Pistard, routard, combinard, sauteur, lanceur, jeune, compétition, loisir, haut niveau, découverte, nature, ville. Autant de mots à combiner qui, au sein des près de deux mille clubs, font l’athlétisme en France. Parmi les rouages essentiels de chaque structure, l’entraîneur, quel que soit son profil, occupe une place à part. Athle.fr vous invite chaque mois à la rencontre de ces hommes et femmes de l’ombre. Quinzième épisode avec Serge Debié, 61 ans, entraîneur au Lyon Athlétisme. Le mot passion ne suffit plus. Parlons plutôt d’osmose. Serge Debié fait corps et âme avec l’athlétisme. Il entraîne sur le stade de Lyon-Parilly, il y travaille, il y vit presque. Amoureux de ces objets de lancers qu’il bichonne dans son coin, tel un collectionneur amoureux de pièces rares, il n’en est pas moins toujours à l’affût de la dernière trouvaille pour améliorer ses connaissances et continuer à transmettre. Derrière un discours carré et vivant, se cache la fierté et l’émotion de dizaines d’années de présence sur le terrain. Un engagement récompensé notamment par une médaille d’argent que Mélina Robert-Michon lui a offert indirectement, un jour de 2013 à Moscou. La première d’une série toujours en cours. Sa vie n’a pas changé depuis. Mais, bon sang, que ce jour-là fut bon. Athle.fr : Votre définition de l'entraîneur ? Je suis quelqu’un qui communique ma passion aux athlètes par une présence de tous les instants. Aux dirigeants, en proposant des projets pour l’avenir. Et aux entraineurs, en les aidant à progresser. Je suis évidemment un passionné. Si on ne l’est pas, il faut arrêter. Mais il faut aussi savoir transmettre, car si l’on ne partage pas, ça ne sert à rien. Alors moi, je parle, je propose, j’imagine, et si je peux emmener du monde avec moi, tant mieux. Plusieurs anciens athlètes que j’ai formés sont devenus entraîneurs, certains avec réussite. Ça fait plaisir. Enfin, il faut que l’entraîneur soit sur le terrain, tout en élargissant également son champ de compétences. Il doit toujours avoir un coup d’avance dans ses réflexions, tant sur l’entraînement que sur les structures du club. Entraîneur à Lyon Athlétisme, c'est plus dur qu'ailleurs ? Je ne pense pas que cela soit plus ou moins dur qu’ailleurs. Les contraintes sont différentes, c’est tout. Mais le problème n’est pas là, il faut juste savoir s’adapter et convaincre les gens pour faire aboutir nos projets. Après, le vrai plus de Lyon, c’est que, de benjamin à senior, on peut faire son cursus scolaire dans la ville et ses environs. Cela permet de ne pas perdre trop d’athlètes. Ce qui vous énerve et vous plaît le plus dans votre fonction ? Ce qui m’énerve, ce sont les gens qui ne sont jamais contents, qui n’ont jamais de solutions et qui ne respectent pas le travail des bénévoles. Je suis quelqu’un d’entier, donc on peut se dire ses vérités. Mais après, il faut avancer. Mon vrai bonheur, c’est tout simplement d’entraîner, de communiquer et de transmettre. Franchement, quoi de mieux ? Vous êtes un coach "connecté" ou un entraîneur à l'’’ancienne" ? Je suis un entraineur connecté. Ce sont mes enfants qui m’ont poussé dedans, en 1998. Depuis, les athlètes reçoivent leur plan sur leur téléphone. J’utilise la vidéo quand il y en a besoin, pour réagir très vite. Après, même si je sais ce qui ne va pas, j’aime bien montrer les images à l’athlète sans rien lui dire, afin qu’il comprenne tout seul. Je me méfie du visionnage de vidéos de sportifs de haut niveau. On voit l’image brute, sans connaître l’histoire de l’athlète derrière le geste. C’est un peu facile, alors qu’il y a des heures et des heures de travail derrière. Mais le point positif, c’est que cela montre qu’il n’y a pas une seule méthode et que l’on peut toujours faire autrement. Votre plus beau souvenir ? J’ai eu beaucoup de beaux souvenirs dans ma vie, de la naissance de mes enfants à la médaille d’argent de Mélina Robert-Michon aux Jeux de Rio. Mais finalement, elle était à son niveau au Brésil. Donc la médaille d’argent aux Mondiaux de Moscou en 2013, c’est fort aussi, car c’est la première. Après-coup, j’ai ressenti beaucoup d’émotions. Car aller chercher une médaille dans les lancers, c’est tellement long. Il faut savoir rester humble. J’entraîne Mélina depuis vingt ans, c’est un peu comme ma nièce et je suis assez paternaliste de nature. Donc forcément, on est content de la réussite de son athlète. Mais après tout, le plus beau souvenir, c’est peut-être celui qui va arriver demain. Quelle est votre relation avec les athlètes ? Je suis quelqu’un qui écoute beaucoup les autres, mais je suis exigeant dans l’entrainement car la technique dans le lancer demande beaucoup de rigueur. Le chemin est très long avant d’acquérir une technique stable. On ne vient pas à l’entraînement juste comme ça. Je ne force personne à être là, donc quand on y est, on fait les choses. Le lancer du disque, c’est apprendre une technique particulière avec des problématiques à résoudre. Le geste du discobole est l’inverse de ce que l’on fait dans la vie de tous les jours, où l’on tourne la tête d’abord avant de basculer le buste. Là, c’est d’abord le corps qui tourne vers l’objectif, puis la tête. Mine de rien, ça n’est pas simple. Avez-vous un modèle d'entraîneur, dans l’athlétisme ou dans un autre sport ? Dans ma carrière d’athlète puis d’entraîneur, j’en ai eu plusieurs, de mon premier entraîneur Monsieur Philippe Genin, qui m’a fait découvrir le disque, en passant par Monsieur Michel Thieurmel, entraîneur national, qui m’a invité dans les stages fédéraux, Monsieur Jacques Pelgas, mon père spirituel, qui m’a ouvert les yeux sur le haut niveau, et bien sûr Monsieur Thierry Cristel, avec qui j’échange sur l’aspect technique depuis vingt ans et dont la rigueur m’est précieuse. Trois mots pour définir votre groupe ? Sérieux. Dynamisme. Rigolades. Propos recueillis par Renaud Goude pour athle.fr |