Au téléphone, la voix est un peu lasse mais les mots sont très forts. Christelle Daunay est épuisée par son marathon new-yorkais et son long voyage de retour qui ne s’est achevé qu’il y a quelques heures. Mais elle savoure sa troisième place sur le podium d’une course mythique en 2h 29’16’’, un chrono anecdotique sur un parcours très difficile.  Derrière l’Ethiopienne Derartu Tulu, vainqueur en 2h28’52’’, et sa dauphine la Russe Ludmila Petrova (2h29’). Mais devant la Britannique et recordwoman du monde Paula Radcliffe, quatrième en 2h29’27’’. La protégée de Cédric Thomas au SCO Sainte-Marguerite Marseille a longtemps été en course pour la victoire. Mais elle ne nourrit aucun regret, fière d’avoir pris ses responsabilités quand il le fallait. Interview.

Athle.com : Christelle, comment vous sentez-vous deux jours après votre superbe troisième place lors du marathon de New-York ?
Christelle Daunay : Je ne suis rentrée qu’il y a quelques heures. J’ai mal aux jambes, je suis fatiguée. Mais l’objectif est passé, je relâche un peu après toutes les heures d’entraînement consacrées à la préparation de cette compétition. Avec une belle performance en plus au bout.

Avec un peu de recul, comment analysez-vous votre course ?
La victoire n’a peut-être pas été très loin. J’ai osé, j’ai tenté quelque chose. Peut-être un peu trop tôt. Mes adversaires n’étaient pas n’importe qui. Mais je n’ai pas de regrets. J’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai réagi par rapport aux sensations que j’éprouvais à un moment précis. Je sentais que Paula (Radcliffe) n’était pas à la hauteur de ce qu’elle avait annoncé, qu’il y avait moyen de la décrocher. Les autres filles se sont plus abritées. J’ai payé un peu mon manque de fraîcheur sur la fin.

Pourquoi avoir décidé de vous placer dès le départ aux côtés de Radcliffe en première ligne ?
J’avais peur de subir la course de l’arrière. J’ai donc préféré me mettre devant. Le rythme était lent donc je ne me suis pas mise dans le rouge. Ça m’a peut-être permis d’éviter une chute. Il y avait énormément de vent, surtout sur les grands ponts. Il faisait un peu frais mais les conditions étaient bonnes pour la course à pied.

Comment avez-vous réagi quand vous avez senti que les bases de la course n’étaient pas très rapides ?
Les temps de passage nous ont très vite indiqué que le rythme était lent. J’ai essayé de prendre mes responsabilités en plaçant quelques attaques. Les autres ont, elles, géré leur course pour gagner. En fait, Paula a un peu faussé la course en annonçant qu’elle voulait descendre sous les 2 h20. C’était l’épouvantail, elle devait forcément mener. Toutes les filles se sont calquées sur elle. Si elle avait été en forme, ça serait allé plus vite.

Vous vous êtes pour la première fois de votre carrière retrouvée à jouer la gagne sur marathon…
Depuis Paris et mes 2h 25 en avril dernier, j’ai progressé dans la hiérarchie des marathoniennes. Je suis arrivée à New-York avec les meilleurs chronos sur semi et marathon des engagées. J’avais confiance en ma préparation. Je savais que j’avais les moyens d’être devant. Finalement, le chrono, je m’en moque. Car je suis sur le podium du marathon de New-York. Et j’ai assumé mon nouveau statut au niveau mondial. Je pense que j’ai passé un cap sur le plan mental.

Devancer Paula Radcliffe, la recordwoman du monde, qu’est-ce que ça représente ?
J’ai toujours battu Paula sur marathon, puisque je l’avais déjà devancée à Pékin lors des Jeux olympiques, même si elle était en méforme ou revenait de blessure. Mais c’est la référence, une des plus grandes athlètes de tous les temps. Tout le monde a du respect pour elle. J’ai entendu Derartu Tulu l’encourager quand elle a commencé à perdre le contact avec le groupe de tête. Les spectateurs l’ont énormément soutenue. Quand elle a commencé à revenir sur moi dans les derniers kilomètres, j’ai tenu le choc, j’ai essayé de relancer. Mais j’étais impressionnée par les encouragements qu’elle recevait. La course a été longtemps indécise. Le public était en haleine et applaudissait toutes les filles. Et vers l’arrivée, dans Central Park, c’est encore monté en puissance. Tout ce bruit, c’était presque gênant avec la fatigue. Je ne savais plus où j’en j’étais. Je me sentais comme submergée.

Vous n’avez sans doute pas eu le temps d’observer le décor qui vous entourait tout au long des 42,195 km de course…
J’ai apprécié la ville et les larges artères. Mais le parcours était vraiment vallonné et difficile. Dans ma tête, j’y allais rue par rue. Je ne serai peut-être pas capable de reconnaître aujourd’hui les endroits par où je suis passée. Après la course, j’étais très fatiguée. Je me suis juste promenée autour de l’hôtel.

Votre troisième place a été beaucoup médiatisée en France. Avez-vous ressenti l’impact qu’elle a pu avoir dans le milieu de la course à pied ?
J’ai eu beaucoup de retour d’athlètes et de marathoniens. Les gens ont apprécié ma façon de courir. Je suis contente que le marathon et le hors stade puissent être mis en valeur grâce à ma performance. J’espère que ça va motiver d’autres personnes à courir.

Quel programme vous attend désormais ?
Je vais prendre quinze jours de repos. J’ai besoin de vacances après être partie de longues semaines en stage, notamment du côté de Lyon. Il faut que je coupe avec l’athlétisme pendant quelques temps. Je repartirai tranquillement et progressivement quand le corps en aura envie. Maitenant, je vais savourer des vacances bien méritées même si, pour l’instant, le repos est un peu pénible à cause du décalage horaire.

Et la suite, avec les Championnats d’Europe de Barcelone qui se profilent ?
Je n’ai rien en tête pour l’instant. Je vais faire le point et discuter avec mon coach Cédric Thomas. Je vais tout remettre à plat et définir des objectifs en cross et sur marathon. J’aurai le temps d’y repenser.

Propos recueillis par Florian Gaudin-Winer pour athle.com

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