Laeticia Bapté a survolé sa série du 60 m haies en 7’’76, record personnel explosé, à seulement trois centièmes de la meilleure marque nationale de tous les temps de Cyréna Samba-Mayela, avant de confirmer en finale en 7’’78. La performance majuscule d’une fin de journée lors de laquelle tout s’est emballé, avec également les 4,67 m de Marie-Julie Bonnin à la perche, record des championnats, et la démonstration d’Azeddine Habz sur 3000 m.

La Perf'

Bapté s’est choquée

Et si le secret pour courir vite était d’attraper un petit virus hivernal ? Le lien de cause à effet n’est pas forcément évident. Mais c’est bien une Laeticia Bapté un peu malade, comme le trahissait sa toux sèche en zone d’interview après ses courses, qui a éclaboussé de toute sa classe le stadium Miramas Métropole, au cours de la première journée de ces championnats de France Elite. En séries, la grande hurdleuse (1,76 m) de l’US Robert a délivré une formidable impression, tout en vitesse et délié. L’énorme écart avec ses adversaires sautait aux yeux et était confirmé par le chrono à l’arrivée. En 7’’76, la Martiniquaise venait d’exploser son tout frais record personnel de six centièmes. Un temps à un souffle du record de France (7’’73) très haut placé de la vice-championne olympique Cyréna Samba-Mayela, qui lui permet de devenir la huitième hurdleuse européenne la plus rapide de l’histoire.

« En séries, je me suis dit : ‘’vu que tu n’es pas trop en forme, donne tout, et après on verra.’’, retraçait celle qui est désormais la meilleure performeuse européenne de l’hiver. Quand j’ai vu le chrono, j’étais choquée. Je ne pensais pas courir en 7’’76 dans ces conditions. Il y a eu un peu d’émotion, mais je commence à avoir l’habitude de devoir rester focus sur la finale. » Un peu moins d’une heure plus tard, elle confirmait sa maitrise en s’imposant en 7’’78, vingt-cinq centièmes devant Sacha Alessandrini (Nice Côte d’Azur Athlétisme), sa quatrième couronne nationale en salle. L’élève de Ketty Cham est plus que jamais une candidate crédible au titre européen. Et même à un podium aux Mondiaux de Nankin, puisque seule la Jamaïcaine Ackera Nugent (7’’75) est allée plus vite qu’elle en 2025.

Le Temps Fort

Bonnin version express

Immense favorite du concours de perche, Marie-Julie Bonnin a tenu son rang sans trembler. La sauteuse du Stade Bordelaise a construit son succès en trois temps, avec une autorité de patronne. D’abord, assurer la victoire à 4,46 m, son entrée en matière, là où sa dernière concurrente Nayah Cauvin (EA Mondeville Hérouville) s’est arrêtée. Puis s’emparer du record des championnats, en domptant 4,67 m dès sa première tentative, avec une belle marge. Enfin, s’attaquer au record de France (4,76 m), avec le soutien de ses adversaires, debout sur le banc sur lequel elle avait passé deux heures, assise, à les regarder se démener aux barres inférieures.

S’il a manqué un peu, trois fois rien, sur son premier essai, la Bordelaise n’avait pas trop de regrets. « J’y ai cru, vraiment ! J’avais d’excellentes sensations, des supers cannes, j’ai hâte de voir les stats, parce que j’allais très vite… » Surtout, MJ a pu prendre de nouveaux repères, lors de son ultime assaut, sur une perche qu’elle n’avait « jamais touchée » auparavant. « Je me rends compte que si je veux aller plus haut désormais, cela passe par prendre des plus grosses perches. Ça me donne confiance pour les prochaines semaines, parce que je sais que j’ai ce qu’il faut dans les jambes et dans mon étui. »  Plusieurs occasions s’offrent à elles, à commencer par le All Star Perche de Clermont, dans une semaine, où les perchistes tricolores ont l’habitude d’aller haut ; puis aux championnats d’Europe d’Apeldoorn (Pays-Bas), pour lesquels elle détient actuellement la deuxième performance continentale avec ses 4,71 m de Roubaix. Et enfin à Nankin (Chine), pour les Mondiaux. Ce samedi, Bonnin a commencé à s’ouvrir les portes d’un autre monde.

