En athlétisme, le bonheur vous tombe parfois dessus par surprise. Déçu après sa dixième place sur 10 000 m aux Championnats d’Europe de Barcelone, Abdellatif Meftah a ainsi battu samedi, sans trop y croire et dans des conditions difficiles, le record de France du semi-marathon. En 1h00’46, il n’a guère pris le temps de chiner lors de la grande braderie de Lille, préférant se concentrer sur le semi international qui accompagne les festivités. Résultat : douze secondes de mieux que le chrono de Larbi Zeroual en 1999, sur la même épreuve. Soit la 5e place derrière le vainqueur du jour, le Kenyan Wilson Kiprop (59’39). Naturalisé français en 2008, le Marocain d’origine, 28 ans, voit désormais loin. Et confie ses ambitions et ses rêves de médailles pour la France.

Athle.com : Abdellatif, comment s’est déroulée votre course au record, samedi à Lille ?
Abdelatif Meftah : Déjà, je ne savais pas que la course avait lieu samedi ! J’avais prévu de me reposer vendredi pour pouvoir courir dimanche. Mais vendredi, à 23h00, on m’a appris que la course avait lieu le lendemain. Mais j’ai couru, et battu le record…

Ce n’était donc pas des conditions idéales, d’autant que vous effectuez le Ramadan ?
Il y a le Ramadan, mais aussi le fait que je travaille en ce moment jusqu’à 3h00 du matin dans mon restaurant… Ce n’était vraiment pas mon objectif de battre ce record. Je n’avais même pas pris de chrono avec moi ! J’ai juste suivi le peloton jusqu’au 16e kilomètre environ, puis je me suis accroché aux autres coureurs devant moi, un à un. Ce n’est qu’une fois arrivé que le speaker m’a appris que j’avais battu le record. Ce fut une immense joie, quelque chose d’extraordinaire.

Comment expliquez-vous cette performance dans de telles conditions ?
Je crois que l’entraînement de la saison, pour la Coupe d’Europe du 10 000 m et pour les championnats d’Europe de Barcelone, paye maintenant. Je m’étais très bien entraîné avec Philippe Dupont, l’entraîneur de l’équipe de France, et Irba Lakhal.

Au vu de votre performance lilloise, jusqu’où pensez-vous pouvoir aller sur semi actuellement ?
Vu les conditions, je dois pouvoir courir en 59’. Et 2h07 ou 2h08 sur marathon. Mais pour cela, il me faut une bonne organisation. C’est cela qui est compliqué, pour moi. Je n’ai pas de stabilité : je travaille, je n’ai pas de famille en France… Ma famille vit au Maroc, à la frontière avec la Mauritanie, et je n’ai pas vu la plupart d’entre eux depuis deux ans. Même si mes parents sont venus me voir quand je suis allé en stage à Ifrane avec l’équipe de France.

Et vous travaillez beaucoup ?
Oui, je suis gérant d’un restaurant traditionnel marocain. Le Marrakech, juste en face de la gare du Mans !

Au niveau de l’entraînement, vos conditions sont meilleures ?
Je m’entraîne avec Philippe Dupont et Irba Lakhal depuis cinq mois, et tout se passe vraiment bien. Et en équipe de France, j’ai connu à Barcelone une vraie ambiance, je me suis senti comme dans une famille. Ce fut important pour moi. Je tiens d’ailleurs à remercier la Fédération, qui me fait confiance depuis deux ans. La mairie du Mans, le Conseil Général et mon club d’Athlé 72 m’aident aussi.

Vous évoquiez tout à l’heure les championnats d’Europe de Barcelone. On vous avait senti déçu par votre 10e place…
Je n’étais pas bien dans ma tête, j’étais très déçu car mon objectif était la deuxième ou la troisième place. Je voulais vraiment offrir une médaille à la France. Mais j’avais fait une erreur : je suis descendu trop tard de mon stage en altitude. Je suis arrivé sur place deux jours seulement avant ma course. Il m’en aurait fallu huit pour bien récupérer car j’avais beaucoup forcé. Mais c’est l’athlétisme. Parfois ça sourit, parfois non…

Les championnats du monde de semi-marathon auront lieu en Chine le 16 octobre. Vous y prendrez part ?
Quand j’ai couru à Lille, je n’avais pas les championnats du Monde en tête. Mon objectif de cette fin d’année, ce sont les championnats d’Europe de cross, et d’y faire un podium. Moi, je ne peux pas courir comme les athlètes professionnels. Je ne peux pas courir à gauche à droite, tout le temps, car il faut que je travaille. J’ai été sélectionné cinq fois en équipe de France, et j’ai maintenant besoin d’objectifs. Ce sont les championnats d’Europe de cross, et les Jeux de 2012 sur 10 000 m.

Propos recueillis par Cyril Pocréaux pour athle.com

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