Rémi Mourié (or à la longueur), Lucas Domergue (argent sur 110 m haies), Auxane Kingue (bronze sur 110 m haies), tous cadets première année mais déjà médaillés, sans oublier Shade Laporal, en argent sur le 100 m : l’athlé français a connu une soirée qui fera date, aux championnats d’Europe cadets de Banska Bystrica (Slovaquie). Et au vu des autres résultats et de la dynamique collective, le feu d’artifice devrait se prolonger sur les deux derniers jours de compétition.

Le Temps Fort

Rémi Mourié, le grand bond en avant

Au moment de s’élancer pour son 5e essai, alors qu’il venait de rétrograder à la 4e place après avoir passé tout le début du concours de la longueur sur le podium, on s’interrogeait : Rémi Mourié allait-il pouvoir gravir à nouveau une marche ? Mais en jetant un œil à son concours, tous les espoirs étaient permis. Le sociétaire du Tarn Sud Athlétisme avait déjà, à ce moment-là, brouillé le sable deux fois à 7,47 m (soit 3 cm de mieux que son record). Et justement : dans un concours d’une remarquable régularité, et avec un camp de base si haut installé, quand ses adversaires n’en finissaient plus de mordre, la perf de pointe pouvait sortir à tout moment. Ce fut le cas, au 5e, donc : avec 7,72 m, il mettait un énorme coup de bambou sur le concours, au moral de ses adversaires, et à son propre record. Même le favori Italien Daniele Inzoli (7,90 m cette saison, mais cinq sauts mordus dans le concours) n’y pourrait rien, devant se contenter de 7,54 m, derrière Rémi et le surprenant Hongrois Aron Adju (7,58 m). Et pour bien montrer que sa perf n’avait rien d’un hasard, le voilà qui récidivait au 6e, avec 7,71 m, faisant à nouveau chavirer de bonheur le clan bleu, dont l'état d'esprit collectif a été souligné par Patrick Gellens. La dynamique est excellente, et on espère qu'elle nous portera à faire mieux encore, se projetait le responsable des équipes de France U18.

Le recordman de France minimes à la longueur l’an passé (7,21 m) n’a donc pas attendu pour briller à l’étage supérieur avec le titre européen, se permettant même de titiller dès sa première année le record de France cadets de Leslie Djhone (7,83 m). Le tout alors que le jeune homme, vainqueur des Pointes d’Or 2023 (quand Lucas Domergue, vice-champion d’Europe sur les haies, avait fini 3e) a continué à goûter aux haies et à la hauteur cette année. L’éclectisme paie, et sans attendre le nombre des années.

La Perf'

Laporal confirme, encore

« Créer la surprise, c’est bien, confirmer, c’est encore mieux » écrivait-on la veille à propos de Shade Laporal, qui avait retranché 15 centièmes à son record en série du 100 m pour ensuite rallier la finale. On n’aura pas mieux à dire, aujourd’hui : car la Francilienne a su rester au même niveau, et même ôter encore un centième à son record, pour s’offrir l’argent sur 100 m en 11’’54. Bien partie, s’appliquant à mettre de la fréquence dans ses foulées du haut de son longiligne gabarit, la jeune femme prenait le temps de déployer sa foulée, sans jamais sembler paniquer, comme si le podium était une évidence. Elle aura toutefois su repousser les assauts de l’Estonienne Mia Ott (11’’62), pourtant meilleure performeuse européenne cette saison, ne cédant que devant la Bulgare Radina Velichkova (11’’46). Trois courses et son chrono d’entrée en lice trois fois explosé : cela valait bien son pesant d’argent, pour ajouter encore un peu de couleur au bilan français de la journée.

Les Promesses

Domergue et Kingue, des jeunes de tradition

Ils sont jeunes, premières années puisque nés en 2008 - comme Rémi Mourié - mais Lucas Domergue et Auxane Kingue ont déjà le sens de la tradition : à peine arrivés en cadets, les voilà qui perpétuent les bonnes habitudes de l’athlétisme français en montant sur un podium international sur les haies hautes. Voilà même Auxane première médaillée française aux Europe cadets !

Dans l’ordre d’entrée sur la piste pour la demie, Lucas Domergue poinçonnait son billet pour la finale sans coup férir (2e en 13’’53, - 1,5 m/s). Avant de nettement hausser le ton en finale : en 13’’34, à deux centièmes de son record personnel établi la veille, il disputait l’or jusqu’à la 8e haie à l’Italien Kyan Escalona, qui s’offrait toutefois la meilleure perf européenne en 13’’22 (+1,1 m/s).

Avec 13’’56 (2e) en demie, Auxane Kingue avançait elle aussi sans trop de peine en finale. Mais la dernière marche promettait d’être nettement plus serrée… Qu’à cela ne tienne : en rabotant de près d’un dixième en 13’’37 son record personnel, la Francilienne imitait son collègue de la LIFA pour arracher le bronze, alors que deux des huit concurrentes chutaient, loin derrière la vainqueure, la Slovaque Laura Frlickova (12’’97). Une promesse, donc : la tradition française a trouvé de nouveaux héritiers.

