Le triple sauteur Melvin Raffin a décroché son quatrième titre national indoor en décollant à 17,05 m, une performance synonyme de minima FFA pour les Mondiaux de Nankin. A la perche, le duel entre Thibaut Collet et Renaud Lavillenie a tourné à l’avantage du premier nommé, vainqueur d’un concours spectaculaire en franchissant 5,82 m, là aussi les minima fédéraux pour la Chine. La concurrence a également été au rendez-vous sur 60 m haies, avec la victoire de Wilhem Belocian en 7’’52, un centième devant Just Kwaou-Mathey.

La Perf'

Raffin a fait sa révolution

C’est l’histoire d’un retour fracassant, après des années loin de la lumière. Avec son premier essai mesuré à 17,05 m dimanche au stadium de Miramas, Melvin Raffin s’est rappelé au bon souvenir des passionnés de triple saut. Non pas qu’ils l’avaient oublié, mais la dernière sélection de l’ancien prodige, recordman du monde U20 en salle en 2017, remontait à 2022. Une éternité. Depuis sa sixième place aux Mondiaux indoor de Belgrade, Raffin a connu une blessure grave à l’été 2023 et une longue période à être « en bas sur le plan psychologique ».

En 2024, il a donc changé beaucoup de choses, et pas seulement sur le plan capillaire (son passage chez le barbier est tout récent). « J’ai changé de coach (NDLR : Louis-Gregory Occin a remplacé Teddy Tamgho), de lieu et de cadre d’entraînement, et d’approche de mon sport, également », résume celui qui porte désormais les couleurs du Grand Paris Seine et Oise Athlétisme. Revenu vivre chez ses parents « pour retrouver un rythme et un cadre propice à la performance », Raffin est aussi « plus sérieux que dans le passé, sur l’hygiène et la régularité à l’entraînement. »

A 26 ans, il a « compris [qu’il] n’avait plus le droit à l’erreur » et se concentre « uniquement sur le sautoir ». Si la philosophie générale de son entraîneur n’a pas tellement changé - « Greg et Teddy sont proches dans la vie et leurs méthodes se ressemblent » -, le nouvel alliage a trouvé les ingrédients pour remonter la pente. « Notre relation se passe plus dans la communication et l’écoute. Il faut dire aussi que je ne suis plus un petit jeune. Avant, je n’avais pas besoin de beaucoup parler, c’était différent », raisonne Raffin. Actuellement quatrième performeur mondial de l’année, Melvin Raffin a renoué le fil qui s’était effiloché et qui le relie au gratin international. « Les changements commencent à porter leurs fruits. Maintenant, j’aimerais bien décrocher ma première médaille internationale, pourquoi pas ? ». Le Raffin nouveau est arrivé, mais l’ambition n’est jamais partie bien loin.

La Décla

« Miramas est ma salle préférée, c’est la troisième fois que je gagne ici ! »

En remportant la finale de la perche avec 5,82 m, Thibaut Collet a entretenu sa série de rêve dans les Bouches-du-Rhône, puisqu’il s’était déjà imposé en 2022 et 2024. De là à parler d’une histoire d’amour, il n’y a pas loin. « J’adore la lumière et l’ambiance de cette salle », soufflait-il. Surtout, en renouant avec l’or et en empochant les minima pour les championnats du monde de Nankin, le perchiste de l’EA Grenoble 38 s’est fait du bien au moral. « Je ne vais pas cacher que les mois qui ont suivi les Jeux olympiques de Paris ont été compliqués sur le plan mental. Désormais, le chapitre est clos, j’écris un nouveau chapitre de l’histoire. J’avais besoin de ces championnats, de cet enjeu, et d’être poussé par les mecs, pour aller chercher ces hauteurs », soufflait-il, visiblement soulagé. Le voilà prioritaire - quasi qualifié - pour les championnats d’Europe et du monde, qui vont s’enchaîner en quinze jours. « La saison commence maintenant, pour moi. J’ai été retardé un peu dans ma préparation, mais depuis quinze jours, je m’entraîne très bien. »

Pour ce faire, il a dû se défaire de l’éternel Renaud Lavillenie (Envol), accrocheur en diable jusqu’à 5,76 m. « Ca n’a pas été facile, ce Monsieur Lavillenie était un peu récalcitrant », se marrait son compère d’entraînement au sein du groupe de Philippe d’Encausse à Clermont. Tout en saluant la classe de son dauphin, qu’il n’a pas manqué d’étreindre à l’issue du concours. « Il est encore capable de sortir des performances extraordinaires, au vu de son âge (38 ans, NDLR), de son passé et de son palmarès. » Baptiste Thiery (JS Fransiscaine) s’est classé troisième avec 5,70 m, départagé aux essais avec Robin Emig (Gap Hautes-Alpes Athlétisme).

