La FFA vous propose, jusqu’à la fin d’année, son top 10 des grands moments de la décennie 2010-2019. Après les hurdlers ce matin, septième place ex aequo pour Christophe Lemaitre et sa médaille de bronze pleine d’émotions lors des Jeux olympiques, après plusieurs années de galère.

Certaines courses peuvent-elles résumer la trajectoire d’une vie athlétique ? Vous avez deux heures. Christophe Lemaitre a, pour sa part, répondu par l’affirmative à cette question lors des Jeux de Rio 2016, dans la moiteur de l’hiver carioca. En ne lâchant rien, comme d’habitude.

Ce jeudi 18 août, la finale du 200 m a lieu au cœur de la nuit en France, et il faut s’accrocher pour ne pas céder au sommeil devant sa télévision, en cette fin de compétition historique pour les Bleus (six médailles, leur meilleur total depuis 1948). Le sprinter de l’AS Aix-les-Bains a réussi à se hisser en finale, il est au couloir 7. C’est déjà un petit exploit. Après son ascension express - champion du monde juniors en 2008, triple médaillée d’or aux Europe 2010, en bronze aux Mondiaux 2011 -, il a en effet enchaîné les coups durs, trahi par un corps aux muscles aussi fins que fragiles, entrecoupés de quelques timides rebonds. Les années ont passé aussi vite qu’un Usain Bolt lancé pleine balle. Christophe Lemaitre a 26 ans et plus de temps à perdre.

Le Jamaïcain, justement, est placé juste derrière lui, au couloir 6. L’élève de Pierre Carraz et Thierry Tribondeau s’attend donc à sentir rapidement le souffle de la Foudre dans son dos. Bien vu. Au bout d’à peine cinquante mètres, Bolt le déborde. « Quand il m’a passé, ça m’a tué », en rigolera Christophe Lemaitre. Bolt (19’’78) et le Canadien Andre de Grasse (20’’02) s’envolent rapidement devant. Pour le bronze, rien n’est joué. D’abord un peu en retrait, le Français se retrouve au coude-à-coude avec les autres concurrents dans la ligne droite. Il se bat comme un mort de faim, à la bagarre avec le Hollandais Churandy Martina (couloir 8) et le Britannique Adam Gemili (couloir 2). Il se jette sur la ligne les bras en arrière. C’est le cassé d’une vie, ce geste instinctif qui ne s’apprend pas dans les écoles d’athlétisme.

Commence une longue attente, les yeux rivés sur le panneau électronique. Jusqu’à la délivrance, lorsque le Tricolore voit son nom apparaître en troisième position sur le panneau d’affichage. En 20’’12, il termine dans le même centième que Gemili, mais il le devance au millième. Martina, lui, échoue un centième derrière les deux hommes. Le recordman de France du 200 m hurle, joie et rage de vaincre mêlés, et s’écroule au sol, comme terrassé par l’exploit qu’il vient de réaliser.

C’est un Christophe Lemaitre sincère, drôle, émouvant, et même un peu philosophe qui se présente ensuite devant la presse : « Les années de galère m’ont peut-être fait du bien. J’ai eu des moments de doute qui m’ont fait réfléchir. J’ai essayé de me métamorphoser en quelqu’un d’autre pour réussir ce que je devais faire, en vivant ma passion sans me prendre la tête, en m’amusant. » L’athlète est épanoui, l’émotion palpable. Un mois plus tard viendront d’autres confidences, sur la piste en herbe d’Aix-les-Bains : « Grâce à l’athlétisme, j’ai appris à extérioriser mes sentiments, en m’ouvrant un peu plus aux autres. Je suis devenu un autre homme grâce à ce sport. » C’est beau comme du bronze olympique.

La rédaction

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