Devant plus de 20 000 spectateurs, Driss El Himer a remporté à Aix-les-Bains son septième titre national sur cross long. Il égale ainsi le record de Noël Tijou et ses sept titres de champion de France de cross. Sur un hippodrome de Marlioz baigné de soleil, Christelle Daunay s’est imposée sur le cross long femmes. Tous les deux seront au départ du marathon de Paris début avril. Retour sur une journée où l’expérience a, comme souvent dans les labours, primé. 

Le cross est une école de la patience et de l’abnégation. On peut s’y brûler les ailes à cause d’un départ trop rapide, grisé par la densité d’un peloton national. Et, pour apprivoiser sa singularité, tant sur le plan physique que mental, il faut souvent de nombreuses années. Driss El Himer est la plus belle illustration de ce que le temps et le travail peuvent apporter pour qui sait attendre son heure. A Aix-les-Bains, alors que la brume recouvrant les sommets du Mont Revard s’était enfin dissipée pour laisser place à un timide soleil, l’ex-légionnaire a décroché son septième titre national devant Ahmed Ezzobayry et Bouabdellah Tahri, égalant ainsi le record de victoires lors des « France » de cross détenu par Noël Tijou. Le marathonien de l’ASPTT Strasbourg prouve ainsi, s’il en était besoin, qu’il fait partie des meilleurs crossmen français de l’histoire. Sa victoire du jour, il l’a construit avec intelligence. Après un départ débridé, il s’est rapidement détaché en tête de course en compagnie de Bouabdellah Tahri, d’Abdelghani Lahlali et d’Ahmed Ezzobayry. C’est le dernier nommé qui plaçait la première violente attaque. Mais El Himer revenait avec aisance. Pour finalement démarrer à son tour aux environs du septième kilomètre. Dans son style caractéristique, foulée ample et puissante, bras en léger balancier et visage toujours grimaçant, il creusait rapidement un écart définitif avec ses poursuivants et franchissait en vainqueur la ligne d’arrivée. Chaque année impaire, le deuxième performeur français de tous les temps sur marathon semble renaître en posant son pied dans l’herbe verte des hippodromes. Il tentera de confirmer sa grande forme le 5 avril, cette fois sur le bitume du marathon de Paris.
Christelle Daunay sera, elle aussi, au départ de cette dernière épreuve. Et, dans un étonnant remake de 2007 et des « France de cross » à Vichy, elle l’a emporté dans les labours rhônalpins. Aussi impérial qu’El Himer, mais dans un autre style, la spécialiste de la route du SCO Sainte-Marguerite Marseille a effectué un véritable cavalier seul sur un parcours roulant, presque sans relief et sec, lui convenant à merveille. Elodie Olivares, de retour des Championnats d’Europe en salle où elle avait disputé le 3000 m, se chargeait de dynamiter la course dès le départ. Puis Daunay allait partir seule, au train. Impressionnante et au-dessus du lot, elle s’imposait avec vingt-trois secondes d’avance sur Olivares et Fatiha Klilech-Fauvel.

