Nouvelle démonstration de l’équipe de France à Louvain ce dimanche, en périphérie de Bruxelles, avec le doublé sur 10 km de Yann Schrub (27’37’’) et Etienne Daguinos (27’46’’), ainsi que le titre par équipes. Les femmes ont aussi participé à la fête, avec une belle médaille de bronze collective.

Pas d’inquiétude, la France ne va pas annexer la Belgique. Et la charmante ville de Louvain, située dans la banlieue est de Bruxelles, est située en région flamande et donc néerlandophone. Mais on n’a beaucoup parlé français à nouveau ce dimanche matin. Au lendemain de la démonstration de Jimmy Gressier, Valentin Gondouin et consorts sur semi-marathon, les spécialistes du 10 km ont fait encore mieux, en réalisant un somptueux tir groupé.

Ils ont été emmenés par un Yann Schrub fidèle à sa réputation d’homme de grand championnat. Titré en cross en 2023 dans la capitale belge, le Mosellan de l’AS Sarreguemines A. évolue dans son royaume à Bruxelles. Il a dégagé, tout au long d’une course disputée sous une pluie fine et un ciel bas, qui empruntait le début et la fin du tracé du semi avec donc du dénivelé, une sensationnelle impression de maitrise. Qui, paradoxalement, peut être relié à son profil de coureur d’instinct et presque d’athlète à l’ancienne - il savait qu’il avait « vraiment de très bonnes jambes » mais ne le montre pas forcément sur Strava et les réseaux » - « Cette météo et ce parcours me convenaient, confiait-il quelques minutes après l’arrivée. Je ne savais pas du tout sur quelles bases on était. C’était vraiment d’homme à homme. Je n’ai même pas actionné mon chrono et la voiture n’ont plus. Ça m’allait très bien ! Je voyais les gens qui ‘’lapaient’’, mais moi, je m’en foutais complet. J’étais juste focus sur la médaille d’or. »

Un groupe de trois aux avant-postes

Parti avec la volonté que ça « reste en paquet jusqu’à la fin pour jouer au sprint », l’élève de Dominique Kraemer était « prêt à tout type de scénario ». Il ne s’est donc jamais affolé et s’est aisément calé au sein d’un groupe de quatre athlètes, qui s’est détaché au bout de seulement quatre kilomètres, après la côte de 300 mètres, sous l’impulsion d’un Etienne Daguinos très offensif. Les Tricolores étaient accompagnés par le Belge Isaac Kimeli et le Turc Sezgin, avec un passage à mi-course en 13’50’’. Et si ce dernier a vite coincé, les trois hommes de tête ne se sont plus quittés et ont même creusé l’écart, pour s’expliquer dans l’ultime kilomètre au cœur du centre-ville de Louvain.

« Quand j’ai lancé mon attaque, personne ne m’a suivi, retraçait Yann Schrub. Tant mieux pour moi car, à 200 mètres de l’arrivée, je savais que ça ne reviendrait pas. C’étaient les 200 mètres les plus importants de la saison. Et quand le coq est de retour sur une ligne d’arrivée, c’est bon signe », souriait le demi-fondeur de 29 ans, qui n’avait tout de même pas eu le temps de se coiffer de son fameux couvre-chef avant de couper la banderole d’arrivée en 27’37’’, record personnel amélioré de onze secondes.

Daguinos confirme sous le maillot bleu

Si le plus rapide des médecins français compte désormais quatre médailles à son palmarès européen, avec donc déjà l’or en cross en 2023, ainsi que le bronze en 2022 et l’argent en 2024 sur 10 000 m, Etienne Daguinos a, lui, ouvert son palmarès chez les seniors ce dimanche. Après avoir passé un énorme cap chronométrique à l’automne sur 10 km en 27’04’’, à la surprise quasi générale, le sociétaire de l’US Talence avait à cœur de montrer aussi, sous le maillot bleu, qu’il avait changé de statut. « L’hiver n’a pas forcément été très facile, rappelait-il, en référence à des problèmes d’oreille interne qui l’avaient sérieusement perturbé. Ça me rassure et ça confirme mes progrès. Honnêtement, c’est aussi un soulagement. » Signe de son ambition, on pouvait presque sentir une pointe de regret dans la voix du talentueux demi-fondeur de 25 ans, qui ne faisait pas pour autant la fine bouche après sa deuxième place en 27’46’’ : « L’objectif, c’était la médaille. Le titre était le graal, mais je sais aussi me satisfaire d’une médaille lorsque je me fais battre par plus fort. J’ai tout tenté, je savais que Yann était très fort au finish. Il était vraiment au-dessus aujourd’hui. J’ai essayé de faire un sprint long au neuvième, mais dans les 400 derniers mètres, ça brûlait un peu trop au niveau des jambes. Je me suis battu jusqu’au bout. Ça n’est que partie remise. »