Le Chiffre

16

C’est le nombre de points que Célia Perron a gagné sur son total record au pentathlon ce samedi en Provence. La sociétaire de l’ECLA Albi, déjà championne de France en 2021 et deuxième l’an passé, toujours à Miramas, a conquis une deuxième couronne nationale, avec 4471 points amassés. Pourtant, c’est avec les yeux embués des abondantes larmes qui ont coulé après son ultime effort qu’elle s’est présentée devant la presse. L’Albigeoise ne s’en cachait pas, c’est bien les minima pour les Mondiaux (4504 points) qu’elle visait. « Mais avec un poids comme ça (NDLR : 11,79 m), on ne peut pas viser haut », pestait-elle, trois semaines après avoir porté son record à 12,37 m. Un gros concours de longueur (6,10 m) l’a remise en selle, et Perron s’est lancée avec un panache et une détermination louables sur des bases très élevées. Malgré l’appui du public dans le dernier tour, ses jambes étaient trop lourdes, et il a manqué un peu de jus (2’11’’46) et, au final, une trentaine d’unités pour que la native du Morbihan atteigne son objectif.

La Promesse

Habz a bien répété

Abonné à la chasse aux chronos depuis le début de la saison en salle, avec succès comme en témoignent ses récents records de France du 1500 m (3’32’’24), du mile (3’47’’56) et du 3000 m (7’31’’50, depuis amélioré par Jimmy Gressier en 7’30’’18), Azeddine Habz avait besoin de se tester lors d’une course tactique. Contrat rempli sans trembler sur l’anneau bleu de Miramas, avec une victoire en 7’54’’88.

L’enjeu était de taille avec, au départ de la course, quatre athlètes ayant réalisé les minima pour les championnats d’Europe - ils auraient dû être cinq mais Arthur Gervais était finalement non partant-, pour seulement trois billets à décrocher pour Apeldoorn. Après un départ tranquille, le plus jeune des engagés, Aurélien Radja, se chargeait d’accélérer le rythme. Mais c’est dans les trois derniers tours que débutait véritablement la grande explication. Azeddine Habz prenait ses responsabilités en tête, une place qu’il n’allait plus jamais lâcher malgré la belle résistance de Romain Mornet (AC Roch-sur-Yon), 2e en 7’55’’19. La médaille de bronze revenait à un heureux et soulagé Bastien Augusto (Bourges Entente Athlétisme), en 7’56’’43.

« Le but était de disputer une course de championnat, avec une répétition avant les championnats d’Europe en étant en maîtrise, expliquait le vainqueur, qui porte les couleurs du Val d’Europe Montevrain Athlétisme. C’est ce que j’ai fait. J’étais déjà en confiance. Maintenant, je le suis encore plus pour les championnats d’Europe. »

Sur la même distance mais chez les femmes, Sarah Madeleine a fait le spectacle en dégainant à la manière d’un cow-boy dans la dernière ligne droite. La demi-fondeuse de l’US Melun avait fait le trou sur une accrocheuse Philippine de la Bigne (Entente Paris UC Stade Français) au cours des hectomètres précédents. Elle a franchi la ligne d’arrivée en 9’15’’79, avec un peu moins de trois secondes d’avance sur sa dauphine parisienne (9’18’’52). « Philippine m’a quand même tenu la dragée haute assez longtemps, et c’était vraiment bien, parce que ça m’a sorti de ma zone de confort », appréciait l’athlète coachée par Bastien Perraux en banlieue lyonnaise. C’est une bonne répétition pour Apeldoorn, parce qu’il n’y aura pas de cadeaux en Hollande. »

