus je suis contente ! Lors des championnats d’Europe de cross en décembre, je n’étais pas super prête. Là, j’étais plus en forme. »

Fabien Palcau (Dijon Uc), champion de France juniors : « Un titre, ça fait toujours plaisir. J’avais à cœur de confirmer mon statut. Je fonctionne beaucoup à l’instinct mais j’avais prévu un premier tour d’observation. Quand je suis parti, ça a suivi. Puis j’ai accéléré à nouveau. Je ne pensais pas gagner avec autant d’avance. J’ai hâte d’être à l’année prochaine pour voir ce que ça va donner chez les seniors. Il me reste un an pour me préparer ! »

Jacqueline Gandar (Havre Ac), championne de France espoirs : « C’est une grande satisfaction. Je n’ai aucun regret car j’ai pris des risques. Je ne pouvais pas aller plus vite. Voir Clémence devant m’a permis d’avoir un objectif en ligne de mire. Ce titre espoirs, c’est une manière de remercier mon coach et les athlètes de mon groupe d’entraînement, qui m’ont fait la surprise de venir m’encourager aujourd’hui. C’était important pour moi de retrouver la confiance, après la déception des championnats d’Europe de cross. »

Christine Bardelle (Alès Cévennes Athlétisme), championne France masters : « Je vous avoue que cette victoire n’a pas trop d’importance pour moi. Ce qui m’intéressait, c’était le classement scratch dans la course élite. Je me suis bien battue mais, dans les parties boueuses, je n’arrivais pas à avancer. J’espérais un meilleur résultat mais ça n’est pas non plus catastrophique. »

Thierry Guibault (Entente Oise Athlétisme), champion de France masters : « L’arrivée a été moins serrée que l’an dernier ! Heureusement pour moi, Driss (El Himer) a craqué et j’ai pu savourer un peu ma victoire. Je savais que j’étais en forme. En plus, c’était un parcours pour moi. Les copains m’appellent le tracteur ! Driss a fait un super boulot. C’est grâce à lui qu’on a creusé l’écart sur Loïc (Letellier). Je suis bien passé dans la boue dans l’avant-dernier tour, à un endroit que j’avais repéré dès le premier tour et où Driss a coincé. C’était un parcours usant. J’ai parfois eu l’impression de me retrouver à l’arrêt, avec les pulsations qui montaient. On gagne aussi par équipes. Je tiens à rendre hommage avec ces victoires à Maxime, un gamin du club de 12 ans qui est décédé cette semaine dans un accident. »

Felix Bour (Athlé 55), champion de France espoirs : « Je voulais remporter ce titre pour repartir du bon pied. Ça faisait quatre ans que je n’avais pas pu faire les France de cross à cause de plusieurs blessures. Avec Maxime (Hueber Moosbrugger), on s’est relayé pendant pratiquement les onze kilomètres. J’ai fait la différence dans le dernier kilo, dans la seule partie avec un sol un peu plus dur où on pouvait accélérer. Le haut niveau seniors, c’est encore le palier au-dessus. Ça passera par plus d’entraînement. »

Khalid Birdaha (Paris Université Club), champion de France handisport : « C’est ma troisième victoire aux France de cross. Je suis resté avec trois autres athlètes pendant un kilomètre puis j’ai pris la tête jusqu’à l’arrivée. C’est mon deuxième titre cet hiver, après le 1500 m espoirs. Le parcours est très dur, gorgé d’eau. Cette course va me de préparatif pour les Jeux paralympiques, pour lesquels j’espère me qualifier sur 1500 m. »

Marina Perrin (Racing Club Nantais), championne de France handisport : « Comme l’an dernier, je gagne. Mais j’ai eu de moins bonnes sensations qu’en 2015. Avec le manque de concurrence chez les filles, c’était galère. Je n’avais personne à qui m’accrocher. Le parcours est assez boueux, avec pas mal de trous. »

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