Le Temps Fort

Belocian garde ses bonnes habitudes

Le scénario a été identique à l’an dernier, sur cette même ligne droite de Miramas. Une course au coude à coude et, à l’arrivée, une victoire de Wilhem Belocian, un centième devant Just Kwaou-Mathey. La différence était chronométrique, puisque c’est en 7’’52 que s’est imposé le hurdler du Lille Métropole Athlétisme, alors qu’il l’avait emporté en 7’’44 en 2024. D’ailleurs, le désormais quadruple champion de France indoor avait un petit goût d’inachevé en bouche, quelques minutes après avoir cassé sur la ligne d’arrivée. « Autant je prends la place, autant le chrono ne me satisfait pas. Je sais que j’ai mieux dans les jambes, je vise le record de France (7''41 par Dimitri Bascou) et j’ai envie de courir en moins de 7’’40. Peut-être que j’y pense trop et que ça me bloque. » Point positif, tout de même : le fait d’être « à peu près stable en 7’’50 ». Et le plaisir d’avoir retrouvé un de ses adversaires préférés, en la personne de Kwaou-Mathey. « Dès qu’il est dans la course, ça se joue entre lui et moi. Ça a encore tourné à mon avantage, c’est très bien », se marrait l’athlète coaché par Teddy Tamgho.

Just Kwaou-Mathey avait aussi le sourire, avec un chrono en 7’’53 honorable au sortir de « deux dernières semaines d’entraînement » ayant occasionné « une grosse fatigue. Il fallait aller chercher des repères, expliquait le sociétaire du Evreux AC, de retour à la compétition cet hiver après une rupture du tendon d’Achille en avril 2024. Je pense que je m’en suis bien sorti aujourd’hui. J’aurais bien sûr voulu courir plus vite. Mais après dix mois de blessure, je suis quand même content. »

A respectivement 29 et 25 ans, Wilhem Belocian et Just Kwaou-Mathey font figure d’anciens à côté de Théo Pedre. Le pensionnaire du pôle d’Eaubonne, qui fêtera ses 20 ans au mois de mai, a passé un énorme cap le jour J en battant son record dès les séries en 7’’63, puis en grappillant encore deux centièmes en finale pour s’offrir les minima pour les championnats d’Europe. « Il y a un mois encore, j’hésitais à faire une saison hivernale. Franchement, c’est un truc de fou, s’exclamait, hilare, le Parisien du SCUF. Les deux, je voulais les battre, mais ils sont trop rapides, ils ne m’ont pas encore invité. » Wilhem Belocian, qui découvrait Théo Pedre, encore junior l’an dernier, appréciait son émergence en connaisseur : « Les haies françaises, ça ne va jamais s’arrêter. Il y a toujours une pépite qui va sortir. Ça fait plaisir d’avoir des jeunes qui arrivent et nous poussent à rester au niveau. »

Le Chiffre

4

C’est une claque de plus de quatre secondes qu’Agathe Guillemot a mise au record des championnats sur 1500 m, dont Aurore Fleury était la détentrice en 4’13’’69 depuis trois ans, grâce à une performance réalisée déjà sur l’anneau bleu de Miramas. La demi-fondeuse du Haute Bretagne Athlétisme a tout fait comme une grande, en prenant les commandes de la course dès le coup de feu du starter. Après un passage légèrement inférieur à 2’50’’, un rythme déjà plutôt soutenu pour une finale de championnat, elle a placé une forte accélération à deux tours de l’arrivée. Pour l’emporter en 4’09’’43, sans jamais avoir été véritablement inquiétée, et après avoir fait office de lièvre pour la malheureuse Adèle Gay, disqualifiée pour plusieurs appuis à l'intérieur de la lice alors qu'elle pensait avoir amélioré son propre record de France U23 en 4'11''72, pendant qu'un peu plus loin, May-Lise Olivier (Clermont Auvergne Athlétisme), réalisait la meilleure marque nationale tous temps U20 en 4'25''83. « C’est un peu horrible à dire, mais l’année dernière, quand j’avais gagné, je n’étais pas hyper satisfaite car j’avais trouvé ça pas assez challengeant, confiait la médaillée de bronze européenne en plein air. Je pense que le pari a été tenu, je finis en 1’20’’ le dernier 500 m, c’est très bien. Ça n’est jamais facile d’aller au-delà de ses limites toute seule, mais au moins, j’ai pu travailler le changement de rythme. » Agathe Guillemot se relance au meilleur moment, après avoir pris « un peu un coup de massue » en n’améliorant pas son propre record de France indoor lors du meeting de Liévin il y a dix jours.

