Pistard, routard, combinard, sauteur, lanceur, jeune, compétition, loisir, haut niveau, découverte, nature, ville. Autant de mots à combiner qui, au sein des près de deux mille clubs, font l’athlétisme en France. Parmi les rouages essentiels de chaque structure, l’entraîneur, quel que soit son profil, occupe une place à part. Athle.fr vous invite chaque mois à la rencontre de ces hommes et femmes de l’ombre. Rencontre avec Franck Matamba, 45 ans, entraîneur à l’Entente Sud Lyonnais. L’humain. C’est le premier sujet qu’aborde Franck Matamba. Pas la peine de le mener vers autre chose, on y revient tout le temps. L’entraîneur d’origine gabonaise sait faire preuve de sagesse, d’écoute et de partage. Son discours est rafraichissant et rassurant, teinté de références au siècle dernier qui ont fait leurs preuves et qui ont encore toute leur place en 2017. Athle.fr : Votre définition de l'entraîneur ? C’est un passionné d’athlétisme qui ne compte pas son temps. Il faut aimer les gens, être un peu humaniste. C’est également un éducateur qui doit être à la fois un pédagogue dans la formation des jeunes, un spécialiste compétent et performant pour les athlètes confirmés, un psychologue qui sait écouter et inspirer confiance, et enfin un entraîneur exigeant quel que soit l’âge de l’athlète, car la réussite ne peut pas passer que par le plaisir. Tout cela, bien sûr, doit être accompagné d’une capacité d’adaptation de tous les instants. Entraîneur à l'Entente Sud Lyonnais, c'est plus dur qu'ailleurs ? C’est une grande ville avec pas mal de clubs omnisports de haut niveau, il faut donc se faire une place. Le niveau des athlètes en Rhône-Alpes est un des meilleurs en France, notamment sur le sprint long, mais ça c’est super. Je fais partie de l’ASUL Bron, section locale de l’Entente Sud Lyonnais, mais nous n’avons pas trop de visibilité à Lyon, hormis dans la presse locale, il faut donc exceller au niveau national et international pour exister dans les médias. Ce qui n’est pas simple, c’est que nous dépendons de la municipalité et que la pratique du sport en France repose beaucoup sur l’accès aux installations décidé par l’administration. Nous ne sommes donc pas libres de nous entraîner quand nous le souhaitons. Il faut s’adapter aux horaires. Malgré tout, nous bénéficions aussi d’installations que n’ont pas certaines villes, on ne va donc pas trop se plaindre. Les athlètes étudiants ont la chance d’avoir les universités et le stade dans la même zone, ce qui permet d’aménager et lier sport et études, un double projet auquel je suis attentif. Enfin, il y a encore pas mal de nature à Lyon et aux alentours pour pratiquer l’athlétisme en dehors des stades, ce qui reste très appréciable.

Ce qui vous énerve et vous plaît le plus dans votre fonction ? Ce qui m’énerve, ce sont les fainéants, ceux qui pensent que la quantité suffit à réussir, ceux qui ont tout vu sur internet et se prennent pour des coaches, ou encore ceux qui n’ont pas conscience de l’investissement qu’il faut fournir (hygiène de vie, alimentation saine, alcool, sorties..). Les jeunes d’aujourd’hui cherchent tout de suite les raccourcis pour réussir, ce n’est pas comme ça que ça marche. Symboliquement, il faut prend le temps de s’asseoir au pied d’un arbre et d’écouter les anciens, c’est la sagesse africaine qui parle (rires). Je n’aime pas non plus les blessures, car on est impuissant et on est dépendant du médical, et le rythme scolaire en France, pas adapté à la pratique du sport de haut niveau. Mais j’ai connu et connais encore de réels moments de bonheur dans la complicité et la confiance qui permettent de concrétiser les objectifs fixés avec l’athlète, quel que soit son niveau. Je garde des relations avec certains athlètes que j’ai entraînés jeunes et qui sont devenus adultes et parents, c’est une fierté autant que les médailles obtenues. Enfin c’est un métier de liberté, le jour où je serai blasé, j’arrêterai. Vous êtes un coach "connecté" ou un entraîneur à l'’’ancienne" ? Les deux mais, malgré mon jeune âge de coach, je fonctionne quand même à l’ancienne, au ressenti. Je ne suis pas très fan de tous ces nouveaux gadgets censés apporter une aide technique. Le flair, il n’y a que ça de vrai. Après au niveau de la communication, on n’a pas le choix, il faut vivre avec son temps. Facebook, Twitter, Instagram. Votre plus beau souvenir ? Le premier podium aux France Elite d’Estelle Perrossier en 2014. J’ai revu cette gamine qui venait de la campagne pour s’entraîner à Lyon, tous les efforts qu’elle a consentis. Au début, l’équipe de France paraissait loin. On a vraiment fait un truc à deux. J’ajouterais aussi le titre de championne d’Europe cadettes du 200 m, record de France à la clé, de Marine Mignon en 2016. Elle ne se pose pas de questions. Au bout de deux ans, elle a réussi quelque chose de fort. Quelle est votre relation avec les athlètes ? Il faut de la confiance, du respect mutuel et de l’échange. L’athlétisme n’est pas une science exacte, il faut l’expliquer et le faire comprendre. Mon rôle va être de guider et d’apporter de la sérénité. Au final, il faut que l’athlète s’adapte progressivement à ce que la discipline lui demande et qu’il sente qu’il est allé au bout des choses. Il ne faut pas avoir de regrets. C’est un processus quotidien entre l’entraîneur et l’athlète. Avez-vous un modèle d'entraîneur, dans l’athlétisme ou dans un autre sport ? Je m’inspire souvent des anciens, Jacques Piasenta, Fernand Urtebise, Pierre Carraz, Camille Vial, Jacques Darras. Ils n’ont pas tout pris dans les livres, ils ont innové, créé. Ils représentent pour moi l’humanisme, l’expérience, la science du demi-fond. J’aime aussi ce que j’appellerais la méthode africaine, à savoir s’entraîner un peu « à la dur », on relativise les choses et on y va. Les petits soucis de l’athlète occidental ne sont pas grand-chose à côté de l’athlète africain, alors on arrête de se plaindre et on court (rires). Trois mots pour définir votre groupe ? Rigueur, confiance, plaisir. Propos recueillis par Renaud Goude pour athle.fr |