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L’endométriose, un parcours à obstacles
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L’endométriose, un parcours à obstacles

A l’occasion de la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, athle.fr relaie les témoignages forts d’Iman Jean et Héloïse Kane, anciennes internationales chez les jeunes, parus dans le dernier numéro d’Athlétisme Magazine. Comme elles, une femme sur dix serait atteinte en France par cette maladie chronique invalidante qui s’apparente à une plaie béante pour celles qui en souffrent. Encore méconnue pour beaucoup et avec un diagnostic souvent très long à établir, elle génère des douleurs et traitements qui sont peu compatibles avec la pratique du sport à haut niveau.

Ses douleurs menstruelles n’ont pas toujours été insoutenables, mais voilà « cinq ou six ans » que la situation s’est aggravée pour Iman Jean. « Quand j’étais au collège, j’avais mal, mais un peu comme toutes les filles, c’était supportable », se souvient la spécialiste du 400 m haies, demi-finaliste aux championnats d’Europe espoirs 2019. Et puis, au fil des années, ses maux ont progressé, jusqu’à devenir insupportables. Un point culminant atteint il y a un peu moins de deux ans, à l’aube du premier confinement en mars 2020. « Je ne faisais plus rien de la journée, j’étais incapable de me lever. Au départ, c’était uniquement pendant les règles, et puis les douleurs ont fini par apparaître à n’importe quel moment de mon cycle », explique l’athlète.
Celle qui a grandi dans la périphérie lyonnaise avait pourtant déjà alerté le corps médical sur ce qu’elle vivait. « Quand j’allais voir des gynécologues, on me répondait que c’était normal d’avoir mal, affirme-t-elle. J’ai quand même eu droit à des anti-inflammatoires un peu plus forts que le simple Doliprane. On m’a prescrit de l’Antadys, que je couplais avec du Spasfon. J’ai aussi été mise sous pilule assez jeune, dès la 4ème. Ça m’a soulagée un temps, mais à terme, ça n’a pas stoppé mes douleurs. »
Progressivement, la spécialiste du 400 m haies se découvre d’autres symptômes, en plus des douleurs pelviennes toujours plus intenses : une fatigue chronique, des douleurs pendant les rapports sexuels, des lombaires en délicatesse ou encore des problèmes intestinaux. Sans réponse à ses questions lors de ses rendez-vous médicaux, c’est via le site endofrance.org, du nom de la première association de lutte contre l’endométriose créée dans l’Hexagone, qu’Iman va trouver la clé. Elle raconte : « J’ai comparé mes symptômes à ceux qui y étaient indiqués, je me suis tout de suite dit : ‘’C’est sûr, c’est ça’’ ». Sur le site, elle se procure les coordonnées d’un gynécologue référencé par l’association et prend un premier rendez-vous.

