A la veille des qualifications du triple-saut, lors desquelles il faudra sauter à 16,75 m pour entrer en finale, une marque largement à leur portée, Teddy Tamgho et Benjamin Compaoré se sont prêtés au jeu de l’interview. Perturbés tous les deux par des pépins physiques ces deux dernières semaines, les ex-partenaires d’entraînement, qui partagent la même chambre à Barcelone, rêvent de se retrouver ensemble sur les deux plus hautes marches du podium.  

Leur état de forme

Teddy Tamgho

« Les soins ont été concluants. Si je suis ici, c’est que je suis apte à sauter demain. Je n’aurais pas pris le risque de venir s’il y avait encore quelque chose. Ça va mieux. Je suis capable d’aller chercher le titre comme tous les autres. Avec une semaine d’arrêt, je n’ai pas perdu grand-chose. Je n’ai pas fait un seul triple saut depuis le troisième essai des Championnats de France (ndlr : le 9 juillet). Je n’en éprouvais pas le besoin. J’ai juste fait de la course placée, du gainage actif et de la musculation très dynamique. »

Benjamin Compaoré

« Cette année, avec Jean-Hervé Stievenart, on savait que si je triple-sautais, ce serait avec une douleur à cause de ma talonnade. Elle est toujours assez forte et aigüe. Je la sens tout le temps, même en marchant. Mais ça ne me gênera pas pour sauter à Barcelone. J’en ferai abstraction ou, en tout cas, j’essayerai. » 

Leur saison 2010

Teddy Tamgho

« Je ne regrette pas d’avoir sauté aux France. J’ai pris une décision et j’étais prêt à en assumer les conséquences. Le grand objectif reste les Jeux olympiques de 2012, pas ces Championnats d’Europe même s’ils sont très importants. Je n’ai pas envie de me blesser et enchaîner avec huit mois de galère. » 

Benjamin Compaoré

« Je n’ai pas encore sauté pour faire une performance. Ça aurait été dangereux pour mon talon de tenter de sauter loin. Je suis là donc je suis prêt à prendre désormais ce risque. En début de saison, avec mon coach, on était parti sur la longueur. On s’est dit que j’allais faire un saut dans un concours pour me qualifier aux Championnats de France. Et j’ai fait 17,21 m à 80 %, avec élan réduit. »

Leurs objectifs

Teddy Tamgho

« Je vais d’abord tenter de passer les qualifications en essayant de perdre le moins de jus possible. Une fois en finale, je rentrerai dedans à chaque saut en étant à 150 %. En meeting, on recherche des intentions techniques. En championnat, il faut arrêter de réfléchir et poser son cerveau. C’est la dernière ligne droite, on ne calcule pas. Le titre sera plus dur à aller chercher qu’à Doha. Car Benjamin Compaoré est là ! »

Benjamin Compaoré

« En qualifications, je vais essayer de sauter très à plat avec un « cloche » très bref pour éviter ma douleur au talon. J’ai géré pendant toute la saison. Mais je serai à 100 % en finale. Je ferai le maximum et l’objectif sera de gagner. Je vois Teddy aller très loin. On verra le résultat jeudi à 22h... Ce qu’on voudrait, c’est faire premier et deuxième, quel que soit l’ordre. » 

Compaoré par Tamgho

« Benjamin est capable de faire un saut à 18 m depuis 2008. S’il sort son saut ici, à Barcelone, il n’y aura pas le choix. Il faudra aussi que j’aille chercher cette barrière. Benjamin et moi, on a quasiment le même niveau. On se tirait la bourre à l’entraînement. Ça fait un peu bizarre de ne plus être ensemble lors des séances. Il est comme un grand frère pour moi. Il me donne des conseils. Il a beaucoup plus de vécu et de maturité que moi. De mon côté, je peux essayer de l’aider avec mon expérience des grands championnats. Nous sommes deux extrêmes. Lui, c’est la force tranquille, un lion qui reste dans sa savane. Moi, je suis plus le gorille un peu fou. Il essaye de me canaliser. »

Tamgho par Compaoré

« Entre Teddy et moi, les relations ne changeront pas pendant le concours des Championnats d’Europe. On continuera à se donner des conseils. On a tous les deux travaillé dur pour réussir mais nous avons des parcours différents. Même si on ne s’entraîne plus ensemble, j’ai l’impression que Teddy est toujours là. On se voit tous les jours sur le stade. Je n’ai pas voulu critiquer Teddy dans son choix de quitter Stieve (Jean-Hervé Stievenart). J’ai plus essayé de le comprendre. A 21 ans, il a peut-être eu envie de découvrir autre chose. S’il a fait ce choix, c’est qu’il pense que c’était la meilleure solution. Même s’il est jeune, il est adulte et responsable. Il n’a pas fait ça sur un coup de tête. »

Par Florian Gaudin-Winer, pour athle.com