La Décla

« Je me suis promis de ne laisser personne aller chercher mon rêve »

C’est avec un cri plein de rage qu’Antoine Thoraval a célébré sa toute première couronne nationale  sur 60 m, conquise en 6’’62, un centième devant Allan Lagui (EA Cergy Pontoise), chronométré en 6’’58 en séries. Coiffé par Jeff Erius en 2024, le sprinter de poche de l’EA Mondeville Hérouville pouvait savourer sa revanche, après quelques mois pas évidents. « Le chrono est moins bon que l’an dernier, mais je suis champion de France, c’est tout ce qui compte. J’ai été malade plusieurs fois ces derniers semaines, et j’ai eu des soucis personnels au cours des derniers mois. Cette victoire est incroyable, et c’est le début de la reconstruction. »

Son homologue Carolle Zahi (CA Montreuil 93), lauréate de la course féminine en 7’’23, revenait d’assez loin également. Maman depuis 2022, la native de Côte d’Ivoire (30 ans) a passé deux ans à courir après ses jambes de jeunesse, et a retrouvé « petit à petit » les ingrédients nécessaires pour courir vite. Celle qui a couru en 7’’20 cette saison espère désormais retrouver le maillot bleu, pour lequel elle s’était jurée de « ne pas abandonner ».

Et Aussi

Guillaume déréglée mais sacrée

Epatante de régularité l’été dernier, Ilionis Guillaume connaît un hiver moins flamboyant à ce jour. La raison ? « C’est ma course d’élan qui me porte préjudice », reconnaissait aisément la sociétaire du Grand Paris Seine et Oise. Ses différents essais du jour, avec des planches tantôt fort lointaines, parfois mordues dans les grandes largeurs, parlaient pour elle, ou contre elle. Cela ne l’a pas empêchée de triompher de Clémence Rougier avec 13,98 m, égalant sa meilleure performance de la saison. « C’est très frustrant, parce que je me sens bien et forte, je suis sûre que j’ai de bonnes choses dans les jambes. Je ne suis pas inquiète, j’ai du travail à faire pour retrouver mon rythme, mais je sais ce que je vaux », positivait la médaillée de bronze des championnats d’Europe de Rome.

Solène Gicquel (Stade Rennais) n’avait pas non plus les bons réglages pour se hisser plus haut que ses 1,87 m, qui lui ont offert une troisième victoire de rang à la hauteur. La Bretonne pointait un « manque de relâchement » plutôt qu’un manque de physique ou de technique. « J’ai eu l’impression de tout faire à l’arrache, je n’arrivais pas à me lâcher », expliquait-elle. Dans l’aire de poids, Franck Elemba Owaka (EFCVO) a réussi à se réveiller après avoir vu Stephen Louis Mailagi le menacer avec son troisième essai mesuré à 19,37 m. Avec 19,41 m puis 19,54 m lors de son ultime passage dans le cercle, le quatrième des Jeux de Rio (à l’époque où il concourait pour le Congo) a assuré l’essentiel. Dans le concours féminin, Christine Gavarin (Aiglon du Lamentin) a résisté aux coups de boutoirs d’Alexandra Aubry (EFCVO), avec 15,93 m au sixième essai. Elle devra toutefois s’y reprendre encore pour dépasser cette ligne des 16 m autour de laquelle elle tourne depuis un moment (son record est de 15,99 m). A la longueur masculine, petite sensation avec le premier titre du sauteur de l’US Talence Mathis Vaitulukina, qui vit une période fructueuse puisqu’il s’’était offert il y a deux semaines un premier sacre national chez les U23. Bien entré dans son concours, avec un bond à 7,70 m, l’athlète de 20 ans a plié l’affaire au quatrième essai avec 7,78 m.

A Miramas, Florian Gaudin Winer et Etienne Nappey pour athle.fr
Photos : © JM Hervio / KMSP - M. Delobel / CaptureMySport

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