Journée faste à Nairobi avec le titre mondial de Sasha Zhoya sur 110 m haies - assorti d’un nouveau record du monde faramineux en 12’’72 - ainsi que les médailles d’argent de Maële Biré-Heslouis sur 10 000 m marche et Rose Loga au marteau. Avec d’ores et déjà deux médailles d’or, trois d’argent et une de bronze, la France prend de la hauteur au tableau d’honneur, en cinquième position (quatrième au nombre de breloques) à la veille de la dernière journée d’épreuves.

Le Temps Fort

Sasha Zhoya a tout raflé

« J'avais à cœur de finir en beauté. Il n'y aurait pas eu le titre ici je n'aurais pas été satisfait. Les Europe, les Mondiaux, le record du monde… Là j'ai tout en juniors. Je peux quitter les haies de 99 cm l'esprit tranquille. Je m'étais fixé de faire le meilleur chrono tous temps sur n'importe quelles haies. Il y avait un peu d'incertitude car j'ai des petites gênes dans les jambes et les épaules, mais je sentais que normalement je pouvais faire 12''80 ou même un peu en-dessous. »
Ce sera donc un peu - et même beaucoup - en-dessous pour Sasha Zhoya (Clermont Athlétisme Auvergne), qui avait déjà battu le record du monde juniors du 110 m haies en demi-finales (12''93)… tout en ayant la sensation d'en avoir encore sous les pointes. Vingt-quatre heures plus tard, alors que l’or mondial est au bout de la ligne droite, le départ est encore meilleur, le temps de réaction tout simplement le plus rapide du plateau (0,138), les haies défilent et vibrent à peine sur son passage… et, au bout, il est seul au monde (le second termine en 13’’25), pulvérisant son propre record du monde de 21 centièmes (12''72, +1,0 m/s) et s'offrant un retentissant doublé championnats d'Europe et du monde. 

Quelle meilleure manière de mettre un terme à son cursus junior ? « Je pense déjà à la suite. L'an prochain m'attend un gros changement avec le passage aux haies de 1,067m. Il va y avoir un gros boulot technique à fournir avec mon staff, on le sait. Mais je suis content, avec un bon soulagement, de laisser derrière moi en juniors des choses qui vont rester. »
Erwann Cinna (Athlé 91) dans son sillage fait, à 17 ans seulement, un très beau cinquième de la course (il était sixième aux Europe), avec un chrono de 13’’50 – il abaisse encore d’un centième son record personnel établi pas plus tard que vendredi en demies.

Le Chiffre

1

Comme la première médaille pour la marche française dans des Mondiaux juniors. Elle est l’œuvre de Maële Biré-Heslouis (Pays Saint-Lois Athlétisme) sur 10 000 m, et a la couleur de l’argent. Bras levés en franchissant la ligne en 47’43’’87, la Normande savourait : « L’or était inaccessible (ndlr : la Mexicaine Sofia Ramos Rodriguez l’emporte en 46’23’’01, mieux que le record personnel de Maële), on le savait dès qu’elle est partie. Elle s’entraîne à l’année en altitude et deuxième était la meilleure place possible. Et on s’est livré une belle bataille avec Eliska Martinkova pour cette place. C’était tendu, on se passait l’une devant l’autre à tour de rôle… Je suis heureuse parce que c’est une très belle saison pour moi : l’argent par équipes aux Europe en mai, le bronze en individuel le mois dernier, maintenant l’argent aux Mondiaux… ça commence à faire une belle collection ! »
Cette médaille d’argent met en lumière tout un groupe de marcheurs parti deux semaines durant à Font-Romeu préparer ces Mondiaux africains en altitude : « Ce stage a fait une énorme différence, confirme Biré-Heslouis. On a vu celles qui ont craqué à partir du cinquième kilomètre. C’était un gros ‘plus’ pour jouer le podium. »
Et en effet, les marcheurs français étaient tous dans le coup à Nairobi puisque Dimitri Durand (Paris UC) prend une belle quatrième place sur le 10 000 m (42’47’’58, record personnel amélioré de cinq secondes).
« C’est aussi le meilleur résultat d’un marcheur français aux Mondiaux juniors, souligne Pierre Friteyre, le responsable de la délégation. En fait c’est simple : c’est la première fois que la France a des finalistes en marche. » L’épilogue est cruel en revanche pour Elvina Carré (AS Tournus), disqualifiée dans le dernier kilomètre de l’épreuve (quatrième carton rouge) alors qu’elle était à la lutte pour la quatrième place.