L’élève de Marc Reuzé a pu partager sa victoire avec sa camarade d’entraînement et de club, et en bonus colocataire : Clara Liberman. L’athlète de 24 ans a confirmé le gros cap passé en dominant en patronne un 800 m électrique, qui accueillait quatre athlètes ayant réalisé les minima pour Apeldoorn. Vainqueure en 2’04’’80, après 200 derniers mètres avalés en 28’’19, elle a rempli tous les critères pour prétendre à un billet pour le rendez-vous continental. « Je suis une grosse compétitrice, j’adore ça ! J’ai pris ces championnats comme un jeu. C’était la première fois que je venais pour le titre et pour valider une sélection. C’est vrai que ça n’était pas un jour comme les autres. Mais j’ai essayé de rester moi-même. J’ai fait le dernier tour à fond, sans réfléchir, en me disant : plus personne ne passe ! C’était comme s’il y avait des lions derrière moi. C’était vraiment de la survie. » Elle est sortie de la fosse sans dommages, alors que Charlotte Dumas du Clermont Auvergne Athlétisme a créé la surprise en se classant deuxième en 2’05’’14, devant l’autre représentante du HBA Léna Kandissounon (2’05’’47) et Anaïs Bourgoin (2’05’’79) de l’EFCVO.

La Promesse

Cinq espoirs en or

La deuxième journée du rendez-vous national a souri aux U23, qui ont été cinq à s’inviter sur la plus haute marche du podium pour la première fois de leur jeune carrière. Le plus surprenant d’entre eux a peut-être été Louey Ouerrat, 20 ans, sur 800 m. Si le demi-fondeur de l’Athletic Vosges EC s’était emparé du record de France de sa catégorie en 1’46’’08, il y avait encore un palier à franchir pour devancer dans une course tactique un client comme Yanis Meziane (Athlé 91). Ce qu’a brillamment réussi le protégé de Bruno Gajer à Montpellier, en débordant dans la dernière ligne droite son aîné pour être sacré en 1’47’’39, vingt-sept centièmes devant le champion d’Europe U23.

Même réussite pour Paul Anselmini sur la distance supérieure, le 1500 m, en 3’41’’62. Le recordman de France espoirs (3’36’’72) de l’EFCVO est patiemment resté derrière un conquérant Louis Gilavert (Athlé Sud 77) et a fait, comme souvent, la différence grâce à une fin de course détonante. Il a coupé la ligne d’arrivée 23 centièmes devant le steepleur.

Dans une finale de la hauteur très ouverte, Moustafa Diane (Athletic Clubs 92) a fait grimper son record de deux centimètres au bon moment, en effaçant au premier essai une barre à 2,18 m. Freiné dans sa progression par des pépins physiques, le Francilien compte bien poursuivre son ascension.

Enfin, les 200 m ont été dominés respectivement par la Franco-Suisse Iris Caligiuri (Entente Savoie Athlé) et Hugo Cerra (US Talence). La première, qui représente la confédération helvétique au niveau international, a battu son record en série (23’’40) puis en finale (23’’39), alors que le Girondin a été chronométré en 21’’13.

Et Aussi

Téo Bastien passe un cap

A l’heptathon, Téo Bastien a poursuivi sur la lancée de son excellente première journée. Après avoir battu samedi ses records sur 60 m (7’’02) et au poids (14,71 m), il a récidivé à la perche (5,05 m), tout en tenant le choc sur 60 m haies (8’’14) et au 1000 m (2’55’’39). Avec un total record de 6026 points, le Réunionnais du RC Arras a largement devancé la concurrence et réalisé à la fois les minima FFA pour les Mondiaux de Nankin (6018 pts) et les Europe d'Apeldoorn (5908 pts). Reste désormais à surveiller le ranking pour en savoir plus sur la suite de son hiver.

Meilleur temps des engagés (46’’14), après le forfait pour blessure d’Adrien-Mansa Coulibaly, Jimy Soudril a tenu son rang sur le double tour de piste. Le sprinter du Nantes EC, de retour à la compétition l’été dernier après une suspension de deux ans en raison d’un contrôle positif, a dominé les débats en 46’’03. Il a laissé Téo Andant (AS Monaco, 2e en 46’’36) se rabattre en tête, avant de le déborder dans la ligne droite opposée.

Sur la même distance mais chez les femmes, Amandine Brossier (SCO Angers Athlé) a fait respecter la logique lors d’une finale privée de Louise Maraval, éliminée en séries. Elle a décroché son quatrième titre national en salle en 52’’15, mais aurait aimé être plus titillée par sa dauphine, Camille Seri (52’’63).

Enfin, Angelica Berriot (EFS Reims), victime d’une fracture de la cheville l’été dernier, a signé son retour au plus haut niveau à la longueur. Elle l’a emporté avec 6,40 m, sa meilleure performance de la saison.

A Miramas, Florian Gaudin Winer et Etienne Nappey pour athle.fr
Photos : © JM Hervio / KMSP - M. Delobel / CaptureMySport

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