Pistard, routard, combinard, sauteur, lanceur, jeune, compétition, loisir, haut niveau, découverte, nature, ville. Autant de mots à combiner pour façonner, au sein des près de deux mille clubs que compte la FFA, l’athlétisme en France. Parmi les rouages essentiels de chaque structure, l’entraîneur, quel que soit son profil, occupe une place à part. Athle.fr vous invite chaque mois à découvrir ces hommes et femmes de l’ombre. Rencontre avec Ekaterina Naletova, 29 ans, entraîneure dans l’Essonne, en région parisienne.

La vocation d’entraîner, elle l’a toujours eue. Elle était encore une combinarde active qu’elle apprenait déjà à courir, sauter et lancer aux gamins de son club, l’Elan 91. A présent coach en duo d’un groupe de grands, notamment de Soizick Nlend, championne de France cadettes à la longueur et sur 200m l’été dernier, Ekaterina Naletova inculque le perfectionnement et la persévérance adaptée au niveau de chacun.

Votre définition de l'entraîneur ?

Il y a plusieurs compétences et qualités qu’un entraîneur doit avoir. Tout d’abord, la passion et l’inspiration : le rôle d’entraîneur dépasse la simple transmission de compétences techniques. C’est un mentor, un confident et une source d'inspiration pour tous ceux qui aspirent à atteindre leurs objectifs sportifs. Ensuite, il doit avoir de l'empathie et bien communiquer, c’est-à-dire avoir la capacité à tisser des liens étroits avec ses athlètes, de comprendre leurs besoins émotionnels, savoir comment les motiver, être à l'écoute, s’adapter et créer un environnement propice à leur développement personnel et sportif. La détermination passe par l'exemple : il doit leur montrer la voie pour surmonter les obstacles en les encourageant à persévérer et à repousser leurs propres limites. Enfin, je terminerais par l'influence, c’est l’impact qui va au-delà de la piste d’athlétisme : nous contribuons à forger la confiance en soi, la discipline et la résilience de nos athlètes, des qualités inestimables dans tous les aspects de la vie.

Entraîneur à Palaiseau, c'est plus dur qu'ailleurs ?

Je ne pense pas que ce soit plus dur que dans les autres clubs qui sont comme nous, sans la possibilité de s’entraîner dans une salle en hiver ou d’avoir un espace de musculation. Mais notre présidente Marie Jadbane, ancienne athlète, comprend l’importance des conditions d’entraînements et pour pallier aux manques que cela crée, nous avons tout le matériel qu’il faut pour faire des exercices de renforcement musculaire dehors. J’ajoute que tous les membres du club contribuent à la réussite du club, et il faut souligner l’investissement de nos juges, sans qui on ne pourrait rien.

Ce qui vous énerve et vous plaît le plus dans votre fonction ?

Plus que d’énervement, je parlerais davantage de frustration. Les contre-performances et les épreuves manquées, notamment lors d’épreuves combinées, peuvent être frustrantes pour un entraîneur, surtout si cela se produit lors d’échéances importantes telles que les championnats de France ou les championnats internationaux. Les blessures de certains athlètes font aussi partie des frustrations, surtout lorsque cela se produit hors entraînement. Il y aurait également le manque d’investissement et le non-respect, mais j’ai la chance de ne pas connaître cela avec mon groupe. Côté positif, rien ne satisfait davantage un entraîneur que de voir ses athlètes atteindre leurs objectifs, réaliser de grandes performances et remporter des compétitions. Ce qui me plaît également, c’est de transmettre la passion pour l’athlétisme et être une figure importante dans la vie de mes athlètes en les aidant à se développer personnellement et s’épanouir. J’ai la chance de partager ces moments avec Sébastien Bernardi, mon binôme sur le stade lors des cinq séances de la semaine, au cours de la préparation et de l’ajustement des plans d’entraînement. Nous n’avons pas la même vision de la vie mais la même de l’athlétisme. On se connaît depuis très longtemps, et on se complète bien : je suis la coach un peu dure, lui arrondit les angles. Réussir en duo, ce n’est pas évident, il faut très bien s’entendre et dialoguer, on y arrive parfaitement.

Vous êtes une coach « connectée » ou une entraîneure « à l'ancienne » ?

Un bon mélange des deux. Sur la partie connectée, nous ne pouvons plus nous passer des moyens de communication que sont les réseaux sociaux. C’est un moyen de voir ce qui se fait ailleurs. Nous adaptons les exercices de renforcement ou de pliométrie issus de différents sports, afin de différencier les séances de nos jeunes et les rendre plus motivantes. C’est toujours intéressant de voir ce qui se passe dans d’autres sports qui utilisent d’autres techniques pour l’impulsion ou le renforcement musculaire. Des tutos de kinés sont aussi intéressants pour apprendre des étirements ou des postures à prendre. Nous faisons un gros travail avec notre groupe afin de prévenir les blessures et gérer la fatigue. Ce travail se fait également par le dialogue, afin de savoir si l’athlète est plus fatigué à cause de sa scolarité ou d’une maladie, par exemple. Nous sommes dans l’écoute et l’adaptation.

Votre plus beau souvenir ?

Les championnats de France d'athlétisme cadets-juniors de l’été 2023 resteront gravés dans nos mémoires d’entraîneurs mais également dans celles de nos athlètes. Notre équipe de l’Elan 91 a ramené trois médailles et a présenté des athlètes sur douze disciplines. Les trois jours des championnats venaient conclure cette saison et récompenser tous les efforts consentis lors des séances. C’était également l’occasion de partager leurs joies et leurs peines au fil des épreuves. L'un des moments phares de cet événement a été la performance exceptionnelle de Soizick Nlend au saut en longueur et sur 200m. A la longueur, elle a dépassé toutes les attentes en établissant un nouveau record des championnats avec un saut incroyable à 6,40 m. Cette performance a non seulement ébloui le public, mais a également fait d'elle la deuxième meilleure performeuse française U18 de tous les temps. Et d’être sélectionnée en équipe de France lors des championnats d’Europe U20 à Jérusalem, où nous l’avons accompagnée.

Quelle est votre relation avec les athlètes ?

Ouverte, simple et honnête. Ils se sentent à l’aise de discuter avec nous de leurs préoccupations, de poser des questions concernant leur vie d’athlète ou leur vie de tous les jours. La confiance est mutuelle. Les choix réalisés pour le déroulement de la saison sont faits ensemble. Un autre point important à mes yeux est le respect en toutes circonstances lors des entraînements ou des compétitions. On se voit un peu à l’extérieur, c’est sympa également.

Avez-vous un modèle d'entraîneur, dans l’athlétisme ou dans un autre sport ?

Tatyana Tarasova est une célèbre entraîneure russe de patinage artistique, qui a formé de nombreux patineurs de renommée mondiale. Elle est un modèle dans son sport en raison de son excellence technique, de sa gestion des champions, de son innovation et de son rôle de mentor pour les jeunes patineurs. Elle était connue pour son approche innovante du patinage artistique, introduisant de nouvelles techniques. Elle est la première à avoir proposé autre chose que du patinage dans l’entraînement. Ça m’a beaucoup inspiré. Elle a également développé les qualités de ces sportifs dans la vie en général.

Trois mots pour définir votre groupe ?

Cohésion. Fous rires. Ambition.

Propos recueillis par Renaud Goude pour athle.fr