La Décla

« J'ai ressenti plus de stress qu'à Tallinn, sans que j'arrive à m'expliquer pourquoi. Je n'étais pas du tout dans le relâchement. Je ne fais pas de 'perf' au début, je suis troisième, et puis j'ai su me ressaisir pour prendre la deuxième place à mon quatrième essai. Je suis contente parce que j'ai tout donné tout au long de ce concours, je me suis battue. J'aurais pu mieux faire mieux sur la 'perf' en elle-même, mais le marteau est aussi un sport très mental. Les bonnes entrées aident énormément, relâchent le lanceur, mettent la pression sur les autres… Ce n'est pas simple d'inverser la tendance d'un début de concours. Je suis super satisfaite de la manière dont j'ai su aller chercher l'argent. »

De Rose Loga (Athlé Chartres Luce ASPTT Mainvilliers), décrivant sa finale du marteau telle qu'elle l'a vécue. Comme à Tallinn, la Française a pris la deuxième place derrière l'intouchable finnoise Silja Kosonen, meilleure performeuse de la saison (73,43 m, contre 71,09 m à sa dauphine Rose Loga), sélectionnée pour les J.O. de Tokyo et qui a réalisé quatre meilleurs jets de la finale, dont un 71,64 m synonyme de record des championnats. Troisième à mi-concours, Loga de son côté a sécurisé la seconde place à sa quatrième tentative, mesurée à 67,11 m, aux dépens de la Biélorusse Maryola Bukel (65,20 m). 1- Kosonen ; 2- Loga ; 3- Bukel : c'est exactement le podium, dans le même ordre, qu’aux championnats d'Europe le mois dernier !
Estelle Veillas (EA Chambéry) est par ailleurs finaliste grâce à un jet inaugural à 59,80 m (son record personnel est à 62,27 m). « Elle avait été sortie en qualifications aux Europe, ici elle passe les ‘qualifs’ et termine finalement huitième : c’est plus conforme à sa place dans la hiérarchie et c’est bien qu’elle le concrétise », commente Pierre Friteyre.

Et Aussi

Anselmini verra la finale sur 800 m…

Un Bleuet peut en cacher un autre sur 800 m : après Yanis Meziane (Athlé 91) en séries qui était devenu le cinquième junior français le plus rapide de tous les temps sur la distance, c’est Paul Anselmini (Entente Franconville Césame Val d’Oise) qui s’est cette fois mis en évidence ce samedi en décrochant sa place en finale mondiale, record personnel à la clé (1’47’’81, contre 1’48’’00 précédemment). Quatrième de sa demie, il passe au temps et n’aura rien à perdre en finale ce dimanche à 14h30.

… pas Meziane

Une finale à laquelle ne participera pas Yanis Meziane : « Il a marché sur le couloir intérieur en se rabattant, les juges l’ont vu, avaient levé le drapeau jaune… Yanis a compris qu’il serait disqualifié à l’arrivée et la tête a craqué », narre Pierre Friteyre. Le médaillé de bronze des derniers championnats d’Europe s’est relevé aux 600 m et a terminé en marchant, les larmes aux yeux. Mais de la médaille à Tallinn au record personnel à Nairobi, « il n’a pas à rougir de ce qu’il a accompli ces dernières semaines », reprend Pierre Friteyre.

Mihoubi 10e sur 1500 m

Ylies Mihoubi (AS Pierrefitte), enfin, a pris la 10e place de la finale du 1500 m, en 4’00’’63. « Il est à sa place sur cette finale, et même mieux sur l’ensemble du plateau puisqu’il avait le 14e temps d’engagement. Ylies est junior première année, ces deux courses vont lui permettre d’engranger de l’expérience pour l’an prochain. »

Guillaume Willecoq pour athle.fr
Photos : © Jean-Pierre Durand / FFA

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