La troisième et dernière journée des championnats de France Elite 2016 a offert pléthore de résultats de très haut vol, à l’image de Renaud Lavillenie à la perche ou Dimitri Bascou sur les haies. Devant un public très nombreux et connaisseur, plusieurs athlètes en ont profité pour réaliser les niveaux de performance requis pour les championnats internationaux, à tel point que les choix à venir des sélectionneurs pourraient être cornéliens.
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Le Temps Fort |
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Un Bascou d’éclat
L’autre grand moment de cette troisième journée, avec le concours de perche remporté par Renaud Lavillenie (voir ici), s’est joué en deux temps. Lors des séries du 110 m haies, Wilhem Belocian et Aurel Manga ont profité de la dynamique impulsée par Dimitri Bascou pour réaliser tous les deux le niveau de performance requis pour les Jeux olympiques : 13’’30 pour le Guadeloupéen du Stade Lamentin et
13’’33 pour le Montreuillois. Restait à ajouter PML à cette constellation d’étoiles pour la finale, et rassembler ainsi les quatre prétendants aux trois tickets pour les championnats d’Europe et les Jeux olympiques. Le tout dans le même décor que celui qui avait servi à Ladji Doucouré pour établir son record de France en 12’’97 en 2005. L’explication fut à la hauteur des attentes. Dommage que le vent un peu trop favorable (+2,1) ait privé Dimitri Bascou, souverain de bout en bout, d’un nouveau record
personnel en 13’’05. Une petite frustration, mais qui ne perturbait pas plus que cela le champion de France, assuré par la même occasion d’une place aux Jeux. « Ce titre est un petit aboutissement après ma saison hivernale, qui annonçait des chronos dans les alentours de celui d'aujourd’hui. Cette victoire prouve, en tout cas, que je peux tirer mon épingle du jeu avec les meilleurs mondiaux à côté de moi. La qualification pour Rio, c’est super. Je vais vivre mes deuxièmes Jeux olympiques », savourait l’élève
de Giscard Samba-Koundy à l’US Créteil.
Dans la foulée de Bascou, sacré pour la quatrième fois en plein air, Pascal Martinot-Lagarde (ES Montgeron) a fauté sur la septième haies, là où les autres prétendants ont serré les vis. Une erreur suivie d'une fin en roue libre, pour une sixième place en 13’’73. Assez loin de Wilhem Belocian, chronométré en 13’’15, et Aurel Manga, bronzé en 13’’33. Pas de quoi l’inquiéter pour autant. « J’ai voulu envoyer de la cadence dans les intervalles. Du coup, je me sens très rapide,
je me rapproche des haies, et je tape. J’ai déjà connu cela, mais je suis confiant dans le fait que je ne suis pas mort. Je ne sais pas si je mérite mon ticket, mais si je l’ai, je ferai tout pour ne pas décevoir. »
De son côté, le Guadeloupéen, pleinement remis de sa blessure à l’ischio qui avait compliqué sa préparation, pouvait savourer son retour au tout premier plan. « Je suis super satisfait, plus que content. 13’’15, même avec du vent, cela reste une grosse perf avec toutes les galères que j’ai eu. Je commence à m’exprimer. Je n’ai plus mal nulle part, la forme est là, désormais, on laisse couler. Maintenant, il y en a un qui va rester à la maison, c’est la loi du sport. Je croise les doigts. » Aurel Manga
ne disait pas autre chose, à deux pas de son collègue. « Les minima pour Rio, c’est un bon truc à prendre. En séries, j’ai réussi à me concentrer sur mon couloir. Je ne me suis pas précipité. » Un an après avoir rejoint Bascou à Créteil sous les ordres de Giscard Samba-Koundy, celui qui avait pour habitude de doubler sprint plat et haies a trouvé la voie qui mène au plus haut niveau international. Et une nouvelle approche qui porte ses fruits. « J’essaye d’être tranquille et relax. Si je suis pris pour
les championnats internationaux à venir, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, je resterai un bon partenaire d’entraînement pour Dimitri (Bascou) ». Le comité de sélection devra trancher, pour les haies comme pour la perche. Pas de quoi effrayer Ghani Yalouz, le directeur technique national. « Ce sont de beaux soucis, cela signifie que les athlètes sont performants. Il faut y voir du positif. Il y a des choses beaucoup plus graves, je ne suis pas inquiet. Je suis entouré de gens compétents, nous allons
trancher, comme nous l’avons déjà fait, et nous ne nous sommes pas souvent trompés jusqu’à présent. »
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La Perf' |
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Assani Issouf se libère

Jusqu’au troisième essai, Jeanine Assani Issouf a été à la peine. Rattrapée par la pression, celle qui n’avait jamais remporté jusqu’à aujourd’hui un titre élite en plein air a finalement trouvé le déclic grâce à son entraîneur Jean-Christophe Sautour. « Il m’a dit que je devais être la moins stressée de toutes les athlètes, vu que j’avais déjà fait les minima pour Amsterdam et Rio », raconte la triple sauteuse de Limoges Athlé. Des mots qui l’ont libérée, puisqu’elle s’est envolée
à sa quatrième tentative à 14,40 m (+1,1m/s). Une performance synonyme de record personnel, qui lui permet de devenir la neuvième meilleure performeuse mondiale de l’année (la troisième de tous les temps au niveau français, à vingt-neuf centimètres du record de France de Térésa Nzola Méso Ba). Sur sa lancée, elle a conclu son concours par des sauts à 14,21 m et 14,18 m, pour devancer Nathalie Marie-Nely (CA Montreuil 93), deuxième avec 14,01 m, et Rouguy Diallo (Nice Côte d'Azur Athlétisme), troisième avec 13,88 m.