Le Chiffre

1

Il est des chiffres auxquels on ne veut jamais trop croire, dans un sport qui ne jure pourtant qu’en termes de centièmes, de dixièmes ou de centimètres. Mais voilà, il faut bien l’accepter : Zola Ndouma-Mona a vu la médaille lui échapper sur l’heptathlon pour un petit, un minuscule point. Un verdict d’une cruauté absolue pour la Paloise, installée sur le podium quasi toute la compétition. Au point qu’à l’aube du 800 m final, 2e avec dix points d’avance sur la 3e, l’Anglaise Thea Brown, et près de 200 d’avance sur la 4e, l’Allemande Maria Schnemilich, l’élève de Sébastien Lévicq pouvait même espérer l’argent, quand bien même le demi-fond n’est pas son point fort. Mais au terme d’un double tour de piste où elle aura beaucoup subi en queue de peloton, elle voyait l’Anglaise (finalement 2e au général) mais surtout l’Allemande (3e) s’envoler, pour venir la coiffer sur un fil alors invisible : un point, un seul point - l’équivalent d’un dixième de seconde sur 800 - la séparerait du podium. Alors que la Finlandaise Enni Virjonen raflait l’or avec 6151 points, Zola pourrait peut-être se consoler, un peu, avec un nouveau record personnel : avec 5731 points, elle améliorait de près de 200 points sa marque de référence. Et se dire que la mésaventure, statistiquement, ne devrait plus jamais lui arriver à l’avenir.

Et Aussi

Trois finalistes supplémentaires

Outre les médailles, les finales du jour ont plutôt souri aux Français, même si aucun gros accident n’est à déplorer. On notera entre autres qu’avec 65,41 m au marteau, Candyce Bonjean a accroché une belle 6e place, conforme à ce qu’elle pouvait espérer. 6e place également pour Lenny Pawlowicz, en 13’’90 sur 110 m haies. Toujours sur les haies hautes, qui comptaient donc deux finalistes bleus chez les filles comme chez les garçons, Mahmood Brulbault, qui en demie s’était hissé en finale au temps, devait se contenter de la 8e place (13’’68) du 110 m haies, malgré une bonne première partie de parcours.

Au triple saut, Amayelle Sy de Vaucher (9e avec 12,58 m) et Tessa Clamy (10e avec 12,46 m), qui avaient explosé leur record pour passer parmi les 12, sont restées, d’un rien, aux portes de la finale.

Côté qualifications ? On peut parler de carton plein, ou presque. En net regain de forme à la hauteur, Antoine Antczak a égalé sans trop de soucis son record (2,05 m) pour gagner sa place en finale. Sur 200 m, Ludivine Alverte-Song (24’’46, 3e de sa série) et Beatrice Tassin (3e aussi, 24’’74) ont su elles se qualifier directement à la place.

Le tour de piste, avec ou sans haies, a quant à lui bien réussi aux Bleuets.
Les demi-finales du 400 m ont vu Milann Klemenic s’offrir en 47’’04 un record personnel, le meilleur chrono de tous les demi-finalistes et le meilleur temps européen de l’année. Il jouera clairement le titre, dimanche. L’aventure s’arrête là en revanche pour Rayan Bouhouche, 8e de sa demie en 49’’71. Chez les filles, Victoria Kwarteng, l’autre « K », a également fait fort en explosant son record en 53’’87, victoire et 3e place des qualifiées pour la finale à la clé. Là encore, tous les rêves lui sont possibles.

Avec dix obstacles de plus, Hugo Maubert (53’’22, 1er) a lui passé sans encombre les séries du 400 m haies, tout comme James Curcio (3e en 53’’51), qui aurait sans doute largement fait mieux sans piétiner à plusieurs reprises devant l’obstacle, en particulier le dernier. Il dispose en tout cas d’une grosse marge de progression pour la demie. Alicia Lopez (1’01’’69) est elle aussi qualifiée à la place, tout comme Lalie Pouzancre-Hhoyer (1’00’’60, 2e).

Toujours avec obstacles, mais du genre à ne pas bouger ceux-là, Timeo Ligier s’était de bon matin qualifié pour la finale du 2000 m steeple (7e en 7’56’’02), en accrochant le bon wagon en tête de la course.

Enfin, en séries, les deux duettistes du 800 m, Maxence Coutinho (2e en 1’53’’42) et Nolhan Burgue (3e en 1’55’’00), en maîtrisant parfaitement leurs courses respectives, ont prouvé qu’ils postuleraient bien au podium, à condition de passer le cap des demies.

Comme les autres qualifiés, ils peuvent poursuivre leurs rêves de breloque, histoire d’imiter leurs coéquipiers du jour.

Cyril Pocréaux pour athle.fr
Photos : © Coen Schilderman / FFA

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