Détenteurs des records de France du mile, grâce à des chronos réalisés à Zurich, Eric Dubus (3’50’’33) et Frédérique Quentin (4’27’’43) reviennent sur ce jour où ils ont inscrit leur nom sur les tablettes. Et donnent de précieux conseils aux licenciés qui prendront part, à partir de ce week-end et jusqu’au 21 mars, au Défi Mile organisé par la FFA.

Quels souvenirs gardez-vous de ce jour où vous avez battu le record de France du mile à Zurich ?

Eric Dubus : Je m’en rappelle parfaitement. C’était en août 1995, on sortait tout juste des championnats du monde de Göteborg. Noureddine Morceli s’y était imposé et avait amélioré plus tôt dans la saison son record du monde du 1500 m. Il avait demandé aux organisateurs de monter un mile pour qu’il puisse s’attaquer au record du monde. Moi, je me sentais en super forme. J’avais même confié à José Marajo, l’entraîneur national de l’époque, que j’allais lui prendre son record de France. Et c’est ce que j’ai fait. J’avais joué la prudence en partant volontairement en dernière position, car je savais que je n’avais pas la capacité de suivre les bases d’un record du monde. Je suis parti sur des allures que je savais réalisables pour moi et j’ai ensuite remonté progressivement le peloton au fil des tours. Au final, je termine à la troisième place après un très beau dernier 400 m, juste derrière Nourredine Morceli (1er) et Hicham El Guerrouj (2e). Morceli n’avait pas battu le record du monde, mais j’avais battu le record de France (en 3’50’’33) et j’étais très satisfait.
Frédérique Quentin : C’était mon premier meeting après les Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. La Russe Svetlana Masterkova venait de réaliser un doublé 800 m-1500 m impressionnant. C’était la grande époque des tops résultats du bloc de l’Est. Du dopage aussi… En tous cas, à Zurich, le mile avait été totalement fou avec un rythme assez dingue. Masterkova avait battu le record du monde (4’12’’56, amélioré en 2019 par Sifan Hassan en 4’12’’33) et, sur seize partantes nous avions été une petite dizaine à battre des records nationaux. Je m’en rappelle parfaitement parce qu’on s’était toutes retrouvées ensuite au contrôle antidopage afin de faire valider nos records (4’27’’43 pour Frédérique Quentin). En revanche, je n’ai aucun souvenir de la place à laquelle j’avais terminé, peut-être entre 8 et 10.

Que représentait cette distance pour vous ?

E.D. : On se disait souvent entre athlètes que les milers étaient de la race des seigneurs. C’était la plus belle des distances, sans doute par son histoire avec Roger Bannister. Il y avait un côté un peu mythique et un engouement certain pour cette course. Encore aujourd’hui, je dois faire partie des cinquante meilleurs (ndlr : 72e en fait) aux bilans mondiaux, c’est honorifique. Pour autant, ce n’est pas une course que l’on disputait souvent, les occasions étaient rares. Au cours de ma carrière j’ai dû prendre le départ de sept ou huit courses seulement en extérieur. Le premier, c’était en cadets ou juniors à Libourne, où l’un de mes premiers clubs organisait un challenge tous les ans en septembre. J’ai dû en faire trois ou quatre là-bas. J’en ai aussi couru deux en salles. Celui de Zurich a finalement été le dernier.

F.Q. : Je faisais peut-être un mile par an. C’était une distance sur laquelle on n’avait pas beaucoup de repères. Assez traitre d’ailleurs, et difficile au niveau de la gestion de l’effort parce qu’on ne pouvait pas se dire que c’était juste 109 m en plus d’un 1500 m. Après, il n’y avait pas non plus un enjeu spécifique sur cette distance, contrairement aux hommes où c’est vrai qu’il y avait cette barrière mythique des quatre minutes avec toute l’histoire des grands duels. Pour moi, le mile, c’est la distance des ‘’Britishs’’.

Quels conseils pouvez-vous donner aux licenciés qui vont prendre part au Défi Mile ?

E.D. : C’est une distance inhabituelle, donc je conseille d’y aller d’abord pour se faire plaisir avec l’objectif de franchir la ligne d’arrivée avec le sourire. Au niveau de la gestion de l’effort, c’est un peu comme un 1500 m, même s’il y a 100 m à faire en plus. Si c’est une première et que l’on connait son record sur 1000 m, on peut partir sur cette base en allant de 4 à 5 secondes moins vite. Par exemple, si on court en 3’30 au 1000 m, on se lance sur une allure comprise entre 3’35 et 3’40 en essayant d’être régulier lors des premiers tours de piste, et on lâche les chevaux sur le dernier 400 m.
F.Q. : C’est vrai qu’on pourrait donner comme conseil de gérer le mile comme un 1500 m, avec juste 109 m en plus à parcourir. Mais ça voudrait dire que le sprint final est beaucoup plus long, donc ce n’est pas possible. Selon moi, il est important d’en garder un peu sous le pied pour finir la course correctement. Ce que j’aimais bien dans le mile, c’est que tu te retrouves à faire 4 tours de 400 m en partant 9 m avant la ligne d’arrivée. C’est un chiffre rond. Et finalement, dans la gestion de l’effort pour les non spécialistes, c’est peut-être plus facile à gérer. Ils peuvent se dire : « Tu as un tour pour te lancer, deux tours pour trouver ton rythme et un dernier tour pour finir plus vite ».

Propos recueillis par Véronique Bury pour athle.fr
Photos : © Jean-Pierre Durand

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