Dans l’œil du coach : Bernard Lamitié au Creps de Pointe-à-Pitre | ||||
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![]() Pistard, routard, combinard, sauteur, lanceur, jeune, compétition, loisir, haut niveau, découverte, nature, ville. Autant de mots à combiner qui, au sein des près de deux mille clubs, font l’athlétisme en France. Parmi les rouages essentiels de chaque structure, l’entraîneur, quel que soit son profil, occupe une place à part. Athle.fr vous invite chaque mois à la rencontre de ces hommes et femmes de l’ombre. Rencontre avec Bernard Lamitié, 75 ans, entraîneur de sauts au pôle athlétisme du Creps Antilles-Guyane de Pointe-à-Pitre. Ancien recordman de France avec 16,94 m en 1979, triple médaillé de bronze aux Europe indoor et quintuple champion de France, Bernard Lamitié a marqué de son empreinte l’histoire du triple saut français. Né à Paris et figure de l’ASPTT Limoges pendant sa carrière d’athlète, il a ensuite formé de nombreux sauteurs guadeloupéens et martiniquais de talent aux Antilles. En s’adaptant aux évolutions de l’entraînement et en gardant la fraicheur et l’enthousiasme de ses jeunes années. Votre définition de l'entraîneur ? Il doit avant tout être un bon éducateur, un guide et un exemple, en donnant beaucoup de son temps et de sa personne sans forcément attendre quelque chose en retour. Il doit toujours être à l’écoute de son athlète, sans pour autant être envahissant. Mais de nos jours, la visibilité médiatique a complétement modifié la personnalité de certains entraîneurs qui, à la moindre performance, occupent le devant de la scène à la place de l’athlète, et cela aussi bien en élite qu’au niveau régional. La modestie, la simplicité et la discrétion sont devenues des denrées très rares de nos jours, et c’est bien dommage. Entraîneur aux Antilles, c'est plus dur qu'ailleurs ? Vu l’image paradisiaque que l’on se fait de la Caraïbe, on peut légitimement penser qu’être entraîneur aux Antilles, c’est le lieu idéal. En effet, lorsqu’on a à sa disposition des athlètes naturellement talentueux qui évoluent sous un climat estival à longueur d’année, tout semble facile. Malheureusement, c’est une image de carte postale. Le soleil et le talent sont nécessaires, mais pas suffisants. Aux Antilles, les entraîneurs sont souvent frustrés lorsqu’ils rencontrent un talent naturel, qui est déjà le meilleur sans avoir fourni le travail adéquat. Si l’on ajoute l’étonnante décontraction qui nous caractérise, alors on comprend que ça devient forcément compliqué de mettre en place le côté laborieux et rigoureux d’un programme d’entraînement. Les coaches arrivent bien sûr à sortir des champions. Mais disons que, contrairement aux idées reçues, c’est un peu plus compliqué avec les gens trop doués. Enfin, on a de belles structures, mais qui manquent d’entretien. Mais une fois qu’on a dit ça, il faut aussi voir tout le positif. Et je tiens à dire qu’à partir du moment où nos athlètes ont intégré que le talent ne suffit pas, ils se donnent à fond et sont des bosseurs. Ce qui vous énerve et vous plaît le plus dans votre fonction ? Ce qui m’énerve le plus, c’est le manque de rigueur et d’abnégation à l’entraînement. Quand quelqu’un rechigne à l’effort et, en même temps, veut battre des records, c’est incompatible. Lorsque des consignes sont données par le coach et que certains athlètes ne les appliquent pas volontairement, c’est un manque de respect vis-à-vis du groupe, d’eux-mêmes et surtout de l’entraîneur. A l’inverse, je suis très sensible aux athlètes qui ne loupent jamais un entraînement et à ceux qui sont toujours à l’heure. D’ailleurs, généralement, ce sont les mêmes ! Un athlète volontaire, conquérant et ambitieux, ça me plait, même s’il est moins talentueux que d’autres. Ce qui est grisant, c’est l’incertitude du résultat. Beaucoup de paramètres techniques, physiques et psychologiques influent sur la performance. Malgré tous les progrès de la science et de la technologie, aucun entraîneur ne peut prédire à 100 % le résultat final de son investissement. Vous êtes un coach "connecté" ou un entraîneur ‘’à l'ancienne" ? J’ai battu mon premier record de France il y a 50 ans, c’est donc tout à fait normal que je sois marqué par les années 70, lors desquelles nos méthodes d’entraînement étaient des références mondiales. Lorsque je suis devenu entraîneur à mon tour, il m’est apparu logique de les utiliser. J’ai donc été pendant longtemps un inconditionnel de la méthode dite « à l’ancienne », sans trop de