Médaillée d’or avec ses coéquipières et deuxième en individuel sur le 20 km marche, avec à la clé un nouveau record de France en 1h28’05’’ et les minima pour les Mondiaux de Tokyo, Clémence Beretta a vécu un dimanche de rêve lors des Europe par équipes à Podebrady (République Tchèque). A 27 ans, la sociétaire de l’Athletic Vosges EC poursuit sa marche en avant, en mettant en valeur l’état d’esprit unique du collectif tricolore.

Dans quel état êtes-vous après la course de dimanche ?

Physiquement, c’est assez compliqué. J’ai mal partout. Emotionnellement, je pense que je n’ai pas vraiment compris, sur le coup, ce que j’avais réalisé. C’est sur le podium, en entendant La Marseillaise avec les filles, que je me suis transformée en fontaine. Je n’arrivais pas à m’arrêter de pleurer. C’est à ce moment-là que j’ai pris la mesure de ce qu’on venait de réaliser. C’est fou, on avait dit que l’objectif était le titre collectif, mais il fallait concrétiser. On avait terminé troisièmes il y a deux ans et, en voyant la start list, on s’était projetées sur un mano a mano avec les Ukrainiennes. Je savais que ça passerait par un podium individuel. On a eu chacune notre duel avec une Ukrainienne. Et j’aimerais vraiment souligner qu’Ana (Delahaie), qui termine dixième alors qu’elle est toute jeune, gagne une place qui nous permet d’être championnes d’Europe. Dans ce collectif, chaque fille a joué un rôle déterminant.

Que représente pour vous ce titre par équipes ?

C’est un aboutissement ! Yohann (Diniz) avait posé les premières pierres pour notre discipline au sein de la génération précédente. On a apporté un vent de fraicheur et ce côté féminin. On montre que c’est possible. Il y a cinq, six, sept ans, on était complètement inexistantes. On est parties de zéro. Je n’ai jamais été un talent qu’on a détecté, une fille au-dessus du lot. En espoirs, je marchais en 1h38’. Aujourd’hui, je suis en 1h28’. C’est uniquement avec de la passion et du travail que j’y suis arrivée. Il m’a fallu de la constance et de la discipline. J’y ai toujours cru malgré les épreuves. Et aujourd’hui, ça a payé.

En plus de la performance, il y a aussi eu la manière. Vous n’avez pas hésité à prendre vos responsabilités…

En marche, on n’a pas beaucoup de compétitions pour pouvoir réaliser les minima. Il y avait quand même une certaine pression. C’est parti extrêmement lentement, en 4’43’’ au kilomètre. C’était du délire, tout le monde se regardait et personne ne voulait prendre ses responsabilités. J’ai dit à Pauline : ‘’écoute, ça suffit, ça va être trop compliqué de rattraper 20 secondes’’. J’en ai eu marre et j’ai forcé le peloton à marcher à une allure normale. La deuxième partie de course a été beaucoup plus rapide.

Vous allez pouvoir aborder la suite de la saison complètement libérée…

Totalement ! Ce résultat va m’éviter d’aller disputer un énième 20 km en urgence. C’est un énorme soulagement de me dire qu’il me reste quatre mois de préparation pour être au top pour les Mondiaux. Après les Jeux olympiques, j’ai coupé longtemps. La reprise a été très compliquée sur le plan mental. Donc ça m’arrange bien que la saison soit un peu en décalé par rapport à d’habitude. Je vais participer dans deux semaines à un 10 km du World Tour à Madrid, puis sans doute aux championnats de France Elite sur 10 000 m. Je ne vais pas faire beaucoup de sorties, peut-être aussi un 5000 m pour le fun.

Avec les progrès que vous avez réalisés, que pouvez-vous espérer à Tokyo ?

Je peux avoir aujourd’hui avoir ma place dans le peloton de tête, même si j’ai peut-être encore trente secondes à grappiller. J’ai réussi à être régulière dans le top 16 en grands championnats, je suis désormais capable de viser le top 10, voire mieux. C’est hyper encourageant pour la suite.

Comment expliquez-vous la dynamique actuelle de la marche française ?

Plusieurs membres de l’encadrement nous ont dit que ce qu’ils voient avec la marche, au niveau de l’état d’esprit, est inédit. On est vraiment une famille. C’est notre force. On a grandi ensemble et on se serre les coudes. On reste sur des valeurs très pures et saines, et c’est évidemment un boost phénoménal. Dimanche, avant le 20 km femmes, il y avait le 35 km hommes. On était à quelques heures de notre course, mais on a tenu à aller voir les garçons et ils nous ont mis les larmes aux yeux.

Quelles sont vos conditions d’entraînement actuellement ?

En gros, je suis six mois dans l’année chez moi, dans ma petite campagne vosgienne, et six mois à l’étranger. C’est comme cela que j’ai trouvé mon équilibre. Je suis principalement en Australie, je participe à des stages fédéraux en Afrique du Sud, et je fais mes stages terminaux à Saint-Moritz (Suisse). Ça me fait beaucoup de bien de passer l’hiver en Australie, déjà parce que j’y ai rencontré mon compagnon (Declan Tingay), qui est aussi un marcheur olympique. J’y côtoie un autre groupe d’entraînement, dont fait partie Jemima Montag (3e du 20 km aux J.O. de Paris). Ça me permet de toujours me remettre en question et de sortir de ma zone de confort. Là-bas, je ne suis personne. C’est une petite claque, mais qui est nécessaire dans la préparation.

Propos recueillis par Florian Gaudin-Winer pour athle.fr