Dans les autres catégories, une seule athlète est apparue autant au-dessus du lot. Il s’agit de Clémence Calvin, une abonnée à la victoire en cross puisque, depuis sa première année cadette, elle a toujours coupé en tête le ruban d’arrivée. Pour sa dernière année chez les juniors, elle n’a pas fait dans le détail malgré les présences de Marion Joly (2e) et Claire Andréani (3e). Rapidement placée aux avant-postes, elle ne laissait de place au suspense en s’envolant très vite après un hiver pourtant gâché par les blessures. Il lui reste maintenant à confirmer son insolente domination au niveau national lors d’un grand championnat international. Elle en aura l’occasion à la fin du mois puisque, grâce à sa première place, elle est automatiquement qualifiée pour les Championnats du monde de cross, qui se dérouleront le 28 mars près de Amman en Jordanie. Simon Denissel, vainqueur chez les juniors hommes, l’accompagnera en Jordanie. Lui qui a commencé l’athlétisme il y a à peine un an a remporté son premier titre national grâce à un sprint final de toute beauté dans une course qui a mis du temps à se décanter. Derrière, Vincent Boucena et Houssam Bouallagui ont respectivement décroché l’argent et le bronze. 
Chez les cadets, ce sont là aussi des athlètes à l’expérience diamétralement opposée à leur talent qui se sont couverts d’or. Benjamin Herriau (Laval) n’a qu’un an d’athlétisme derrière lui. Quant à Eva Federspiel, elle n’a effectué ses premières foulées au sein d’un club, le GA Haut Saonois qu’en septembre dernier. Mais tous les deux sont des surdoués de l’athlé. Et possèdent une intelligence de course dont ils ont fait une nouvelle fois preuve aujourd’hui. Le premier nommé, spécialiste du 800 m (1’50’’21 en cadet en 2008), a attendu les mille cinq cents derniers mètres pour porter son accélération. Et remonter avec une facilité insolente sur un Romain Collenot-Spriet, Maxime Salmeron prenant la troisième place. La deuxième nommée a, elle, pris très vite les choses en main. Pour ne plus lâcher la tête de la course grâce une foulée très puissante, qui promet de beaux lendemains sur piste. L’Irlandaise Rachel O’Driscoll, Anna Bricout et Cécile Chevillard complètent le podium.  
En parlant de tartan, comment ne pas saluer l’aisance de Yoann Kowal sur cross court. Le Périgourdin, médaillé de bronze sur 1500 m lors des Championnats d’Europe de Turin il y a pile une semaine, a écrasé de toute sa classe son épreuve. Très fluide et en surfant sur son état de forme exceptionnel, il a devancé Frédéric Denis et Florian Carvalho. Dans la même épreuve mais chez les femmes, Marie-Noëlle Jacquet, 33 ans, a maté toutes les petites jeunes en se cachant pendant les premiers kilomètres. Une tactique payante puisqu’elle l’a emporté devant Jenifer Lozano et Fanjanteino Felix. L’expérience, toujours…

Ils ont dit :

Hakim Bagy, vainqueur du cross vétéran en 32’20’’ :
« Je suis content d’avoir été autant encouragé. C’était une course avec du beau monde puisque le champion de France et le vice-champion de France en titre étaient présents. Je suis fier de ce premier titre en vétérans. Le premier tour a permis de faire le tri et on s’est vite retrouvé à trois en tête. Ensuite, on a levé le pied et j’ai un peu géré. J’ai attendu les trois cents derniers pour attaquer. J’avais confiance en mon finish. La semaine prochaine, je participerai au semi-marathon de Metz puis, un peu plus tard, au semi-marathon de Thionville. Je prendrai part en mai à un marathon. » 

Eva Federspeil, vainqueur du cross cadettes en 15’51’’ :
« Je ne fais de l’athlétisme que depuis septembre. Je n’avais donc pas vraiment d’expérience. Cette victoire est une surprise. J’ai trouvé ça presque facile. Je pensais que la course allait partir plus vite. Finalement, je me suis retrouvée dans les dix premières au bout de cinq cents mètres et j’ai fait un trou tout naturellement. Je n’avais pas de stratégie. Le parcours ne me convenait pas trop. J’aime quand il y a des montées. Cet été, je vais me concentrer sur le 3000 m. »

Benjamin Herriau, vainqueur du cross cadets en 17’11’’ :
« C’est une grosse surprise, c’est inespéré. Je visais une place dans les dix premiers.  Je me suis placé dans le deuxième groupe pendant toute la course et j’ai attendu les 1500 derniers mètres pour voir si j’avais encore du jus pour accélérer. Et j’en avais ! Le parcours était très roulant. Cet été, je compte monter plus sur 1500 m tout en persévérant toujours bien sûr sur 800 m.  »