calculs, qui a d’ailleurs porté ses fruits puisque j’ai pu former des athlètes sacrés champions de France dans toutes les catégories d’âge. Bien sûr, il faut connaître les bases de la biomécanique et avoir l’œil. J’ai d’ailleurs utilisé la vidéo pour faire des arrêts sur image et étudier, par exemple, les angles de décollage. Mais comme l’athlétisme évolue, j’ai aussi vite compris que les nouvelles technologies apportaient des avantages non négligeables. Depuis une dizaine années, j’exploite le maximum d’applications numériques pour planifier et organiser l’entraînement. A mon âge, ça n’a pas été facile de me réactualiser et de me mettre à l’informatique, mais je suis un homme de challenges, et j’ai relevé le défi avec l’aide de cette nouvelle génération d’athlètes des années 2000, qui sont tous connectés. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir maîtriser l’ordinateur dans ma vie de tous les jours, tout cela grâce à l’athlétisme. Votre plus beau souvenir ? Chaque titre, record ou sélection est un beau souvenir. Mais j’ai quand même vécu des moments qui sortent de l’ordinaire. Il y a une quinzaine d’années, je suivais un athlète, Stevens Marie Sainte, qui avait quitté sa ville des Ulis (Essonne) pour rejoindre mon groupe au Creps de Pointe-à-Pitre. Il venait de terminer deuxième aux championnats de France cadets à la longueur et n’avait jamais fait de triple saut. Après seulement trois séances d’initiation pour lui apprendre quelques notions techniques fondamentales, je décide de l’accompagner à Fort-de-France, en Martinique, pour un meeting. C’était la première compétition de triple saut de sa vie. Je réduis sa course d’élan à seulement douze foulées pour éviter les blessures. Dès son premier essai, il retombe à 14,50 m, c’est la première bonne surprise. A son troisième, il touche les 15 m, c’est formidable. Et à son cinquième, il atterrit à 15,70 m, ce qui est tout simplement exceptionnel pour un junior complètement novice dans cette discipline. L’année suivante, en 2005, il devient champion d’Europe juniors (ndlr : avec 16,29 m, son record personnel). Le plus incroyable dans cette histoire, c’est qu’après ce premier concours, il était content mais sans plus. Il était juste heureux d‘avoir découvert le triple saut et surtout de m’avoir fait plaisir. A aucun moment, il ne s’est rendu compte de la portée de sa performance. Même aujourd’hui, je suis encore sidéré devant la belle et sincère naïveté de cet athlète en état de grâce, qui a réalisé un petit exploit sans vraiment en prendre conscience. Quelle est votre relation avec les athlètes ? J’ai eu la chance d’entraîner en majorité des athlètes que j’ai suivis depuis leurs débuts. J’ai donc toujours considéré mon groupe comme une famille, dont le socle repose sur la confiance et le respect d’un côté comme de l’autre. Il y a aussi beaucoup de complicité entre nous. A tel point que parfois, lors d’une compétition, un regard ou un geste suffisent pour me faire comprendre. Je fais en sorte d’être souvent présent lors des principales activités qui nécessitent mon expertise, sans pour autant couver les athlètes en permanence. Il faut savoir prendre du recul, les laisser évoluer et se prendre en charge aussi souvent que possible. Je peux être aussi très dur et très exigeant, sans être agressif ou désagréable. Copain avec tout le monde, mais la hiérarchie est là. Avez-vous un modèle d'entraîneur, dans l’athlétisme ou dans un autre sport ? JCelui qui m’a suivi pendant toute ma carrière d’athlète, Monsieur Régis Prost (ndlr : décédé en juin 2020). Il a été mon guide, mon mentor, mon complice et même mon confident. Nous partagions ensemble succès et échecs. Plus qu’un entraîneur, Régis était pour moi un véritable père spirituel. Ce qui bluffait tous ceux qui l’on rencontré et fréquenté, c’était sa faculté déconcertante à rendre toute simple la pratique si complexe du triple saut. Avec lui, tout devenait facile. Il excellait dans l’art de transmettre sa passion. Enfin, son éternelle bonne humeur était fascinante. En pleine séance d’entraînement, il pouvait déclencher régulièrement des crises de fou rire en nous racontant au pied levé sa toute dernière blague. Il faut tout de même souligner que la rigueur dans le travail était toujours au rendez-vous, ainsi que les résultats. Trois mots pour définir votre groupe ? Convivialité. Exigence. Générosité dans un esprit de conquérant. Propos recueillis par Renaud Goude pour athle.fr
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