De quoi la rassurer sur sa forme après avoir été victime début juin, lors du meeting Diamond League de Rome, d’une péritendinite à l’insertion de l’ischio droit, celui de sa jambe de cloche. « J’ai dû prendre une semaine de repos après cette compétition et je reçois encore des soins aujourd’hui, confie Jeanine. Mon entraîneur n’arrêtait pas de me dire qu’il me trouvait en forme. Mais je ne le croyais pas trop. Maintenant, je reprends confiance en moi. C’est bon, je suis lancée. » La Française ira
à Amsterdam, début juillet, avec dans le viseur le top 5. Voire « pourquoi pas, un podium ». A coup sûr, elle en a les moyens.
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Le Chiffre |
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20 000
A l’heure du bilan, Bernard Amsalem ne pouvait que se féliciter de l’engouement qu’ont suscité ces championnats de France Elite 2016. « Au total, vingt mille personnes ont assisté à ces championnats au cours du week-end, dont 9000 pour la journée de dimanche, malgré la concurrence de l’équipe de France de foot », a déclaré le président de la Fédération Française d’Athlétisme. Les présents avaient fait le bon choix en privilégiant l’athlétisme en vrai à la balle ronde à la télévision,
puisqu’ils ont pu admirer « les meilleurs championnats de France depuis un moment ».
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Le Coup Dur |
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Diniz met le clignotant
Une tape dans la main de Kevin Campion et Yohann Diniz, qui naviguait au deuxième couloir de l’anneau angevin depuis un bon moment, a arrêté les frais. Le premier kilomètre du 5000 m marche avait à peine été bouclé que le Rémois quittait la course, à la surprise générale. Quelques minutes plus tard, en voyant le recordman du monde du 50 km cracher ses poumons sous la tente placée à côté de la ligne d’arrivée, on comprenait mieux son abandon, dû à des problèmes respiratoires. «
J’ai fait une crise d’asthme d’entrée à cause du pollen », expliquera-t-il quelques minutes plus tard, après avoir repris son souffle. J’avais mal au nez et aux bronches, j’étais asphyxié. J’ai tout de suite préféré m’arrêter plutôt que de me faire mal pour rien. Mais il n’y a rien d’inquiétant. » Yohann Diniz, forcément déçu, aurait aimé s’offrir un nouveau titre national avant de prendre ses quartiers sur les hauteurs de Font-Romeu pour un mois. La bonne nouvelle, c’est qu’il sera à l’abri
du pollen dans les Pyrénées. Il y retrouvera un Kevin Campion (AFA Feyzin-Vénissieux) qui a fait le plein de confiance, en s’imposant en solitaire en 18’59’’46.
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La Belle Histoire |
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Lusine, l’opportuniste

Aymeric Lusine (Entente Poitiers Athlé 86) ne devait pas participer à la finale du 800 m. Eliminé en séries, le Poitevin a dû son repêchage au forfait de Pierre-Ambroise Bosse, fiévreux. En l’absence du tenant du titre et de Paul Renaudie, l’invité de dernière minute a pleinement manœuvré dans l’emballage final d’une course de dupes, où personne n’a réellement pris les commandes. Au terme d’une dernière ligne droite particulièrement accrochée, il a coiffé sa première couronne nationale,
en 1’51’’19. Initialement classé deuxième derrière Sofiane Selmouni (Entente Grand Mulhouse Athé), il a quelques minutes plus tard gravi un cran dans l’échelon du bonheur, après relecture de la photo finish. Il ne faut jamais se fier à sa première émotion.