Christelle Daunay, vainqueur du cross long :
« Tout d’abord, merci à Aix-les-Bains de nous avoir accueillis. C’était presque le même parcours qu’à Vichy en 2007 et les mêmes conditions. Tout allait bien aujourd’hui ! Elodie a lancé la course. J’ai pris le temps de revenir sur elle puis j’ai lancé la machine comme sur marathon. »

Driss El Himer, vainqueur du cross long :
« J’égale le record de Noël Tijou. Je fais maintenant partie du cercle fermé des meilleurs crossmen français de l’histoire. L’objectif, c’est maintenant de battre le plus vite possible ce record. C’est le plus beau titre de ma carrière en cross. Le niveau était très relevé. La présence des étrangers a donné du piment à la course. Je suis content d’offrir un titre à mon nouveau club. Je vise maintenant la qualification pour les Mondiaux de Berlin sur marathon. »

Bouabdellah Tahri, 3ème du cross long :
« J’ai réalisé un super hiver. Aujourd’hui, j’ai prouvé ma polyvalence. Je me suis accroché, je me suis battu pour cette médaille. Je suis vraiment satisfait. J’étais venu pour faire un podium. Il y a eu un phénomène de décompression après les Europe en salle mai j’ai eu le mérite de m’accrocher après avoir été lâché aujourd’hui. »  

Morhad Amdouni, vainqueur espoir sur cross long en 37’18’’ :
« Je ne suis pas satisfait. J’étais dans un très mauvais jour. Je sais que j’avais le potentiel pour aller chercher un podium chez seniors. Mais je saurai rebondir pour montrer toutes mes capacités. Le titre espoir, c’est quand même une récompense.  »

Riad Guerfi, deuxième espoir sur cross long :
« Je reviens de loin. Depuis deux ans, j’étais dans le dur. Les gens ne croyaient plus en moi. Je voulais prouver que j’étais capable de faire mon retour au plus haut niveau. Je suis parti dans les quarante derniers et je suis ensuite remonté au train. Avec ce podium, j’ai rempli mon objectif. Cet été, je souhaite participer aux Championnats d’Europe espoirs sur piste. Pour la distance, rien n’est encore décidé. »

Clémence Calvin, vainqueur du cross juniors en 19’10’’ :
« On a eu droit à un très beau parcours aujourd’hui. Je souhaite un très bon anniversaire à ma mère ! Je tiens à remercier mon nouveau coach, Jean-François Pontier, ainsi que les filles qui ont couru avec moi, même si elles n’étaient pas dans leur meilleure forme aujourd’hui. »

Yoann Kowal, vainqueur du cross court en 12’27’’ :
« Après les Championnats d’Europe en salle, je n’ai fait que des footings et une petite séance mercredi. Avant la course, je me sentais mou. C’était sans doute à cause du sol très souple. Pendant le cross, j’ai eu de super sensations. J’étais très bien. Ce titre me fait plaisir. Il prouve que ma médaille aux « Europe » n’était pas un coup de chance. Je concrétise ! »

Simon Denissel, vainqueur du cross juniors en 22’35’’ :
« La course est partie lentement. Puis le rythme s’est accéléré et le dernier tour a été très rapide. Il y a eu un gros sprint final sur les trois cents derniers mètres. Je suis parti au carton et, en cinquante mètres, j’ai réussi à mettre dix mètres à mes adversaires. Cette victoire est le résultat de tout le travail accompli. J’espère que c’est le commencement d’une longue série ! »

Marie-Noëlle Jacquet du cross court en 12’35’’ :
« Je suis super contente. J’espérais refaire un podium après ma victoire en 2007 à Vichy. Quand on y a goûté, on a envie de retrouver ce bonheur. Je n’ai pas été trop mal pendant toute la saison hivernale. Mais j’ai ménagé mes efforts pour tenir jusqu’au 15 mars. Je n’ai pas pris trop de risques aujourd’hui. Je me suis planquée puis je suis revenue progressivement. »


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Et n'oubliez pas, dès 18h15, lundi, une émission spéciale Championnats de France de cross sur Orange Sport, et retrouvez également dès mardi matin sur Athlé TV, toutes les vidéos des courses.

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