Les marcheurs français ont vécu un dimanche d’anthologie à Podebrady (République Tchèque). Les seniors ont été sacrées championnes d’Europe par équipes sur 20 km, avec Clémence Beretta (2e) et Pauline Stey (3e) sur le podium. Médaille de bronze pour Gabriel Bordier sur la même distance chez les hommes. Ces trois athlètes ont réalisé les minima FFA pour les Mondiaux de Tokyo, tout comme Aurélien Quinion et Kevin Campion sur 35 km. La nouvelle génération a également brillé, avec chez les U20 de l’argent pour Chloé Le Roch et le collectif.

Au téléphone, Pascal Chirat doit hausser le ton pour se faire entendre. En ce dimanche soir, les Bleus viennent de terminer leur réunion de débriefing, l’ambiance grimpe déjà, et la nuit promet d’être longue en République Tchèque. « C’est la fête ! », résume le responsable national de la marche. Les Tricolores, qui enquillent les kilomètres d’entraînement à longueur d’année et souvent en solitaire, ont bien le droit de lâcher prise le temps d’une soirée. Ce dimanche, sur le parcours roulant et mythique de Podebrady, ils ont écrit une des plus belles pages de l’histoire de la discipline, face à une concurrence de haut niveau.

Avec six médailles dont quatre en individuel, assorties de cinq minima FFA pour les championnats du monde de Tokyo, le bilan est exceptionnel. Et même de l’ordre du jamais vu. Il faut presque se pincer pour y croire : les Françaises sont championnes d’Europe par équipes du 20 km, devant l’Espagne (2e) et l’Italie (4e), l’Ukraine (3e) venant s’intercaler entre les deux mastodontes. Une grande première et un exploit, réalisé grâce aux prestations somptueuses de Clémence Beretta et Pauline Stey. Alors que la course était partie très lentement, la première nommée, en quête des minima pour les Mondiaux (1h28’27’’), n’a pas hésité à assumer ses responsabilités en prenant les commandes de la course puis en accélérant progressivement l’allure. Passée au 10 km en 44’24’’, la sociétaire de l’Athlétic Vosges EC n’a pas baissé de rythme. Et si elle a fini par être décrochée par l’Ukrainienne Lyudmila Olyanovska, vainqueure en 1h27’56’’, elle s’est classée 2e en 1h28’05’’.

Elle explose son propre record de France (1h28’44’’) de 39 secondes. Un temps de référence national sous lequel Pauline Stey descend aussi largement. La marcheuse d’Alsace Nord Athlétisme, qui n’était jamais descendue sous la barrière des 1h29’ avant ce dimanche, monte sur la troisième marche du podium en 1h28’18’’. Un chrono de classe mondiale. Camille Moutard aurait aimé les imiter mais, après avoir pris deux cartons rouges, la Bourguignonne a été contrainte de lever le pied et a dû se contenter du 15e rang en 1h32’53’’. C’est donc la prometteuse espoir Ana Delahaie qui a pris le relais, en abaissant son record à 1h31’39’’ pour prendre une précieuse 10e place.

Bordier troisième au panache

A l’image de Clémence Beretta, Gabriel Bordier a réalisé, sur la même distance, une course pleine de panache, avec lui aussi en tête le chrono demandé pour espérer être du voyage au Japon (1h19’01’’). Le Mayennais s’est même porté en tête dès les premiers mètres, en imprimant un rythme légèrement inférieur à quatre minutes au kilomètre puis de plus en plus proche des 3’50’’. L’Espagnol de 23 ans Paul McGrath, sacré en 1h18’05’’, et l’Italien Francesco Fortunato, 2e en 1h18’16’’, l’ont respectivement doublé au 13e et dans le dernier kilomètre. Mais en 1h18’23’’, soit un record qui vole en éclats de 36 secondes, l’élève de Gérard Lelièvre décroche une magnifique médaille de bronze.

Minima FFA pour Quinion et Campion

Pas de podium mais un contrat plus que rempli, sur le 35 km, pour Aurélien Quinion et Kevin Campion, qui étaient venus en République Tchèque avec l’objectif de s’acquitter des minima FFA pour Tokyo. Le neuvième du 20 km des Jeux de Paris est largement descendu sous les 2h29’08’’ demandés, en coupant la ligne d’arrivée en cinquième position et en 2h26’24’’, dans une course marquée par le record du monde de l’Italien Massimo Stano en 2h20’43’’. La marge était beaucoup moins grande pour Kevin Campion, qui s’est arraché pour garder trois secondes de marge sur les minima fédéraux en 2h29’05’’, son record. Le Normand d’adoption a cependant terminé avec un chrono supérieur aux minima World Athletics. Par équipes, les Bleus se classent quatrièmes, avec un collectif complété par Martin Madeline-Degy, 24e en 2h36’53’’. C’est une place de mieux que Mattéo Duc (2h39’08’’), les deux Français ayant profité de l’occasion pour abaisser leur record personnel.

Le Roch et le collectif en argent

La marche française se porte bien et, bonne nouvelle, la relève a tout autant de talent. La preuve avec Chloé Le Roch, brillante à l’échelle nationale et qui a confirmé sa capacité à évoluer à son meilleur niveau, voire à le monter encore d’un cran, dans un contexte international. Si l’Espagnole Sofia Santacreu était la plus forte avec une victoire en 43’’57’’, record des championnats, la Bretonne, dont on ne compte plus les records de France, fait une magnifique dauphine en 44’02’’ (ancien record : 44’58’’). Avec bien sûr une nouvelle meilleure marque nationale. Marine Merbitz (7e en 45’49’’) et Léna Auvray (8e en 45’53’’) n’étaient, elles non plus jamais allées, aussi vite, et ont désormais en poche les minima forts pour les Europe U20. Si seule la première nommée a pu contribuer à la médaille d’argent collective, le classement n’étant établi que sur deux athlètes, elles ont toutes les deux réalisé une course de haut niveau. Dans la même catégorie mais chez les hommes, Bastien Picard a dû se contenter de la 11e place en 43’03’’, après trois cartons rouges synonymes d’une minute de pénalité.

Dix records personnels

L’équipe de France a confirmé, en République Tchèque, qu’elle était une nation qui compte de plus en plus à l’échelle européenne. « C’est un travail de fourmi depuis vingt ans, rappelle Pascal Chirat. On a semé les graines et on commence à en récolter les fruits. Tous ces athlètes, dont l’immense majorité est suivie depuis cadets, ont progressé petit à petit. Une culture de la performance s’est développée. » Symbolisée par cette statistique impressionnante : sur treize athlètes engagés, dix ont battu leur record personnel.

La rédaction
Photos : © European Athletics