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Et Aussi |
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Mahiedine Mekhissi aime la piste en tartan du stade Roger et Josette Mikulik d’Angers. Et le public le lui rend bien. Deux ans après ses derniers France, chez lui à Reims, le néo-licencié au Stade Sottevillais a joué la prudence, en restant sagement calé dans le groupe de tête en début de 3000 m steeple, avant de faire parler un finish retrouvé. Suite à son dernier tour bouclé en 58’’ (pour un chrono final de 8’29’’01), avec une aisance qu’on n’avait pas encore vu en 2016, Mekhissi
s’est offert un tour d’honneur pour remercier le public de son appui chaleureux. Très applaudie elle aussi, Alexandra Tavernier a connu plus de frayeurs dans le concours de marteau. L’Annécienne a eu du mal à entrer en jeu et s’est rajouté une pression supplémentaire en voyant Amy Sene (Stade Rennais) puis Laetitia Bambara (Antony Athlé 92) lui passer devant. Mais « comme Mélina » Robert-Michon hier, elle a finalement plié l’affaire au cinquième essai avec 66,73 m. Son compère Jérôme Bortoluzzi
a, pour sa part, tué tout suspens dès le deuxième jet, mesuré à 72,81 m pour devancer Frédérick Pouzy (Stade Sottevillais 76) et Kevin Nabialek (CA Montreuil 93).
Thomas Jordier, jeune papa, a affiché une belle maîtrise sur le 400 m, en finissant fort dans la dernière ligne droite, avant de couper la ligne en 45’’72 devant Mame-Ibra Anne (US Ivry, 46’’07) et Alexandre Divet (US Talence, 46’’13), qui pourraient l’accompagner (avec d’autres) à Amsterdam pour le relais 4x400 m. Pour le quarter-miler de Tremblay AC, la nouveauté viendra de la qualification pour le tour de piste individuel, qu’il a décrochée brillamment avec son chrono du jour. Floria
Gueï (Entente Sud Lyonnais) n’avait pas d’adversaire à sa mesure sur la même distance, et sa performance de 51’’21 traduisait bien l’écart sur ses dauphines et camarades de relais Marie Gayot (EFS Reims, 52’’29) et Brigitte Ntiamoah (52’’31, record personnel). La Lyonnaise est désormais concentrée sur les Europe d’Amsterdam, qu’elle aborde avec un appétit renforcé par sa régularité à son meilleur niveau au cours des dernières semaines.
Le tour de piste avec obstacle a sacré Mamadou Kasse Hann (Montpellier AAM), qui a déroulé en 50’’26 pour contenir le gros retour en fin de course de Ludvy Vaillant (AC Saléen, 50’’64), et Phara Anacharsis (Lille Métropole Athlétisme), en tête de bout en bout et victorieuse en 57''01. La Nordiste est venue à bout de la tenante du titre Maeva Contion (Entente Oise Athlé), qui a terminé en 57’’53, alors qu’Aurélie Chaboudez a dû stopper son effort dans la ligne opposée,
la faute à une pointe à l’ischio.
Jimmy Vicaut, fatigué par l'enchaînement des courses, n'a pas réalisé le niveau de performance requis sur 200 m pour les Jeux olympiques de Rio. Mais il s'est néanmoins offert un premier doublé aux Elite, en coupant la ligne d'arrivée en 20’’62 après sa démonstration de la veille sur la ligne droite. Son dauphin en 20’’69, Mickaël-Meba Zeze (Val de Reuil AC), a grimpé d’une marche sur la boîte après avoir décroché le bronze sur la distance plus courte. Jennifer
Galais a glané l’or dans la version féminine à la faveur d’un chrono de 23’’36, en faisant parler son expérience face à l’espoir Maroussia Pare (US Talence), deuxième en 23’’54.
Elodie Normand (Sco Sainte-Marguerite Marseille) a conservé son titre sur 1500 m en 4’13’’39, faisant la différence dans le dernier tour alors qu’Aurore Fleury (Athlé Sud 77), finalement troisième, avait mené le train jusqu’alors. Mickaël Hanany a ajouté une dixième couronne à sa collection, mais avait dû mal à s’en satisfaire. Avec 2,21 m, le sociétaire de l’EFCVO est resté à bonne distance du niveau de performance pour Rio qu’il convoitait. Jean-Pierre Bertrand (Nantes Métropole
Athlétisme) a confirmé que 2016 était bien l’année de son éclosion. Avec 8,01 m, le nouvel élève de Renaud Longuèvre a devancé son partenaire d’entraînement Kafétien Gomis (Lille Métropole Athlétisme, 7,93 m) et Salim Sdiri (USM Montargis, 7,89 m), autre vétéran des sautoirs qui faisait ses adieux aux championnats de France à cette occasion. Les autres se sont donné rendez-vous à Marseille pour l’an prochain.
A Angers, Etienne Nappey et Florian Gaudin-Winer pour athle.fr
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