Dans la foulée de leur leader Renaud Lavillenie, qui s’est emparé de la meilleure performance mondiale avec 5,95 m, les perchistes français ont offert un superbe spectacle au public angevin. Kevin Menaldo a décroché l’argent avec 5,80 m et Stanley Joseph le bronze avec 5,75 m. Une densité au sommet digne des grandes heures tricolores de la discipline. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ce soir, la perche française compte quatre de ses représentants parmi les huit meilleurs mondiaux aux bilans estivaux. Tout en haut, sur son petit nuage, il y a bien sûr Renaud Lavillenie, qui a enfin pu profiter de bonnes conditions de compétition pour s’élever. A la cinquième place, on retrouve Kevin Menaldo, auteur d’une renaissance spectaculaire après quatre déchirures d’affilée à la jambe droite en quelques mois. Et à la sixième Stanley Joseph, épatante figure montante de la discipline à la technique épurée. Enfin, Valentin Lavillenie est huitième mondial avec 5,71 m, mais il est passé à côté de son concours aujourd’hui, avec un meilleur saut à 5,45 m synonyme de cinquième place. Sous les yeux de spectateurs installés sur les gradins naturels en herbe surplombant le sautoir, les perchistes ont offert « un scenario idéal pour avoir un concours à suspense », dixit Renaud Lavillenie. Après les éliminations de Valentin Lavillenie et d’Alexandre Feger (5es avec 5,45 m), puis d’Axel Chapelle (4e avec 5,55 m), ils n’étaient plus que trois athlètes en lice à 5,65 m. Une hauteur à laquelle Stanley Joseph a frisé la correctionnelle, en ne franchissant la barre qu’au troisième essai. L’athlète de l’EC Orléans Cercle Jules Ferry a ensuite effacé 5,70 m au premier essai, avant de s’y reprendre à nouveau à trois fois à 5,75 m, nouveau record personnel. Kevin Menaldo et Renaud Lavillenie ont connu un concours beaucoup moins chaotique. Le premier, après un échec à 5,35 m dû à un manque de réglages, a réalisé le sans-faute jusqu’à 5,90 m, avec des barres passées du premier coup à 5,55 m, 5,65 m 5,70 m et 5,80 m. Le second a survolé 5,75 m puis 5,85 m, avant d’avoir besoin de deux tentatives à 5,95 m. Il a ensuite échoué par trois fois à six mètres. 
Beaucoup d’émotion pour Menaldo Paradoxalement, la surprise du jour est peut-être la deuxième place de Kevin Menaldo. Le sociétaire de l’Entente Franconville Cesame Val d’Oise a déjà prouvé qu’il était un perchiste de classe internationale, en se classant sixième des Mondiaux de Pékin l’an dernier. Mais il arrivait sans repères à Angers, après plusieurs mois gâchés par des blessures à la jambe droite. La dernière datait d’il y a seulement six semaines. Pour revenir à temps, le perchiste coaché par Gérald Baudouin s’est lancé dans « un parcours du combattant, en attaquant dès le lendemain de (s)a quatrième déchirure la préparation physique ». Il n’a pu recommencer à sauter à plein régime qu’il y a une semaine. Cela ne l’a pas empêché de s’éclater sur le sautoir, avec un élan réduit à seize foulées. « J’ai vraiment sauté avec la hargne, retrace-t-il. J’avais tellement d’envie que les réglages sont venus au fur et à mesure. C’était presque facile. Je me sentais aspiré. Ce résultat, c’est un soulagement. Il y a eu beaucoup d’émotion aujourd’hui. » Même bonheur dans les yeux de Stanley Joseph, qui a plus que rempli son contrat en battant son record personnel le jour J. Depuis le début de la saison estivale, le camarade d’entraînement de Renaud Lavillenie à Clermont-Ferrand a pu enchaîner les meetings en Diamond League face au gratin mondial. Une expérience qui l’a beaucoup aidé. « J’ai pu prendre l’habitude de me confronter aux meilleurs, analyse-t-il. Aujourd’hui, forcément, il y avait de la pression et beaucoup de prétendants. Il ne fallait pas craquer. » Dans sa chambre d’hôtel, hier soir, il a reçu sur son téléphone, jusqu’à 1h du matin, de nombreux textos du recordman du monde. « Il me motivait en me disant : Tu vas prendre ta perche au bout ! Demain, il ne faut pas se louper ! » Visiblement, le message est passé. 
Enfin de bonnes conditions Ce soir, le seul perchiste français assuré de son billet pour les championnats d’Europe d’Amsterdam et les Jeux olympiques de Rio est Renaud Lavillenie, qui a réalisé le niveau de performance requis pour les deux compétitions et décroché le titre national. A Angers, il ne s’est pas seulement contenté de la victoire. Il a aussi amélioré de trois centimètres la meilleure performance mondiale de l’année, détenue jusque-là par l’Américain Sam Kendricks. « J’ai enfin eu des conditions potables pour m’exprimer, savoure-t-il. Et j’ai enfin sauté plus haut en compétition qu’à l’entraînement. Je commençais un peu à ronger mon frein, à force d’être bridé par les conditions climatiques. » Le champion olympique sait qu’il sera accompagné à Amsterdam et Rio par deux perchistes capables, eux aussi, de se mêler à la lutte pour le podium. Ce qu’il n’a pas manqué de souligner : « Au niveau national, c’est très bon. C’est tout bénef’ pour les championnats. La discipline est en forme, c’est plaisant. Un athlète qui a fait les minima pour les J.O. va rester à la maison. C’est malheureux, mais au moins ça montre que la perche française est vraiment très bonne. » Effectivement, c’est ce qui s’appelle avoir des problèmes de riches. A Angers, Florian Gaudin-Winer pour athle.fr |