Joie collective et petits regrets individuels pour Palcau

Les Bleus ne sont pas passés très loin d’un phénoménal triplé, puisque Fabien Palcau s’est classé quatrième en 28’05’’, sept secondes derrière Kimeli. Après s’être laissé volontairement un peu décrocher dans l’ascension de début de course, le représentant du Dijon UC a su profiter de la descente pour revenir sur le groupe de chasse et même finir par prendre les devants. Il ne lui a pas manqué grand-chose pour se mêler, lui aussi, à la bataille pour le podium. « Le sentiment est mitigé, soufflait-il. Quatrième, c’est le premier perdant. On est si prêt de la boite. J’ai vu trop tard qu’Isaac était complètement à l’arrêt dans les 300 derniers mètres, alors que j’en avais encore vraiment sous le pied. » Mais les motifs de satisfaction étaient nombreux pour le Bourguignon en pleine progression, qui a pendant longtemps lutté pour se faire une place en équipe de France seniors, avant d’y jouer les premiers rôles. « Je n’avais jamais terminé quatrième aux Europe, donc c’est génial, pointait-il. C’est un gros step de passé. Et quasi trois gars sur la boite, c’est super. Avoir des grands champions comme Yann (Schrub) et Jimmy (Gressier) qui confirment d’année en année, c’est inspirant. C’est aussi pour ça que je m’accroche. » En 1h23’28’’, les Bleus ont relégué l’Espagne à près d’une minute trente et la Belgique à quasi deux minutes, des écarts énormes, le classement étant établi à partir des trois meilleurs chronos de chaque collectif.

Une dynamique collective récompensée par une victoire au classement par équipes haut la main, à laquelle il faut aussi associer Simon Bédard (20e en 28’39’’) et Baptiste Guyon (29’12’’). Et qui incite les Tricolores à se sublimer, comme le rappelait Etienne Daguinos : « C’est sûr qu’on a une génération assez folle. On ne peut plus se satisfaire d’être à 99 %, il faut être à 102 %. »

Les Françaises retrouvent le podium

La densité n’est pas encore la même côté Françaises, mais les progrès sont réels et leur cri de joie en découvrant leur troisième place par équipes faisait chaud au cœur. Absente d’un podium collectif seniors depuis le bronze aux Europe de cross en… 2015, elles ont pu enfin goûter de nouveau à ce bonheur. Mekdes Woldu a fait honneur à son statut de cheffe de fil un mois après son record de France du marathon à Barcelone, en étant longtemps dans la course au podium pour, au final, se classer huitième en 31’43’’. « Hier, on était toutes devant la télé pour le semi-marathon, racontait la native d’Adi Keblo, en Erythrée. On était tellement motivées, on s’est dit : ‘’ok, c’est à nous d’aller chercher demain une médaille par équipes’’. Je n’attendais que ça. C’est ma première médaille avec l’équipe de France. C’est quelque chose d’incroyable ! Félicitations aux filles, je suis fière d’elles. A Rome (lors du semi-marathon des championnats d’Europe en 2024, ndlr), j’étais tellement déçue qu’on ait raté la récompense pour seulement une seconde. »

La triathlète Léonie Périault (12e en 32’11’’) et Aude Clavier (19e en 32’34’’) ont aussi contribué à cette récompense, avec Célia Tabet (25e en 32’44’’) et un peu plus loin Coraline Maamouri (34’36’’). « On est super contentes, savourait Aude Clavier. Vu le parcours, on se disait qu’il y aurait des surprises, et que si tout le monde sortait sa grosse course, ça pouvait le faire. »

Les marathoniens n'ont pas connu la même réussite. Chez les femmes, Mélody Julien et Clémence Calvin ont tenté crânement leur chance mais ont manqué de jambes dans la deuxième partie de leur effort pour se mêler à la course au podium. La première, moins de deux mois après avoir disputé les 42,195 km de Séville, s'est classée 10e en 2h33'41'' d'une course marquée par le doublé des Espagnoles Fatima Ouhaddou Nafie (2h27'14'') et Majida Maayouf (2h27'41''). L'Occitane a dépassé Clémence Calvin à 600 m de l'arrivée, qui a vécu un calvaire dans les derniers kilomètres et qui termine 11e en 2h34'20''. Course à oublier pour leurs homologues masculins, avec le 36e rang dans le temps anecdotique de 2h42'05'' de Michaël Gras, victime d'une grosse contracture aux ischio-jambiers, alors que Benjamin Choquert et Emmanuel Roudolff-Levisse ont été contraints à l'abandon. Ils n'ont donc pas pu contribuer à un tableau des médailles de la première édition des Europe de running où la France trône tout en haut, avec ses sept médailles dont quatre titres.

Florian Gaudin-Winer pour athle.fr
Photos : © Gwendal Hamon / CaptureMySport