Pour leur 116ème édition, les championnats de France de cross-country ont fait escale à Roullet Saint-Estèphe, dans le Poitou-Charentes, où près de 3500 passionnés s’étaient donné rendez-vous. La journée a été marquée par le cinquième titre de Driss El Himer et la victoire de Maria Martins sur le cross long. C’est d’ailleurs dans cette discipline que l’équipe de France concentrera ses forces lors des prochains championnats du monde à Saint-Etienne Saint-Galmier, pour lesquels Driss Maazouzi a déclaré forfait.

Et dire qu’il a bien failli ne pas courir du tout. Après trois semaines de repos, Driss El Himer pensait pourtant en avoir terminé avec sa déchirure aux ischios-jambiers. Depuis quinze jours, il avait d’ailleurs repris l’entraînement, mais la douleur s’est réveillée à la veille des championnats de France de cross lors d’un simple footing suivi de lignes droites. «Je ne voulais pas prendre de risques, explique le Marseillais. Ça n’allait pas. J’ai hésité à prendre le départ de la course.» Pourtant, à quelques minutes du coup de pistolet, Driss décide de tenter le coup. «J’ai eu de bonnes sensations à l’échauffement. J’ai fait un tour pour voir, puis je suis parti». Et de quelle manière !

En tête, seuls le Marocain Khalid El Aamri (Olympique de Marseille Athlétisme) et le Kenyan Mugi Gordon Mahugu (Clermont Athlétisme Auvergne) parviennent à le suivre. Après sept kilomètres de course, le trio compte déjà une cinquantaine de mètres d’avance sur le groupe de chasse composé, entre autres, de Bouabdellah Tahri (ASPTT Metz), Abdellah Béhar (Olympiques de Marseille Athlétisme) et El Hassan Lahssini (Alès Cévennes Athlétisme). L’écart se maintient jusqu’à l’abord du dernier tour, quand le Messin se lance dans une spectaculaire remontée. « Je ne savais pas s’il restait un ou deux tours, raconte-t-il. Quand j’ai su qu’il n’en restait plus qu’un, j’ai attaqué. Mais Driss a aussi accéléré au même moment. » Le co-recordman d’Europe du 3000 m steeple (8’’06’’91) dépasse le Kenyan Mahugu, mais il ne peut revenir sur la tête. Devant, El Himer et El Aamri ne relâchent pas leur effort. A plus de 20 kilomètre/heure de moyenne, c’est le Marocain qui franchit la ligne d’arrivée le premier, suivi de cinq mètres par Driss El Himer. Il s’empare ainsi de sa cinquième couronne de champion de France de cross long, après les titres remportés en 1998, 1999, 2001 et 2003. Troisième de la course et deuxième Français, Bouabdellah Tahri peut nourrir quelques regrets de ne pas avoir accéléré plus tôt. Revenu vendredi de son stage au Kenya, il n’avait toutefois aucun repère quant à son niveau de forme. « Il faut dire que ma dernière compétition date des Jeux Olympiques », fait-il justement remarquer. Juste à côté de lui, sur la troisième marche du podium, se tient un vétéran de 42 ans. Tout sourire, Adbellah Béhar savoure en effet sa sélection pour les championnats du monde de cross. « Ce n’est pas une surprise, explique pourtant le Marseillais. L’an dernier, déjà, j’avais été sélectionné mais j’avais dû refuser pour préparer le marathon. Cette année, les Mondiaux de cross, c’est quelque chose d’important pour moi. »
Dans le classement espoir, Stéphane Lefranc (Stade Rennais Athlétisme) devance Jérémy Pierrat (AS Saint-Junien) et Yohan Durand (US Bergerac).

Comme Driss, Bouabdellah et Abdellah, les 33ème Mondiaux de cross, organisés à Saint-Etienne Saint-Galmier les 19 et 20 mars, ont bien souvent été au centre des préoccupations des leaders du cross tricolore sur le parcours «très roulant» de Roullet Saint-Estèphe. Autre sujet important, plus préoccupant celui-là, le froid vif ressenti durant tout l’après-midi dans la banlieue d’Angoulème. Entre deux apparitions souvent fugaces du soleil, les coups de vent glaciaux ont largement émaillé la journée. Et indisposé plusieurs pointures de l’équipe de France. « Fraîchement » rentrée du Kenya, où elle était en stage, Margareth Maury (Clermont Athlétisme Auvergne), finaliste olympique sur 5 000 m et tenante du titre sur le cross long, a subi le contrecoup climatique. Dès la mi-course, la Française d’origine kenyane s’est vue décrochée par le groupe des huit athlètes de tête. Elle termine à la 12ème place, mais figure bien sur la liste des athlètes sélectionnés pour Saint-Galmier. « Elle a eu un « voile noir » au milieu de la course, explique Jean François Pontier, son entraîneur. Je ne suis pas inquiet. Elle tourne bien à l’entraînement. » Devant Margareth, la victoire est revenue à la spécialiste du 1500 m, Maria Martins, sélectionnée aux derniers Jeux d’Athènes. La sociétaire de l’US Tourcoing s’est imposée grâce à une fin de course extrêmement rapide. Et visiblement tellement éprouvante qu’un malaise la cueillera une fois la ligne d’arrivée franchie. Deuxième pour onze secondes, Fatima Yvelain (Olympique de Marseille) devance Rodica Moroianu (Sco Ste-Marguerite Athlétisme) sur le podium. Rkia Chebili (Ouest Yvelines Athlé) et Fatiha Klilech-Fauvel (Sco Ste-Marguerite Athlétisme) suivent dans le classement.  Tandis que Gwendoline Despres (15e), de Haute Bretagne Athlétisme, termine en tête chez les espoirs et Patricia Farget (Athlé St Julien 74) s'impose dans la catégorie des vétéranes

