Malgré les contraintes sanitaires, et dans leur respect, de nombreux clubs et Ligues parviennent à s’organiser pour offrir à leurs adhérents des succédanés de compétitions, en mode interne et fermé. Des objectifs à court terme appréciés par tout le monde comme de véritables bouffées d’oxygène. Rester assis dans son canapé devant son écran peut avoir, c’est rare mais ça arrive, quelques vertus. « J’ai eu l’idée en regardant le biathlon à la télé, se souvient Laurent Delugin, entraîneur de demi-fond chez les jeunes au CA Balma, près de Toulouse. On pouvait très bien courir de la sorte, en faisant partir les plus forts derrière. » L’idée d’un cross interne pour les jeunes était née, et programmée juste après le deuxième confinement. « On a organisé le tout premier début décembre, dans le bois de la Garde, sur une boucle d’un kilomètre à parcourir trois fois. Le maire de la ville nous connaît, il a été tolérant. On faisait partir un athlète toutes les quinze secondes. C’est une formule sympa qui permet de garder la distanciation et de se battre contre soi-même, mais jamais seul. » A trois reprises en tout, une quarantaine de jeunes pousses oranges du CA Balma ont ainsi pu retrouver le goût sucré-salé de la compétition, sur un parcours « bien vallonné, qui fait vite monter dans les tours ». Les adultes venus encourager ou donner un coup de main étaient ravis, les enfants aussi. « Les parents ont vu qu’on jouait le jeu, les spectateurs portaient tous le masque. » Un vrai bol d’air en ces temps de restriction et de couvre-feu. « Ça a vraiment été très bien reçu, au point que je n’ai très vite plus été en mesure d’accepter tout le monde », regrette Laurent. Il y en aura pourtant pour tous, ou presque : prochainement, un nouveau cross interne en contre-la-montre réunira les meilleurs coureurs du club dans un avatar de France de cross. Des meetings pas comme les autres En ces temps étranges et étouffés, de nombreux clubs cherchent le meilleur moyen d’étirer la motivation des leurs. « Pour les jeunes, en particulier, c’est essentiel », pointe Edward Pujar, vice-président du GA Noisy-le-Grand (GANG), en Seine-Saint-Denis. Dans ce club de banlieue parisienne, ce sont les coureurs sur route qui ont lancé l’initiative. « Ils se retrouvaient par groupe de six, selon les consignes sanitaires, pour se tester sur 10 km en bords de Marne, par exemple, puis compiler leurs chronos. On a trouvé l’idée intéressante, et on s’est demandé si on pouvait la reproduire sur piste, pour toutes les catégories. » Les demandes auprès des instances fédérales pour mettre sur pied un meeting officiel se heurtent toutefois aux règles strictes édictées par le gouvernement : les compétitions sont limités aux sportifs professionnels ou inscrits sur les listes ministérielles. « Cela génère beaucoup de frustration auprès des athlètes, surtout les 16-17-20 ans, dont certains ne viennent même plus à l’entraînement… Sans compter celles et ceux qui font régulièrement des championnats de France - on en a une trentaine au club, même si nous n’avons pas de listés - voire qui pourraient prétendre à un podium. » Restait à s’entraîner. Mais justement… « Puisqu’on peut s’entraîner et qu’on a la chance de disposer d’un stade de huit couloirs, qu’est-ce qui nous empêchait de prendre les chronos en remplissant un couloir sur deux pour respecter la distanciation ? Et sur 200 m et 400 m, la distance est imposée dès le départ. Nous avons la chance d’avoir plusieurs juges diplômés qui pouvaient gérer des courses, prendre des chronos manuels. Nous avons un club de 350 licenciés avec de nombreux groupes. Les athlètes étaient heureux de pouvoir se confronter à leurs coéquipiers qu’ils ne voient pas souvent. A un moment, le seul chrono de l’entraîneur ne suffit plus. » A partir de fin janvier, ces meetings internes, sur piste ou hors stade, deviennent réguliers, même si seules les courses sont concernées. « On a testé sur le sprint, ça a fonctionné, on devrait bientôt passer aux concours. On a deux sautoirs de hauteur, quatre pour les sauts horizontaux… » La formule présente la souplesse, au moins, de pouvoir faire concourir ensemble différentes catégories mais aussi garçons et filles de même niveau. Surtout, « les athlètes sont contents. Ils ont un objectif concret. Et tout ça ressoude le club. » Des performances quand même enregistrées Un phénomène qu’ont déjà ressenti de nombreux benjamins et minimes, dans une formule rapidement étendue aux poussins et éveils, dans les clubs qui participent au Défi Athlé mis en place par la Fédération via les ligues régionales. En résumé : une compétition interne, et donc non officielle, mais dont les responsables peuvent enregistrer les résultats sur le site fédéral (voir ici). L’avantage : pouvoir évaluer les performances sous diverses formes (triathlons, classements par épreuves) et comparer ses progrès à ceux des copains des autres clubs qu’on ne peut plus croiser actuellement. « Chaque club s’organise comme il le souhaite, il n’y a pas beaucoup de contraintes, soulignait Alain Bonardi, cadre technique de la ligue Auvergne-Rhône-Alpes, en pointe sur l’initiative, dans le tout récent numéro d’Athlétisme Magazine. Surtout, ces entraînements contrôlés créent une véritable émulation au sein des groupes. Tous les jeunes essaient d’être performants. » Au Saint-Jean-de-Luz-Ciboure Athlétisme, club associé du Pays Basque Athlétisme, on a même eu la bonne idée de mêler convivialité et esprit de compétition, avec un concours de déguisements dans le cadre d’un Défi Athlé pour les poussins et benjamins et d’un Kid’Athlé pour les éveils athlé. Une initiative originale qui a rencontré un joli succès et qui s’inscrit dans la droite ligne des nombreux challenges proposés tout au long de l’année par le club afin d’animer le quotidien des licenciés. Résultat de ce dynamisme : une augmentation du nombre d’adhérents pour le club, malgré le contexte que l’on connaît. Pour l’heure, plus de 6000 performances et quelque 300 compétitions internes ont été organisées dans le cadre du Défi Athlé. Histoire de conserver le goût et la motivation de la compétition. Et d’être fin prêt quand il faudra, un jour prochain, se placer à nouveau sous les ordres des officiels. Cyril Pocréaux pour Athle.fr |