Un diagnostic difficile à établir

« J’en attendais beaucoup et je me suis sentie écoutée et comprise. Il m’a expliqué que l’endométriose était un domaine encore assez vague pour les chercheurs et pour les médecins, notamment parce que la maladie pouvait prendre des formes différentes », se remémore-t-elle, loin d’imaginer, à l’époque, le parcours de diagnostic et de soins, long et pénible, qui l’attendait.
Avec, pour commencer, une IRM. « Le gynécologue m’avait prévenue : ça pouvait ne pas être visible lors de l’examen mais ça ne voulait pas dire que je ne souffrais pas d’endométriose. » Et justement, à l’IRM, « on n’a rien trouvé, souffle Iman. Ça a été assez dur pour moi, c’était très frustrant, j’avais un peu l’impression d’être folle. » On lui conseille alors une nouvelle pilule, à prendre en continu cette fois, pour éviter l’apparition des saignements et donc des douleurs. « Ce n’était pas la solution que j’espérais, mais je l’ai prise quand même », raconte-t-elle.
Sur les conseils de sa mère, infirmière libérale, Iman prévoit un rendez-vous avec un autre gynécologue, afin d’obtenir un deuxième avis. « Après examen, il a envisagé une opération car il estimait qu’il y avait des lésions assez importantes », poursuit-elle. En juillet 2020, l’athlète licenciée à l’Entente Sud Lyonnais subit alors une première intervention : une chirurgie exploratrice. Réalisée via cœlioscopie - une technique servant à accéder à l’intérieur de l’abdomen par de petites incisions de la paroi abdominale - l’opération permet à la fois de réaliser un diagnostic visuel de l’endométriose, non repérée à l’imagerie, et d’intervenir sur les lésions présentes.
« L’endométriose, c’est du tissu d’endomètre, censé rester à l’intérieur de l’utérus, qui commence à se diffuser », précise Marine-Mélia Agbojan, médecin coordinateur de la Fédération Française d’Athlétisme. La maladie apparaît lorsque des fragments de tissus similaires à la muqueuse utérine, l’endomètre, se développent dans d’autres parties du corps : ovaires, vessie, vagin, rectum… Autant d’organes qui peuvent ainsi être touchés. À chaque période de règles, ces tissus anormalement présents réagissent et tentent de saigner, entraînant une inflammation et des lésions à l’origine de ces fortes douleurs, symptôme le plus courant de la maladie.
« Les règles peuvent être douloureuses, mais jamais au point de devoir stopper sa vie sociale ou professionnelle, insiste la médecin. Toutes règles dont les douleurs ne sont pas soulagées par du Doliprane doivent amener à une consultation. » En cas de diagnostic, « le premier traitement, c’est la contraception : la pilule, poursuit-elle. Quand on stoppe la sécrétion hormonale naturelle des règles, les effets de l’endométriose sont censés ne plus apparaître. »

« Mentalement, j’étais au fond du trou »

Dans le cas d’Iman, ce n’était donc pas suffisant. « Quand j’étais cadette, la douleur n’a heureusement jamais pris le dessus en compétition, mais il y a eu des entraînements où je me demandais comment j’allais tenir, témoigne-t-elle. Je me revois dans la Halle Stéphane Diagana de Lyon… J’arrivais à la surpasser mais mes séances étaient forcément moins bonnes. Et puis, il m’arrivait souvent de connaître des nuits blanches lors desquelles il m’était impossible de trouver le sommeil tellement les douleurs étaient fortes. Mentalement, j’étais au fond du trou. »
Suite à l’opération, celle qui possède un record en 57’’96 sur le tour de piste avec obstacles espère pouvoir ranger au placard ces mauvais souvenirs et poursuivre sa progression, avec en ligne de mire les championnats d’Europe U23 à l’été 2021. Pour éviter que des lésions ne réapparaissent, le médecin qui l’a opérée lui conseille de passer à une ménopause artificielle, dès juillet 2020 et pour six mois. « L’objectif, c’était que mes ovaires arrêtent de travailler, pour que je ne récidive pas le temps de la cicatrisation, rappelle Iman. Je ne me suis pas sentie vraiment rassurée mais je voulais essayer. Je ne me suis pas rendu compte que ça allait avoir un impact sur ma vie, aussi bien personnelle que sportive. » Débute alors une période presque surréaliste pour la hurdleuse, à tout juste 21 ans. « Comme les femmes ménopausées, j’ai eu des bouffées de chaleur, des sueurs nocturnes. Surtout, à l’entraînement, je ne me reconnaissais plus ! Au niveau musculaire, il n’y avait plus rien. Je bloquais très vite pendant la séance, comme si je n’avais plus d’énergie. Je ne sentais même plus l’acide lactique monter en moi, j’étais tout simplement bloquée. En fait, je me suis retrouvée dans un corps beaucoup plus âgé que le mien. »
Moins forte physiquement, elle se blesse quelques semaines après sa reprise, en septembre 2020. Ménopausée jusqu’à mi-janvier 2021, ses règles ne réapparaitront qu’en avril. Les douleurs, elles, n’ont pas attendu. Iman le signale lors d’une visite de contrôle en février. Son gynécologue reprogramme une chirurgie exploratrice pour le mois de mars, lors de laquelle il repère de nouvelles lésions. Et lui conseille à nouveau de passer sous ménopause artificielle, qu’elle refuse cette fois.