Plus tôt dans l’après-midi, Bouchra Ghezielle (EA Franconville-le-Parisis) s’était imposée sur le court. C’est sur la seule côte du parcours, à l’abord du deuxième tour, qu’elle a creusé l’écart avec sa dauphine du jour, Latifa Essarokh. Comme Julie Coulaud (Coquelicot 42), troisième, Stéphanie Nonotte, Christine Bardelle et Elodie Olivares sont retenues pour le cross court des Mondiaux de Saint-Galmier. En revanche, Latifa Essarokh disputera le cross long. Quant à Bouchra Ghezielle, naturalisée française depuis le 26 janvier, elle a décidé de réprésenter le Bahrein pour les prochaines échéances…

Dès la fin des courses, le DTN Robert Poirier a annoncé les noms des athlètes sélectionnés pour les Mondiaux de cross. Si l’homme en forme de cet hiver, Mokhtar Benhari (Val de Reuil AC Vaudreuil), y figure, ce n’est pas sur la distance qu’il a parcourue en ce dernier dimanche de février. Vainqueur au sprint du cross court devant Gaël Pencréach (CA Montreuil) et Aziz Driouche (A Coureurs de Fond), il disputera le cross long sur l’hippodrome de Saint-Galmier. Après le forfait de Driss Maazouzi, qui souffre d’une lésion de neuf centimètre au mollet gauche, pour le rendez-vous mondial, le DTN a en effet décidé d’associer le Normand à l’équipe de France de cross long afin de concentrer les forces. Mais d’abord, Mokhtar participera au 3000 m des championnats d’Europe en salle, à Madrid, le week-end prochain.

Dans les catégories jeunes, les courses masculines ont été plus disputées. Après un beau coude à coude avec l’Algérien Nouredine Smail (Livry Gargan Athlétisme), le junior Jason Dufresne (USA Liévin) s’impose finalement dans les derniers hectomètres. Tout comme Mourad Hamdouni (Athletic Jeunes Bastia) chez les cadets, vainqueur dans la difficulté de Hassan Chahdi (Arve Athlétisme Bonneville). « J’ai réalisé mon rêve », a confié le Corse après l’arrivée.

Son rêve, Louise Ghesquière (AS Anzinoise Athlétisme) l’avait déjà réalisé l’an dernier, à Saint-Quentin-en-Yvelines. Tenante du titre, la vice-championne de France du 1500 m cadettes s’est offert une nouvelle balade sur les terres picto-charentaises. Elle l’emporte facilement devant Bérénice Basley (AS Tourlaville). Dans la catégorie junior filles, Juliette Benedicto (Canejan Athlétisme) s’impose elle aussi avec beaucoup de marge. La championne du monde junior du triathlon l’emporte devant Franchon Brouillet (GA Haut-Sanois). Enfin, Philippe Rémond (Dijon UC) conserve son titre chez les vétérans, après un raid en Mauritanie il y a 15 jours.

A Roullet Saint-Estèphe, Camille Vandendriessche pour athle.com

Ils ont dit :

Louise Ghesquiere (AS Anzinoise Athlétisme), championne de France cadette 2005 de cross :
« C’est un parcours rapide. Je suis partie vite dès la première côte, et je n’ai pas ralenti dans la descente. Ensuite, j’ai géré mon avance. J’avais étudié le parcours ce matin, avec mon entraîneur. J’avais à cœur de défendre mon titre. »

Bérénice Basley (AS Tourlaville), vice-championne de France cadette 2005:
« C’est parti très vite. Je n’étais pas aussi stressée que l’an dernier, où j’avais terminé 17e. Dès que j’ai vu Louise devant, j’ai su que je ne pourrais pas la rattraper. J’ai quand même tout donné pour conserver ma deuxième place. »

Mourad Amdouni (Athletic Jeunes Bastia), champion de France cadet 2005 :
« J’ai réalisé mon rêve ! Je me suis entraîné comme un dur pour y arriver, cinq jours par semaine. Quand j’ai pris le départ, je me suis tout de suite dit que j’allais devenir champion de France. Grâce au public, j’ai réussi à relancer. C’a été difficile, surtout que j’étais en tête depuis le début. »

Bouchra Ghezielle (EA Franconville le Parisis), championne de France 2005 de cross court :
« Je suis très contente. J’ai couru avec des filles de mon niveau. J’avais déjà gagné les championnats de France de cross en 2002 puis en 2004, mais là c’est la première fois que je suis championne de France puisque je suis française depuis le 26 janvier dernier. J’ai fait la différence dans la côte du deuxième tour. J’ai quand même été gênée par le vent. »

Mokhtar Benhari (Val de Reuil AC Vaudreuil), champion de France 2005 de cross court :
« Tout s’est très bien passé. La course a été tactique. C’est ce qui me fallait. J’ai enchaîné cinq ou six week-ends de compétitions, alors j’avais peur de ne pas avoir assez récupéré aujourd’hui. Je suis resté vigilant pour ne pas laisser partir devant dans le deuxième tour. Je ne voulais pas les lâcher.  »

Gaël Pencréach (CA Montreuil), vice-champion de France 2005 de cross court :
« C’est à la fois une satisfaction, car je gagne ma place pour les championnats du monde, et une petite déception de se faire rattraper sur la fin. Dans le premier tour, j’ai attendu pour ne pas laisser de forces. A 500 m de la ligne, j’ai attaqué, mais je l’ai payé à 30 m de l’arrivée. J’étais encore en tête, quand Mokhtar m’a dépassé. »

Juliette Bénédicto (Canejan Athlétisme), championne de France junior 2005 de cross :
« Après mon expérience des championnats du monde de cross de l’an dernier, où j’étais partie trop lentement, j’ai décidé de partir très vite. Et de voir après… Le parcours m’a plu, il n’y avait pas de boue. »

Jason Dufresne (USA Liévin), champion de France junior 2005 de cross :
« Quand je suis arrivé ici, je savais que j’avais des chances de gagner. Je suis toujours resté devant, et j’ai essayé de me détacher au train. Rapidement, j’ai compris que je pouvais gagner. Ca n’a pas été trop dur. »

Maria Martins (US Tourcoing), championne de France 2005 de cross long :
« J’ai accéléré très fort pour me détacher en fin de course. Je l’ai payé après l’arrivée, avec un malaise, mais ça n’était que passager. J’adore le cross, mais je n’aime pas le froid. J’ai apprécié le parcours, qui ressemblait à un billard. »

Fatima Yvelain (Olympique de Marseille Athlétisme), vice-championne de France 2005 de cross long :
« C’est la meilleure qui l’a emporté. C’est parti très vite, et je n’avais plus de jambes sur la fin à cause de l’acide lactique. Maria a fait la différence sur les 200 ou 300 derniers mètres de la course. La distance (6560 m) lui convenait. Une course plus longue m’aurait avantagée. »

Driss El Himer (Olympique de Marseille Athlétisme), champion de France 2005 de cross long :
« J’ai hésité à prendre le départ de la course à cause de ma blessure aux ischio-jambiers. J’ai repris la course il y a quinze jours, mais hier, lors d’un footing suivi de six lignes droites, j’ai senti que ça n’allait pas. J’ai quand même pris le départ, après un bon échauffement où j’ai eu de bonnes sensations. Durant la course, je n’ai été gêné ni par le froid, ni par le vent. J’ai même couru en débardeur, c’est pour dire ! J’étais trop content d’être en bonne santé. J’ai accéléré après le premier tour. Ce titre est rassurant avant les championnats du monde de cross. »

Bouabdellah Tahri (Athlétisme Metz Métropole), vice-champion de France 2005 de cross long :
« Je suis rentré avant-hier du Kenya. En arrivant, j’ai subi deux chocs : l’un culturel, l’autre thermique. Je suis passé de 30 degrés à -5. C’est ma première compétition depuis les Jeux Olympiques, et mon premier cross depuis les derniers Mondiaux de cross. Je ne savais pas du tout où j’en étais. J’ai voulu rattraper Driss (El Himer) un peu trop tard. J’aurais peut-être pu le rejoindre plus tôt, mais c’est toujours facile de dire ça après coup. J’ai beaucoup bossé le foncier au Kenya, maintenant il faut que je récupère. »

Philippe Rémond (Dijon UC), champion de France vétéran 2005 :
« Je n’étais pas à 100 % de mes moyens aujourd’hui. Je suis encore fatigué de mes dernières compétitions. Je ne pensais pas que la course serait aussi exigeante. Il fallait mettre beaucoup de rythme, et j’ai dû me donner. Heureusement, j’ai été gâté parce qu’il n’y avait pas de boue. Ce matin, j’ai lu dans la presse qu’il fallait que je me méfie de Jean-Christophe (Berthonnaud, deuxième à 7’’). C’était bien vrai. »

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