Des douleurs à en tomber dans les pommes

Ce parcours du combattant médical, d’abord pour diagnostiquer la maladie puis pour tenter d’en réduire les effets, Héloïse Kane l’a également traversé. Médaillée de bronze sur 100 m haies lors des championnats d’Europe juniors en 2013, elle avait, elle aussi, alerté les médecins sur les douleurs dont elle souffrait lors de chaque cycle. « Dès mes premières règles, à 12 ou 13 ans, la souffrance a été très forte, à en tomber dans les pommes, raconte-t-elle. Rapidement, il a donc été question de me mettre sous pilule et d’y associer la prise de médicaments anti-douleurs. Au début, ça s’est bien estompé. » Après plusieurs années de contraception hormonale, elle finit par se faire poser un stérilet en cuivre. « On m’avait prévenue que les six premiers mois seraient douloureux, on m’avait parlé de douleurs de règles classiques, retrace-t-elle, mais ça a été vraiment horrible. À tel point que je pouvais vomir à tout moment, juste en raison de la douleur. Parfois, j’étais incapable de marcher, j’avais de grosses douleurs au niveau du dos, de la poitrine, des migraines... »

La crainte de l’infertilité

Avec des douleurs pelviennes intenses a minima « deux fois par mois, pendant plusieurs jours », l’enchaînement des entraînements à haut niveau était de plus en plus compliqué à encaisser. « L’aérobie, les séances lactiques, ça décuplait la douleur, c’était vraiment horrible. Je me blessais beaucoup alors que j’avais une bonne hygiène de vie, se souvient-elle, non sans regrets aujourd’hui. Je me dis que j’aurais aimé qu’on le détecte plus tôt. On aurait pu adapter mes séances. De mon côté, j’aurais moins culpabilisé de ne pas être bien lors de certains entraînements et je me serais moins empêchée de signaler quand ça n’allait pas. » Pour elle, après une première échographie « normale » , il aura fallu attendre une IRM spécifique pour enfin mettre des mots sur sa maladie. C’était en février 2021. « Il y a très souvent beaucoup de retard dans le diagnostic, qui prend entre six et dix ans, commente Marine-Mélia Agbojan. Les premières règles apparaissent à l’adolescence, mais l’âge moyen du diagnostic se situe entre 20 et 25 ans. »
Au-delà des douleurs et des conséquences quasi quotidiennes, l’endométriose peut aussi être responsable de l’infertilité de certaines femmes. Un poids supplémentaire au-dessus de la tête des personnes et notamment des sportives qui en souffrent. « En tant qu’athlète de haut niveau, tu mets ta vie de femme ‘’reproductrice’’ de côté et ta carrière devient prioritaire. Quand tu es atteinte d’endométriose, tu dois jongler et être tiraillée entre ton souhait de t’accomplir en tant qu’athlète et celui d’être maman un jour », note Héloïse. Ces difficultés de procréation entraînent même parfois le diagnostic. « 30 à 40 % des femmes qui ont des problèmes de procréation ont de l’endométriose, ajoute Marine-Mélia Agbojan. Certaines formes de la maladie sont asymptomatiques et les femmes concernées découvrent qu’elles en sont atteintes en voulant avoir des enfants. »
« Pour l’heure, ce n’est pas encore mon cas, confie de son côté Iman, mais c’est une des choses qui me fait le plus peur avec cette maladie. Avoir des enfants, c’est vraiment quelque chose dont je rêve. Qu’il y ait la possibilité que ça n’arrive pas, c’est assez dur à vivre. J’y pense très souvent, et j’espère que la maladie n’évoluera pas dans ce sens, mais c’est impossible à prévoir. »

Une vie organisée en fonction des symptômes

Partie poursuivre sa carrière sportive aux États-Unis, au sein de la Stephen F. Austin State University, à Nacogdoches (Texas) où elle est entraînée par un coach français, Hadrien Choukroun, avec lequel elle peut évoquer sans difficultés sa maladie, Iman Jean conserve malgré tout une motivation intacte, avec comme objectif affiché une participation aux prochains Jeux olympiques, à Paris en 2024. « Je sais que c’est une maladie dont on ne guérit pas », conclut-elle, alors qu’elle s’apprête à prendre, de nouveau, une pilule en continu.
Héloïse Kane, qui a raccroché les pointes, a décidé de stopper la prise de médicaments ou d’hormones. « Aujourd’hui, je préfère gérer la douleur et maximiser mes chances de tomber enceinte, plutôt que d’avoir des regrets plus tard », explique-t-elle. Résultat, elle organise sa vie en fonction de ses symptômes. « Je connais mon cycle et je m’adapte en conséquence. Je ne prévois pas de gros rendez-vous professionnels certains jours, etc. Et la bouillote est devenue ma meilleure amie », sourit-elle, en espérant qu’à terme, de réelles solutions voient le jour et que le « cycle menstruel soit pris en compte dans les programmes d’entraînement ».
Le 11 janvier dernier, l’endométriose a été reconnue comme affection longue durée (ALD) par l’Assemblée nationale, à l’unanimité, afin de favoriser le remboursement des soins de celles qui en souffrent. La mesure, portée par la députée de la France Insoumise Clémentine Autain, vise à accompagner les femmes atteintes par ces douleurs vives et le plus souvent incurables. Deux jours plus tôt, Emmanuel Macron devenait le premier Président de la République à prendre la parole à ce sujet en France, à travers une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. On y retrouve notamment Sandrine Gruda, médaillée de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo avec l’équipe de France de basket. Iman l’a partagée à ses abonnés : « Je l’ai fait surtout pour que des jeunes femmes puissent mettre des mots sur leurs douleurs ». À court terme, l’impact semble en effet limité. Aucun calendrier ni budget n’a pour l’heure été avancé par le gouvernement.

Marion Canu

Encadrer, prévenir et mieux détecter

Pour informer et favoriser l’accès à une éventuelle prise en charge, l’équipe médicale de la Fédération Française d’Athlétisme organise des ateliers de prévention auprès des athlètes, notamment lors des stages des équipes de France, et mise sur la communication.
« Il faut lever les tabous », insiste Marine-Mélia Agbojan, qui est chargée de la direction administrative du bureau médical de la Fédération et de la surveillance médicale des athlètes sur listes ministérielles. Depuis le mois de novembre 2021, la professionnelle a ainsi décidé d’ajouter « une case suspicion d’endométriose » au volet gynécologique, à cocher justement en cas de doute, dans les dossiers médicaux que transmettent les athlètes à la Fédération.
Au-delà des questionnaires de santé, la cellule médicale de la FFA intervient directement auprès des athlètes. « On était ainsi présents à Liévin lors des dernières vacances de la Toussaint », explique Ma-rine-Mélia Agbojan. Organisé du 24 au 29 octobre, le stage « Potentiel 2028 » y a regroupé 59 athlètes des catégories U18 et U20, dont ceux ayant participé aux derniers championnats d’Europe et du monde juniors. « Dans ce cadre-là, on réalise des interventions spécifiquement réservées à des groupes de filles et on aborde les problématiques du sport au féminin. » Règles, méthodes de contraception, cycle menstruel ou encore incontinence urinaire à l’effort… autant de thèmes qui peuvent être abordés à cette occasion. « On explique bien aux filles de ne pas culpabiliser. On leur rappelle qu’elles ont le droit d’être fatiguées, irritables, d’avoir des douleurs, et que dans ce cas, elles sont tout à fait à même d’adapter leurs entraînements, détaille la médecin. Les cadres techniques y assistent, et cette année les entraîneurs étaient également présents. Ils sont de plus en plus demandeurs de ce type d’informations », ajoute Marine-Mélia Agbojan, qui milite pour une féminisation des méthodes d’entraînement.
Face aux demandes des jeunes athlètes, notamment autour des différents moyens de contraception, l’équipe médicale multiplie les conseils. « On a beaucoup de questions autour de la pilule. On sait que certaines peuvent entrainer des fluctuations de poids importantes, de la tension au niveau de la poitrine, des bouffées de chaleur… On rappelle notamment aux filles de ne jamais débuter un nouveau moyen de contraception en pleine période de compétition », poursuit la professionnelle, bien consciente que tous ces effets indésirables ne sont pas compatibles avec le quotidien d’une athlète de haut niveau.

 

RB
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